Touchée par de nombreux bouleversements sociétaux et réglementaires, la banque privée fait aujourd’hui face à de nombreuses incertitudes. De quoi sera fait son avenir et comment s’y préparer? La clé est de rester focalisé sur les besoins du client.

Au cours des dernières années, le secteur du wealth management a été considérablement impacté par les changements réglementaires, les développements technologiques et l’arrivée de nouveaux acteurs concurrentiels. Aujourd’hui, le rythme de l’évolution est de plus en plus soutenu. Pour la banque privée, de nombreuses incertitudes planent sur le futur et il est capital de pouvoir s’y préparer. «Il est par exemple difficile de savoir si, demain, la relation client sera plutôt physique ou digitale», explique Xavier Turquin, Senior Manager, Business Transformation au sein de Deloitte Luxembourg. «Certains clients utilisent des canaux digitaux, mais les plus grosses fortunes continuent à vouloir un contact physique, à la banque ou chez le client. Or, avec la pression que les banques privées ont aujourd’hui sur leurs marges, il est plus difficile de partir une journée à l’étranger pour aller voir un client.»

Repenser la création de valeur

La façon dont la banque privée crée de la valeur est également marquée du sceau de l’incertitude. Elle ne peut plus facturer la mise à disposition de ses infrastructures ou de ses conseillers, alors qu’on trouve aujourd’hui des solutions de gestion d’actifs en ligne qui sont presque gratuites. «Plutôt que de se focaliser sur les produits qu’elle vend, la banque doit plutôt se réinventer autour des besoins de ses propres clients», poursuit Xavier Turquin. «Plus qu’un gestionnaire de portefeuille, le banquier doit être le partenaire de la réussite des ambitions de ses clients.»

Les plates-formes VTC sont des assemblages de services tels que de la géolocalisation, des services paiements, et de la messagerie pour proposer une nouvelle expérience au client.
Xavier Turquin, Senior Manager, Business Transformation chez Deloitte Luxembourg

Xavier Turquin, Senior Manager, Business Transformation chez Deloitte Luxembourg

Étant donné que les investissements lourds consentis par les anciennes institutions ne sont aujourd’hui plus nécessaires pour accéder au marché, la banque privée doit savoir s’il est encore rentable de conserver l’ensemble de ses services ou de les assumer elle-même. «Si l’on prend l’exemple des derniers plus gros succès planétaires, on constate qu’il s’agit le plus souvent de business assemblés, et non de business construits. Les plates-formes VTC sont des assemblages de services tels que de la géolocalisation, des services paiements, et de la messagerie pour proposer une nouvelle expérience au client», souligne Xavier Turquin. Selon le Senior Manager de Deloitte, les plus grosses institutions ont beaucoup de mal à imaginer perdre la main sur une partie de leurs services. Mais certaines institutions, de taille plus modeste, ont déjà tranché pour mettre fin à l’incertitude, lâchant leur licence bancaire pour se concentrer sur la gestion d’actifs ou encore en exploitant leur licence sur le model du «Banking as a Service» et devenir la banque des fintech.

La clé: la connaissance du client

Quand on est une banque, comment se recentrer sur les besoins du client pour repenser la manière de créer de la valeur? Au-delà des données personnelles que la banque privée possède sur son client et qu’elle pourrait d’ailleurs mieux exploiter – ou pas, nouvelle incertitude –, les institutions bancaires doivent parvenir à identifier ses ambitions, ses projets, et les évoquer régulièrement avec lui. «Au lieu de se voir une fois par an pour faire un bilan de ce qui a été fait et justifier ainsi les frais payés par le client, il serait plus intéressant d’utiliser des standards des réseaux sociaux comme le fil d’actualité et notifier en temps réel les clients à chaque événement sur leur portefeuille, et donner la possibilité au client de contacter son banquier directement», illustre Xavier Turquin. «On gagne ainsi en transparence et on apprend à mieux connaître les besoins de son client. Surtout, on le place au cœur de la conversation

Il est d’ailleurs judicieux de conserver son core business, le temps de développer de nouveaux services ou de former ses employés.
Xavier Turquin, Senior Manager, Business Transformation chez Deloitte Luxembourg

Xavier Turquin, Senior Manager, Business Transformation chez Deloitte Luxembourg

À côté de ces pistes, Xavier Turquin propose une méthode en plusieurs points pour se préparer à un futur incertain. D’abord, il faut identifier les incertitudes à même d’avoir le plus d’impact sur l’activité de la banque, en évaluant les probabilités que cette incertitude se concrétise dans un sens ou l’autre. Ensuite, des décisions fortes doivent être prises pour affirmer son identité dans ce contexte. Une stratégie claire sera alors définie pour faire face à l’avenir. «Cette stratégie doit être ‘stress testée’ afin d’évaluer comment elle répond au scénario envisagé», complète Xavier Turquin.

«Elle devra aussi être déclinée à travers des objectifs à court terme, c’est-à-dire à 6 ou 8 mois, qui permettront en cas de besoin de s’adapter et de rebondir. Il est d’ailleurs judicieux de conserver son core business, le temps de développer de nouveaux services ou de former ses employés. On se protège ainsi contre ces éventuels échecs qui, par le passé, ont eu des conséquences importantes sur certaines entreprises.» Le Senior Manager de Deloitte fait référence à l’éclatement de la bulle internet, qui a fait couler de nombreuses sociétés lancées tête baissée dans ce nouveau secteur, en abandonnant leur cœur de métier. Une stratégie qui s’est avérée trop audacieuse, alors que l’avenir était encore fort incertain…