Facebook a lancé cette semaine son nouveau produit, pour quelques milliers d’utilisateurs inscrits, qui seront rémunérés 20 dollars par mois contre l’accès à leur utilisation des applications de leur smartphone. (Photo: Shutterstock)

Facebook a lancé cette semaine son nouveau produit, pour quelques milliers d’utilisateurs inscrits, qui seront rémunérés 20 dollars par mois contre l’accès à leur utilisation des applications de leur smartphone. (Photo: Shutterstock)

Facebook a lancé «Study» ce mardi. Ce VPN lui donne accès au contrôle des smartphones des participants, contre 20 dollars par mois. Le réseau social compte étudier comment ils utilisent les applications. Payer la donnée personnelle, une rupture dans un monde de plus en plus «bankable».

«Gagnez de l’argent pour partager comment vous utilisez vos apps», «ce programme aide à construire de meilleurs produits pour la communauté de Facebook», «nous ne collectons pas de données d’identité, de mots de passe, ni de contenus que les gens partagent, messages privés compris», «nous ne vendons pas de données liées à cette application à des parties tierces, et nous ne l’utilisons pas pour cibler des publicités».

En quatre promesses, mardi, Facebook a lancé «», pour des utilisateurs de 13 à 35 ans invités à s’inscrire sur des sites de beta testing (Betabound, uTest et Applause) et qui recevront… 20 dollars par mois contre ce VPN amélioré. Un simple coup d’œil à sa politique de respect de la vie privée suffit à comprendre qu’une fois encore, le réseau social danse sur la corde raide de la protection des données avec la grâce d’un éléphant souffrant d’arthrose...

Pourtant, Mark Zuckerberg ne manque pas de données personnelles, fournies gracieusement par ses 2,32 milliards d’utilisateurs actifs mensuels. , Facebook réalise 98,5% de ses 55 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel avec l’exploitation de ces données.

202 milliards de dollars en 2014

Il est loin de Google et ses 85% de 136,8 milliards de dollars de revenus, dont 70% de ses produits (comme Google Search et Youtube) et 14,6% de ses services de placement de publicité (comme AdSense et AdMob), mais la situation est loin d’être dramatique.

Dans une rare étude analytique, Harvard estimait ce marché de la donnée à des fins de marketing des géants à 202 milliards de dollars (2014) et 966.000 emplois aux États-Unis.

L’intérêt des marketeurs a suscité des vocations. Par exemple, vend des comptes Instagram ou Youtube. Ci-dessus, son produit le plus cher, le compte Italia sur Instagram, «à peine» 32.000 followers, mais qui vaut 350.000 euros. Ci-dessous, le compte Youtube Leopard Media, qui semble diffuser des bandes-annonces de films, est le plus cher, à 200.000 euros, pour une audience confidentielle...

D’autres encore permettent d’acheter des fans, et donc de doper sa notoriété, ce qui a des bénéfices potentiels, comme la monétisation de son audience. Il n’est pas rare que ces stars des réseaux sociaux deviennent des conférenciers recherchés... sans aucune véritable expérience. .

Ces 4.400 data brokers sont venus se battre sur le même terrain de jeu et réalisent des milliards de dollars de chiffre d’affaires.

Et 156 milliards chez les «data brokers»

156 milliards exactement, soit deux fois le budget annuel de la NSA, dont l’affaire Snowden avait montré la surveillance généralisée, affirme Marc Goodman, dans un livre-enquête paru en 2015, .

Le plus connu, , comme trois sociétés publicitaires (Criteo, Quantcast et Tapad) et deux agences de rating bancaire (Equifax et Experian), pour violation du règlement européen sur la protection des données.

Selon différentes sources, Acxiom, qui a profité d’une recapitalisation pour changer de nom, aurait des données de 2,5 milliards de consommateurs sur ses 23.000 serveurs, avec, en moyenne, 1.500 données par personne. La société s’était fait voler 1,5 milliard de données en 2003 (déjà!).

Pour la Banque mondiale, la «data driven economy», appelée de ses vœux par le couple exécutif formé du Premier ministre et de son ministre de l’Économie , «pèse» 3.000 milliards de dollars, dont 300 pour l’Union européenne.

Cela n’est pas près de s’arrêter: les utilisateurs d’internet ont généré 33 zettaoctets de données numériques dans le monde en 2018, l’équivalent de 660 milliards de disques Blu-ray, ou de 33 millions de cerveaux humains. Le chiffre sera multiplié par six d’ici 2025, poussé par 30 milliards d’objets connectés.

60 dollars par personne

De quelles données personnelles parle-t-on? E-mail, numéro de téléphone, numéro de permis de conduire, de cartes de crédit, issues des registres de la propriété ou des actes de justice, des cartes de fidélité de grands groupes alimentaires, la liste est longue comme un jour sans pain.

Des sociétés de services ou d’intelligence économique achètent régulièrement des données. Pour chaque dollar, une donnée qui permet de savoir qu’une femme est enceinte, qu’un couple est fiancé ou prêt à se marier ou qu’une personne a une fortune supérieure à un million d’euros vaut 0,12 euro, affirme , qui a l’ambition de mettre fin – de freiner – le phénomène, en proposant une solution qui permette de récupérer le contrôle de ses données.

Selon les estimations du Data Driven Marketing Institute, la valeur de nos données personnelles est de 60 dollars par personne.

Une tendance émerge, poussée par les nouvelles possibilités de calcul. Les supercalculateurs permettent, en théorie, de réunir des centaines de millions d’informations de santé pour y détecter les points communs de gens atteints des mêmes maladies afin de les prévenir, plutôt que de les guérir. En quelques années, la donnée médicale a doublé toutes les autres et est estimée à 0,26 euro.

Les assureurs et les mutuelles ne vont pas tarder à obtenir l’accès à ces données, en baissant les tarifs de leurs prestations. Ils sauront si vous faites assez d’exercice ou si vous dormez assez, buvez trop ou mangez trop souvent dans un fast-food. Gare aux comportements dangereux. Ce sera la même mécanique que pour l’assurance automobile, soutenue par les pouvoirs publics parce que cela permet de diminuer les coûts pour la solidarité nationale.

La santé, le Graal...

De 11,5 milliards de dollars en 2016, le marché de la donnée de santé va rapidement atteindre près de 70 milliards de dollars en 2025, affirment toutes les études.

«Le marché de la donnée de santé va être tiré par le besoin urgent de contrôler l’augmentation des coûts des soins de santé, d’améliorer le bénéfice pour le patient et la gestion des ressources. Les services analytiques ont pris la part du lion, avec 5,8 milliards de dollars (sur 14,25) en 2017»,

Le chiffre va augmenter de 22,3% jusqu’en 2025. Seule la valeur des outils analytiques des données cliniques va augmenter plus vite (23,77%), parce que les hôpitaux poursuivent le triple objectif d’être en règle avec l’impératif d’usage proportionné des données de santé, de réduire les erreurs médicales et d’améliorer la gestion des soins de santé.

Comment assurer la confidentialité ultime de ces données aussi personnelles que sensibles? C’est là que le Luxembourg a une carte magnifique à jouer. À condition de parvenir à éliminer la possibilité de retrouver une personne dans un set de données.