Il existe un risque que les pays particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique arrivent à la conclusion qu’ils feraient mieux de consacrer leurs ressources à l’adaptation, plutôt qu’à l’atténuation du réchauffement climatique. (Photo: Shutterstock)

Il existe un risque que les pays particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique arrivent à la conclusion qu’ils feraient mieux de consacrer leurs ressources à l’adaptation, plutôt qu’à l’atténuation du réchauffement climatique. (Photo: Shutterstock)

Suite à la COP26, plusieurs économistes partagent le même sentiment désabusé, à faible nuance optimiste, face aux réticences qui ralentissent le processus et au manque de leadership politique. Ils attendaient que ce soit l’inverse.

«C’est bien, mais pas top», selon l’expression consacrée. La COP26 de Glasgow a fait son job, c’est-à-dire rassembler les dirigeants autour d’une table et lister les engagements dont ils se disent capables. Elle a demandé à sceller ces engagements, avec plus ou moins de détails.

Ainsi, on note l’émergence positive d’une coopération inédite entre la Chine et les USA, et plus de 100 pays supplémentaires ont rejoint l’Europe et les États-Unis dans le même objectif de réduction des émissions carbone de 30% d’ici 2030. La COP26 assure que la supervision du suivi de ces objectifs sera renforcée. C’était nécessaire. Mais de quels moyens de pression ou de sanctions – en cas de non-respect – dispose-t-elle en réalité?

Dans un communiqué, Schroders ne prévoit «aucun impact sur les marchés financiers à court terme, car il n’y a pas eu de réel pas en avant». Selon  head of sustainable and impact investing chez Allianz GI, «l’arrivée des notions de Net Zero, Just Transition et Impact Investing est un élément nouveau et positif».

On retient aussi que plus de 100 pays représentant 90% des forêts mondiales ont signé un accord anti-déforestation, c’est un progrès dans la problématique des forêts, mais un petit pas dans la liste des actions à mener concomitamment.


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À l’avenir, on sait que les marchés développés apporteront davantage de soutien financier au monde émergent, mais cela ne se fera pas rapidement. En 2009, les pays riches s’étaient engagés à mettre 100 milliards d’USD par an à la disposition des pays en développement d’ici à 2020, en provenance des secteurs public et privé.

Mais cet objectif n’a pas été atteint, la COP l’ayant refixé à 2023. Le risque est que ces pays en difficulté préfèrent consacrer le peu de ressources qu’ils ont à l’adaptation au climat plutôt qu’à stopper le réchauffement.

L’utopie de 1,5°C

Non, la COP26 n’a pas brillé d’une aura nouvelle, que l’on voyait déjà née d’une prise de conscience post-Covid, bousculant les hésitations, accélérant l’engagement, concrétisant le devoir. La COP26 a enregistré, sans les bousculer, les objectifs réalisables à court, moyen et long terme. Voire très long, si l’on cite l’Inde, qui a placé son objectif de sortie progressive de l’ère carbonée à l’horizon 2070. Trop long, pour les analystes, qui craignent tous que l’objectif de réduire à 1,5°C le réchauffement climatique prévu à +2°C en 2050 reste utopique, faute de lenteurs décisionnelles et d’un manque de leadership politique. Pourtant, tous s’accordent à dire que, si les gouvernements étaient capables d’ériger la promesse en législation, laquelle ordonnerait l’action, ils deviendraient ensuite un modèle d’inspiration pour les autres.

Schroders va même plus loin sur ce point, en ajoutant que la probabilité d’un réchauffement à +2,5 ou +2,7°C devient de plus en plus réelle. Il pointe également du doigt «l’ambiguïté» créée par un flou de formulation dans les textes, comme celui concernant l’abandon progressif du charbon et des énergies fossiles, retoqué par l’Inde et la Chine sur une énonciation trop contraignante à leur goût. Le message est clair: la transition énergétique ne sera pas privilégiée par rapport au progrès économique.

Matt Christensen, chez Allianz GI, avertit: «Il existe un effet multiplicateur important pour chaque élément d’action et d’inaction au cours des prochaines années.» Chez J.P. Morgan, un communiqué post-COP26 indique: «Pour que la limitation du réchauffement climatique à moins de 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels reste à portée de main, il fallait que la COP26 prenne des mesures rapides et décisives. Si plusieurs nouvelles annonces ont été faites dans des domaines tels que le charbon, la déforestation et les émissions de méthane, les progrès n’ont pas atteint l’ampleur et la spécificité requises pour nous donner confiance dans la possibilité d’éviter des bouleversements climatiques.»

La COP26 a donc poursuivi sa mission, mais semble ne pas avoir tenu compte des avertissements précédents, notamment sur les délais, causant chez les économistes une prudence accrue, mâtinée de déception, concédant aux avancées formelles le statut de maigre lot de consolation face aux attentes.