Thomas Lambert a remis ses lettres de créance ce vendredi au Grand-Duc Henri. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Thomas Lambert a remis ses lettres de créance ce vendredi au Grand-Duc Henri. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Le nouvel ambassadeur de Belgique au Luxembourg, Thomas Lambert, entame ce vendredi son mandat et présente ses projets, comme par exemple la diplomatie publique, économique, mais aussi l’organisation d’une mission flamande au Grand-Duché.

Le voilà officiellement en poste depuis ce vendredi 25 septembre, date de la remise de ses lettres de créance au Grand-Duc Henri. Thomas Lambert, 50 ans, est le nouvel ambassadeur de Belgique au Luxembourg. Un nouveau défi pour l’ancien conseiller diplomatique de la Première ministre belge Sophie Wilmès. Rencontre.

C’est la première fois que vous êtes pleinement ambassadeur. Comment appréhendez-vous ce nouveau challenge de votre carrière?

Thomas Lambert. – «Un ambassadeur est un couteau suisse: il y a, d’un côté, la diplomatie et les contacts politiques, mais cela ne s’arrête pas là. Il y a aussi, de l’autre côté, la gestion des personnes, des bâtiments et des jardins. C’est assez impressionnant comme charge, mais c’est gratifiant: être ambassadeur, c’est aussi un peu gérer une PME, mais il ne faut pas se renfermer dans le bunker de l’ambassade. C’est surtout cela, mon ambition: de sortir, de découvrir tout le pays, ses acteurs, le business.

La Belgique et le Luxembourg ont un profil diplomatique très similaire: nous maîtrisons tous les deux l’art de pouvoir chuchoter à l’oreille des grands.
Thomas Lambert

Thomas Lambertambassadeur de Belgique au Luxembourg

Le poste diplomatique luxembourgeois est, paraît-il, très prisé. Pour quelles raisons?

«Pour tout un cocktail de raisons. Tout d’abord, il n’y a aucun pays au monde avec lequel nos relations bilatérales à tous les niveaux sont si intenses, même pas les Pays-Bas. Ensuite, ce poste offre une bonne qualité de vie, et il est un fait que nos deux pays ont une intense coopération.

La Belgique et le Luxembourg ont un profil diplomatique qui est très similaire: nous maîtrisons tous les deux l’art de pouvoir chuchoter à l’oreille des grands. En tant que pays au centre de l’UE, nous avons une certaine vision sur l’Europe.

Mais au lieu de prendre la fanfare, le grand drapeau et de dire: ‘notre idée, c’est que…’, on va aller discrètement, bilatéralement, en petits groupes, on suggère des idées. Et très souvent, dans notre histoire diplomatique, on a vu que ces idées, petit à petit, sont reprises par les Français, les Allemands, les autres.

Votre dernier poste était celui de conseiller diplomatique auprès de la Première ministre d’un gouvernement en affaires courantes un petit peu particulier. Que retenez-vous de cette expérience?

«Génial. Cela n’a duré que 11 mois, mais c’était un honneur, et surtout un plaisir de travailler pour la première femme Première ministre de Belgique, qui plus est dans ce contexte spécial de crise du coronavirus. Et l’aspect d’être au Grand-Duché de Luxembourg, c’est qu’elle a développé une amitié avec  (DP). À Davos et à Bruxelles, on rencontre Xavier Bettel et il dit: ‘viens, j’ai faim’. Avec les deux délégations, on est allé manger des pizzas ensemble. Il fait exactement la même chose, six mois plus tard, au Sommet européen sur le budget: les deux délégations ont été manger des frites ensemble.

J’ai toujours eu l’expérience que, quand on peut utiliser la marque Benelux, le poids diplomatique et politique, tout à coup, va crescendo et pèse beaucoup plus.
Thomas Lambert

Thomas Lambertambassadeur de Belgique au Luxembourg

Donc, les contacts sont cordiaux. Et pour un diplomate, et un ambassadeur, il y a un défi, parce qu’ils s’appellent directement. Il faut courir derrière pour savoir ce qu’il s’est dit. Les relations bilatérales sont excellentes, mais en plus, le bonus est que nos chefs de gouvernement s’entendent à merveille. C’est gratifiant.

