En Belgique et en France, les différentes participations citoyennes n’ont guère été suivies d’effets. (Photo: Shutterstock)

En Belgique et en France, les différentes participations citoyennes n’ont guère été suivies d’effets. (Photo: Shutterstock)

Le Premier ministre a annoncé que le bureau citoyen dédié au climat serait mis sur pied dans les semaines à venir, au plus tard au début de l’année prochaine. Des initiatives identiques ont déjà eu lieu en Belgique et en France, hélas sans grands effets concrets ensuite.

Réunir un panel de 100 personnes représentatives de la réalité démographique du Luxembourg et appelées à réfléchir aux priorités de la politique climatique du pays: voilà à quoi devra ressembler le prochain bureau citoyen dédié au climat. Selon le Premier ministre, il sera mis sur pied dans les semaines à venir, au plus tard au début de l’année prochaine.

Les détails quant à ses contours seront exposés sous peu. Et examinés à la loupe. Représenter, via 100 personnes, un pays multiculturel regroupant plus de 170 nationalités différentes, où plusieurs langues sont employées, avec plus de 211.000 employés frontaliers pour 246.000 résidents, une seule véritable grande ville… sera déjà un défi en soi.

Pour le reste, il s’agira aussi de savoir sur quoi pourra déboucher le travail de réflexion. Évidemment pas sur des mesures contraignantes, puisqu’il fait peu de doute que le monde politique considérera que la démocratie représentative doit garder la main, la participation demeurant une exception. D’ailleurs, (DP) a bien pris garde de ne pas s’aventurer sur ce terrain mouvant, indiquant simplement que les mesures proposées feront l’objet d’un débat à la Chambre.

En Belgique et en France, deux initiatives comparables – mais pas totalement identiques tout de même – ont eu lieu ces dernières années. Avec, à la clé, des résultats décevants.

Le G1000 sans effets visibles

En novembre 2011, la Belgique attend un nouveau gouvernement depuis plus de 500 jours déjà. Plusieurs personnalités de la société civile, surtout côté flamand, mettent alors sur pied le G1000, soit la réunion de 1.000 citoyens tirés au hasard appelés durant une journée à réfléchir sur les grands enjeux nationaux: sécurité sociale, structure de l’État, répartition des richesses en temps de crise, immigration, enseignement, santé, qualité de vie, climat et environnement…, et à formuler des propositions. Ce qui est décrit comme «un projet plus large de démocratie participative et délibérative» reçoit bien vite un soutien massif de la plupart des partis, dont les membres applaudissent des deux mains.

Le succès est au rendez-vous sur le site de Tour & Taxis, puisque 704 des 1.000 personnes désignées au hasard s’y présentent. Mais les résultats ne connaîtront pas le même bonheur.

En 2017, le Centre de recherche et d’information socio-politiques (Crisp) publie une étude qui a pour but de déterminer ce qu’il reste de l’initiative, puis du travail d’un groupe plus restreint de 32 citoyens qui a suivi. Et surtout de l’idée que les citoyens pouvaient participer au débat public.

Mais, pour le reste, c’est peau de chagrin. «Les recommandations du G1000 n’ont, pour ainsi dire, été suivies d’aucun effet», déploraient les auteurs du Crisp dans les colonnes du Soir. Ce qui, selon eux, s’expliquait par le fait que les partis n’avaient rien demandé, et que si un de ceux-ci s’était emparé d’une des idées émises, cela aurait été perçu comme de la récupération. On reprochait aussi au G1000 des débats trop consensuels.

À quelques jours du 10e anniversaire de cette réunion, rien n’a évolué, et les recommandations sont toujours lettre morte.

Aucune initiative similaire n’a d’ailleurs été prise depuis lors.

Convention pour le climat: 12% des propositions retenues

«Ce qui sortira de cette convention, je m’y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe.» En avril 2019, le président français assure que le travail des 150 citoyens tirés au sort pour constituer la Convention citoyenne pour le climat ne sera pas vain. Charge à ceux-ci de «définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030 par rapport à 1990.»

Les espoirs sont grands, mais la lune de miel ne durera guère. 

En juin 2020, la convention présente 149 mesures. D’emblée, le président annonce qu’il en rejette trois: la réécriture du préambule de la Constitution, la limitation de la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes et la création d’une taxe de 4% sur les dividendes pour des entreprises en distribuant plus de 10 millions d’euros par an. Des «jokers» qui font grincer des dents.

En février dernier, Le Monde a passé au crible les résultats:

– 18 des 146 propositions restantes ont été retenues intégralement dans la loi climat, soit 12%;

– Outre les trois écartées d’emblée, 23 autres ont ensuite été balayées d’un revers de la main, plus discrètement;

– 78 mesures, soit 53%, ont été reprises partiellement. Mais, analyse Le Monde, «le plus souvent, le gouvernement suit l’intention des citoyens, mais ne va pas aussi loin que la convention dans l’adoption de dispositifs contraignants pour les entreprises, les collectivités ou les particuliers». Beaucoup de mesures sont également repoussées dans le temps, amoindries, ou font l’objet de nombreuses exceptions.

Avec d’autres clés d’analyse, Reporterre, spécialisé dans les questions d’environnement, arrive à un bilan bien plus sévère. «D’après nos recherches, 90% des propositions n’ont pas été reprises par l’exécutif. Cela représente tout de même 134 mesures sur les 149. Seulement 15 ont été retranscrites telles quelles par le gouvernement, dans le respect du ‘sans filtre’.»  Le compteur indépendant #SansFiltre, justement, estime le bilan encore plus mauvais avec seulement 13 propositions reprises in extenso et sans modification dans la loi climat.

Ces deux exemples démontrent que si ces initiatives sont sympathiques, elles n’en sont pas moins terriblement inefficaces. Mais le Luxembourg s’érigera peut-être, on l’espère, en exception.