L’ambiance était feutrée chez Bâtiself Strassen ou chez Cactus Hobbi Howald. Beaucoup trop de monde avait choisi Hornbach, à Bertrange. La réouverture, mardi, des enseignes de bricolage et de jardinage était attendue par les clients, et vitale pour les professionnels, assure Claude Wagner (Bâtiself).

«Moment, wann ech gelift!» Le vigile à l’entrée du Bâtiself de Strassen saisit un chariot, attrape son gel hydroalcoolique et un essuie-tout, et en désinfecte la poignée avant de le tendre au client étourdi. Le respect des mesures d’hygiène n’est pas envahissant, mais il est le même pour tout le monde.

«Nous ne laissons entrer que 45 clients à la fois», explique la directrice du magasin, Malou Schmitt. «Simplement parce que nous n’avons que deux caisses. Nous ne voulons pas que nos clients se retrouvent tous en même temps à la caisse. C’est juste un moyen de réguler cela.»

Un salarié sur cinq manque encore à l’appel, soit pour maladie, soit pour raisons familiales, «soit parce que nous avons demandé à notre personnel à risque de prendre son temps avant de revenir», ajoute la directrice.

Non seulement il nous a fallu payer nos fournisseurs, mais nous ne pouvions plus vendre nos produits.
Claude Wagner

Claude Wagnerdirecteur généralGroupe Bati C

Le coronavirus est particulièrement mal tombé pour le secteur du jardinage. «Nous réalisons une part importante de notre chiffre d’affaires en mars, avril et mai», avance le CEO du groupe Bati C (dont Bâtiself), Claude Wagner.

«Or, nous avions déjà tout installé dans nos magasins, où travaillent habituellement 141 employés, quand le gouvernement a décrété le lockdown. Non seulement il nous a fallu payer nos fournisseurs, mais nous ne pouvions plus vendre nos produits. Les fournisseurs, qu’ils soient Belges, Allemands ou Français, veulent être payés à la commande.»

«Heureusement», reprend-il aussitôt, «qu’on a les banques et l’État pour nous soutenir. Il faudra payer ces crédits, mais au moins, nous pouvons continuer à travailler. C’est pareil avec le loyer, pour lequel le propriétaire a accepté d’attendre le mois de mai.»

Même à 42 ans, la société réagit vite. «Il n’y a jamais d’acquis. Il faut prendre très vite les bonnes décisions, que vous soyez une jeune ou une ancienne société. Surtout quand vous portez la responsabilité de l’avenir de vos employés!»

M. Wagner fait appel aux volontaires pour augmenter le nombre de tournées de livraisons. Les magasins restent ouverts… sur internet. «Au lieu de 24 heures habituellement, nous avons mis deux ou trois jours à livrer, mais nos clients, fidèles, ont été patients», se félicite-t-il.

«Nous avons également proposé un drive-in», ajoute Mme Schmitt. «Nos clients peuvent commander sur internet et passer à la réception des marchandises. Ça va plus vite, et ça limite les risques.»

La «grande ouverture» torpillée par le Covid-19

Dans l’ombre de Vinissimo, où les affaires continuent quasiment comme si de rien n’était, consignes de prudence mises à part, laminée par le Covid-19. Le magasin est quasiment désert, et le gardien finit par aller déjeuner, tandis que les clients sont invités à garder deux mètres entre eux et à prendre chacun un seul chariot.

Sentiment de calme aussi chez Cactus Hobbi. Discrétion à l’entrée, consignes appliquées à la lettre, mais il n’y a ni bousculade, ni problème particulier. Les achats se font dans le calme.

Il n’y a guère que Hornbach qui a bien du mal à s’en tenir aux distances réglementaires. Ce n’est pas faute d’essayer. Le parking est plein comme un samedi habituel, sauf que nous sommes mardi. Le contraste est frappant avec les autres bâtiments alentour, tous désertés.

Un premier vigile vérifie que chaque personne à bord a bien un masque en sa possession. Tout est scrupuleusement fléché, des parois, parfois de fortune, sont installées pour protéger les employés et les caissières.

Mais le monde ne favorise pas le respect des distances. Les allées centrales sont bondées, une file s’est formée à la découpe du bois.

Des clients opportunistes

«Bien sûr que ce n’était pas urgent!», se fâcherait presque Mauro. «Mais tant qu’à être coincé chez moi, autant en profiter pour faire ce que je ne prends pas le temps de faire le reste de l’année!»

«Ça m’a fait une sortie», dit Claire, une trentenaire lorraine, qui regarde vaguement de la peinture. «Je n’avais pas spécialement besoin de grand-chose. Mais puisque c’est ouvert, que j’habite de l’autre côté de la frontière et que mon mari a une plaque luxembourgeoise, on ne risque pas grand-chose.»

«Il était temps que je lui trouve du travail», s’amuse Chantal, en tapotant sur l’épaule de son mari, le chariot plein de fleurs et de peinture. «Il s’ennuyait, alors on a seulement laissé passer l’ouverture et on est venu aujourd’hui.» «Vous pensez que je m’ennuie avec elle?!», répond son complice Charles, sans se formaliser. Tant que c’est dit avec des fleurs, même dans le chariot, ça va.