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Beps, vu par Jan Neugebauer (Arendt & Medernach)



Beps, une nouvelle donne en fiscalité internationale? (Photo: Arendt & Medernach)

Beps, une nouvelle donne en fiscalité internationale? (Photo: Arendt & Medernach)

Signature de l’instrument multilatéral Beps, une nouvelle donne en fiscalité internationale?

Le 7 juin 2017, 68 pays, dont le Luxembourg, ont signé la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales, afin de prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

Plusieurs mesures du projet Beps («Base Erosion and Profit Shifting»), élaboré sous l’égide de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), vont ainsi être transposées dans les conventions fiscales bilatérales existantes, afin de neutraliser les effets des dispositifs hybrides (action 2), d’empêcher l’utilisation abusive des conventions fiscales (action 6), de prévenir l’évitement artificiel du statut d’établissement stable (action 7), et d’améliorer le règlement des différends, à travers les procédures amiables et l’arbitrage (action 14).

De par sa signature, le Luxembourg s’engage à appliquer les standards minimums dans ses 81 conventions bilatérales en vigueur, et a émis de nombreuses réserves lorsque les mesures prévues par la convention multilatérale n’étaient pas obligatoires. Cette flexibilité devrait permettre le maintien d’une certaine compétitivité du Luxembourg dans un contexte international.

Une levée des incertitudes?

Dans le cadre de la convention multilatérale, une attention particulière doit être portée aux règles anti-abus visant à lutter contre les stratégies de chalandage fiscal, et notamment à la règle du critère des objets principaux («principal purpose test»), qui peut aboutir au refus de l’application d’une convention fiscale lorsqu’il est estimé que l’une des raisons principales de la mise en place d’un certain montage ou transaction est d’obtenir les avantages découlant de ladite convention. Étant donné la nature subjective d’une telle règle, un certain nombre d’incertitudes s’élèvent à l’égard des structures d’investissement.

La levée de ces incertitudes dépend essentiellement de l’avancement des travaux relatifs à l’accès aux avantages conventionnels par certains véhicules d’investissement n’étant pas des organismes de placement collectif («non-CIVs») et de l’approche des différentes juridictions quant à l’application de la règle du critère des objets principaux aux sociétés holding. L’ensemble de ces éléments déterminera dans quelle mesure il est nécessaire de revoir les structures existantes et d’implémenter les nouveaux investissements.

Quelle suite?

La convention multilatérale reposant sur le principe selon lequel chaque État signataire dénonce les conventions fiscales pour lesquelles il souhaite appliquer les mesures prévues par la convention multilatérale, dès lors, quand bien même le Luxembourg a dénoncé toutes ses conventions fiscales en vigueur lors de la cérémonie de signature, chaque convention fiscale ne sera modifiée que si l’État partenaire signe la convention multilatérale et dénonce la convention fiscale conclue avec le Luxembourg.

Les changements apportés aux conventions fiscales devraient être effectifs à compter de fin 2018 au plus tôt. À cet égard, les États signataires doivent d’abord ratifier la convention multilatérale afin que celle-ci entre en vigueur et que les États soient liés par la convention multilatérale. Après cette ratification, l’entrée en vigueur des mesures prévues par la convention multilatérale dépend du type d’impôt auquel elles s’appliquent, une distinction étant opérée entre les impôts prélevés à la source et les autres types d’impôts.

Mise en perspective

La signature de la convention multilatérale est à mettre en parallèle avec la future transposition en droit luxembourgeois (au plus tard le 31 décembre 2018 pour une application le 1er janvier 2019) de la directive européenne Atad 1, modifiée par Atad 2 (application au 1er janvier 2020), dans la mesure où ces directives complètent les mesures prévues par la convention multilatérale, en allant plus loin que les standards minimums. Il est attendu que le législateur luxembourgeois profite de la flexibilité offerte par ces directives, lors de leur transposition, en choisissant d’appliquer ou non certaines mesures, lorsqu’une telle possibilité lui est offerte, afin de pérenniser la compétitivité du Luxembourg et de maintenir l’attractivité de la place financière.