Jean-Paul Scheuren, président de la Chambre immobilière du Grand-Duché de Luxembourg. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Jean-Paul Scheuren, président de la Chambre immobilière du Grand-Duché de Luxembourg. (Photo: Nader Ghavami/Maison Moderne)

Le Luxembourg doit faire face à une crise du logement, pas une crise de l’immobilier, selon Jean-Paul Scheuren. Pour le président de la Chambre immobilière, au niveau du rapport entre coût du logement et revenu, le Luxembourg se situe dans la moyenne des pays européens.

Chaque trimestre, quand les chiffres du logement tom­bent, ce sont les mêmes ré­flexions que l’on entend: «c’est trop cher!», «qui peut encore s’acheter des logements?», «c’est la faute de la spéculation immobilière!». Et les usual suspects se font mettre au pilori, qu’il s’agisse des grands propriétaires fonciers, des fonds d’investissement étrangers, et un peu, un tout petit peu moins aujourd’hui, des promoteurs et des agents immobiliers.

Pourtant, à l’encontre de ce que certains pensent, l’immobilier connaît nécessairement les mécanismes de marché: la transaction est une rencontre entre l’offre et la demande, donc un point d’équilibre.

La mise au pilori des soi-disant responsables de la soi-disant crise de l’immobilier est un tour de passe-passe utile pour cacher les responsabilités de la situation actuelle, mais peu satisfaisant si l’on cherche à améliorer la vie des gens concernés.

Des fondamentaux en béton

Peut-on véritablement parler d’une crise de l’immobilier? Après la crise sanitaire, la crise de l’immobi­lier est-elle en train d’émerger, com­me le prévoyaient encore, il y a quelques semaines, certains visionnaires? Les derniers chiffres semblent en tout cas les contredire. Non, il n’y aura pas ou probablement pas de crise de l’immobilier aussi longtemps que les fondamentaux économiques ne seront pas perturbés.

Mais pourquoi le marché im­mo­bilier résiste-t-il si bien aux crises au Luxembourg?

Tout d’abord, la démographie continue de soutenir la demande. Ensuite, le développement économique et le niveau élevé des revenus tirent les prix. La demande continue dès lors à être au rendez-­vous et elle restera solvable. Les banques continueront aussi à donner des crédits pour financer les achats immobiliers, pour autant qu’il s’agisse de clients capables d’assumer leurs remboursements.

Pour le volet de l’offre, deux segments peuvent être séparés: la vente de biens existants et la vente de biens neufs. Sur le premier segment, on retrouve surtout des vendeurs privés et, sur le second, plutôt des professionnels. Les prix du premier segment connaissent la même dynamique que ceux du second. On observe donc bien un mécanisme de marché, qui n’a rien à voir avec l’oligopole de quelques grands opérateurs que certains veulent dénoncer.

Les grands fonds internationaux, voire extracommunautaires, seraient à l’origine de la spéculation sur l’immobilier résidentiel. Après l’étude commandée par la Chambre des députés, le ministre des Finances, (DP), rappelle les réalités: cela ne concerne que peu d’objets. Encore une mauvaise piste à écarter du discours trop souvent populiste qui pointe l’incompétence ou le calcul politique.

Une situation pas si exceptionnelle

Quand on lit les rapports de la Commission européenne (Se­mestre européen) et les recommandations et critiques de celle-ci, ce sont les procédures impossibles du Luxembourg qui y sont désignées comme premier responsable du manque d’adaptabilité de l’offre immobilière.

Une récente publication a si­tué le Luxembourg au 83e rang mondial pour le coût de la vie, dont le logement. Au niveau du rapport entre coût du logement et revenu, le Luxembourg se situe dans la moyenne des pays européens. Nous ne connaissons donc pas non plus une situation si exceptionnelle après comparaison internationale.

«Pas de crise de l’immobilier» n’est cependant pas équivalent à «pas de crise du logement».

Les gens qui se situent dans la catégorie des revenus faibles, voire moyens inférieurs, restent au Luxembourg, comme dans beaucoup de pays européens, sur la touche. On y retrouve les mé­nages qui donnent plus de 40% de leurs revenus pour se loger (overburden of housing costs). Ce sont les secteurs des logements subventionnés – logements locatifs à coût modéré et sociaux – qui sont visés ici. Là, par contre, le Luxembourg se retrouve parmi les plus mauvais élèves européens: un nombre de logements locatifs sociaux et à coût modéré en dessous de 2%, avec un besoin de 15.000 à 20.000 logements locatifs supplé­mentaires.

Ce n’est pas la situation oligopolistique du marché immobilier qui est à l’origine de la crise du logement, mais bien le monopole étatique sur les logements locatifs sociaux et à coût modéré maintenu depuis plus de 40 ans sous tous les gouvernements de quasi toutes les couleurs. Le ministre du Logement, (Déi Gréng), vient de réitérer son soutien à cette longue tradition politique vouée à l’échec, car il n’y aura pas de solution sans impliquer les acteurs privés du logement qui produisent plus de 95% de l’offre neuve.

Dans «politique du logement», il y a «politique». Tout est dit.