Maintenant que vous y avez emménagé, quelles sont vos impressions sur le Luxembourg?

«Je connais un peu le pays, mais ce n’est que maintenant que je commence à le découvrir pleinement, et je dois dire que je suis impressionné. C’est un pays qui me donne l’impression d’avoir un plan. Vous savez ce que vous voulez. Quand on pose la question à un contact luxembourgeois ‘où voulez-vous être dans dix ans?’, ils ont tous une réponse cohérente, c’est impressionnant. C’est un pays qui fonctionne très bien, cela se voit tout de suite. Cela me plaît beaucoup. Je pense que je suis un petit peu plus strict que le Belge moyen. Pour moi, un rendez-vous à 10h, c’est à 10h, et pas 10h15. Et c’est la même chose ici. Et donc, pour moi, c’est un petit paradis.

En ce début de mandat, quels sont les dossiers qui retiennent votre attention?

«Il y a trois axes que je voudrais développer: l’Union européenne et le Benelux, la diplomatie publique et la diplomatie économique et commerciale. L’UE, c’est existentiel pour nous, et lors du dernier sommet européen, on avait un axe Luxembourg-Belgique-Irlande: on a réalisé un beau succès avec un profil commun.

J’ai toujours eu l’expérience que, quand on peut utiliser la marque Benelux, le poids diplomatique et politique, tout à coup, va crescendo et pèse beaucoup plus. Et on ne l’utilise pas assez souvent.

Le deuxième axe, c’est la diplomatie publique: je veux vraiment montrer que la Belgique a bien pris connaissance de la réalité transfrontalière, et nous voulons être à l’écoute des Luxembourgeois et des Belges pour nous assurer que la situation des deux côtés de la frontière redevienne optimale.

Et puis, il y a la diplomatie économique. Le Brexit s’ajoute à la crise économique du Covid-19, et donc, la diplomatie économique et commerciale est à l’avant-plan: comment trouver de nouvelles opportunités pour les entreprises? La solution se trouve dans une approche commune avec nos pays voisins, donc certainement avec le Luxembourg, qui est un pays qui sait de quoi il parle, qui est à l’avant-garde dans différents secteurs.

La Flandre est un peu absente au Grand-Duché.
Thomas Lambert

Thomas Lambertambassadeur de Belgique au Luxembourg

Y a-t-il des éléments à améliorer dans la relation diplomatique entre le Luxembourg et la Belgique?

«Je ne dirais pas cela de cette façon: les relations sont excellentes à tous les niveaux, mais on peut toujours essayer de faire mieux. Je pense qu’il est ‘overdue’ que nos gouvernements se rencontrent dans un format Gaichel (une réunion conjointe des exécutifs belge et luxembourgeois, ndlr). Pour des raisons liées à la politique belge, cela a pris du retard. Surtout qu’en 2021, nous célébrerons le centenaire de l’Union économique belgo-luxembourgeoise. C’est un moment parfait pour se revoir.

Il y a un point qui m’a frappé quand j’ai préparé mon arrivée ici: la Flandre est un peu absente au Grand-Duché. Je vais préparer une proposition afin que le gouvernement flamand vienne ici en mission politique, économique, mixte, peu importe. C’est un ‘quick win’.

Vous comptez apprendre le luxembourgeois?

«Absolument, cela va de soi. Pour un diplomate, les langues, c’est important. C’est une porte d’entrée pour faire la connaissance de toute une culture. En tant que néerlandophone, le multilinguisme, pour moi, est évident. Je m’amuse à parler des langues. Je suis parti étudier au Danemark, et je pensais, à l’époque, que tout serait en anglais. Mais ils avaient tout changé, et cette année-là, ils avaient tout refait en danois. J’ai donc dû étudier le danois, cela m’a énormément amusé.

Donc, étudier le lëtzebuergesch, c’est avec plaisir. Le défi sera de continuer l’effort, mais j’espère trouver des Luxembourgeois qui voudront perdurer à me répondre en lëtzebuergesch. Parce que nous aussi, en Belgique, quand un étranger me parle en néerlandais avec des fautes, on a tous tendance à changer vers l’anglais ou le français. Mais ne le faites pas. Forcez-moi à apprendre le lëtzebuergesch. Je le ferai avec plaisir.»