Rue de Beggen, la semaine passée: le niveau d’eau montait dangereusement. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

Rue de Beggen, la semaine passée: le niveau d’eau montait dangereusement. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne/Archives)

On compte toujours plus de constructions et moins de terrains pour absorber les eaux de pluie. Le lien avec les récentes inondations pourrait paraître évident. Les autorités assurent travailler pour réduire les risques.

Les fortes précipitations ont semé le chaos dans plusieurs villes et villages du pays la semaine dernière. Si l’épisode pluvieux a été exceptionnel, l’urbanisation intensive ou inadaptée aux fortes pluies est souvent pointée du doigt. Mais évoquer uniquement le manque d’infrastructures publiques, bassins de rétention ou bassins d’orage est réducteur.

«Quand on regarde l’étendue des dégâts dans les pays limitrophes, cela montre que nous avons été confrontés à un événement hors normes. Problèmes d’infrastructures ou non, on a touché à la limite de ce qui est imaginable», souligne Laurent Pfister, hydrologue au List. «Aujourd’hui, nous commençons à comprendre que nous vivons dans un monde non stationnaire. Cela veut dire que nous avons des événements extrêmes qui se produisent de plus en plus souvent et qui sont de plus en plus intenses. Inévitablement, tous les outils dont nous disposons, que ce soit de surveillance, de prévision ou de prévention, comme des ouvrages d’art ou des bassins de rétention, vont de plus en plus souvent arriver à la limite pour laquelle ils ont été développés, à une époque où l’on pensait vivre dans un monde stationnaire», explique le scientifique. 

Toutes les nouvelles infrastructures et constructions sont planifiées avec des niveaux de rétention correctement dimensionnés.
Carole Dieschbourg

Carole Dieschbourgministreministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable

Au sein du gouvernement, le sujet est pris très au sérieux, et ce depuis plusieurs années. La gestion des flux est cependant complexe. Plus on construit, plus les terres capables d’absorber les eaux sont rares et plus ces eaux montent.

«On a déjà beaucoup travaillé sur le sujet par le passé, mais il faut faire plus», assure  (déi Gréng), ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable. «Toutes les nouvelles infrastructures et constructions sont planifiées avec des niveaux de rétention correctement dimensionnés. Mais il y a encore d’anciennes constructions qui peuvent être problématiques. Nous avons déjà mis en place des mesures à certains endroits avec l’aide des communes, et cela fonctionne.» Mais elle ne cache pas la nécessité de continuer «à investir pour réduire le risque lié aux inondations. Nous devons également sensibiliser et agir en amont, cela coûte moins cher que de réparer les dégâts.»

Un plan de gestion des risques déjà à l’œuvre

La ministre et ses équipes ont lancé justement le mois dernier la phase de consultation publique du projet de la deuxième édition du plan de gestion des risques d’inondation du Luxembourg.

«Dans ce plan, nous avons introduit les événements extrêmes et nous avons pu cartographier, avec différents partenaires, les endroits à risque. Nous avons travaillé avec les communes pour identifier ce qui va et ne va pas. Le but des plans est de regarder où nous avons besoin de plus de bassins de rétention, de renaturation, de donner plus de place aux cours d’eau, pour éviter les risques, notamment dans des régions qui ne sont même pas en contact direct avec l’eau», a précisé la ministre, de retour .

Idem du côté du ministère de l’Aménagement du territoire. «L’urbanisation est une compétence communale et donc du ministère de l’Intérieur. Pour autant, le sujet nous concerne tous. C’est pour cela que nous établissons des guides et que, dans nos programmes, nous visons à réduire l’artificialisation des sols», souligne Bob Wealer, chef de la division nationale au sein du ministère de l’Aménagement du territoire.

Ce dernier prend pour exemple visant à soutenir la création de nouveaux quartiers durables, favorisant le développement d’un urbanisme à impact positif pour une meilleure qualité de vie des habitants. Un guide qui prend donc en compte ce désir de réduction de l’artificialisation des sols.

Moins on verticalise, moins le sol est perméable, et plus le risque d’inondation augmente.

Bob Wealerchef de la division nationaleministère de l’Aménagement du territoire

«Dans notre stratégie globale, on évoque la problématique, et on a publié des guides en collaboration avec divers acteurs du terrain. Mais nous ne pouvons pas interférer avec la planification à l’échelle locale», fait remarquer le fonctionnaire, qui ne pointe pas du doigt l’urbanisme du pays. «C’était quand même une situation exceptionnelle. Je suis certain qu’en parcourant le pays, on peut trouver des exemples où l’urbanisation a été très bien conçue et d’autres exemples où la construction n’a pas été réalisée de manière à éviter les inondations. Mais, selon les spécialistes du climat, ce type de situation exceptionnelle devrait se répéter, et c’est donc un défi de mettre en œuvre une bonne stratégie pour réduire l’artificialisation des sols. Moins on verticalise, moins le sol est perméable, et plus le risque d’inondation augmente», termine Bob Wealer.

La prévention et la sensibilisation de la population devront également être au cœur des stratégies à venir.

L’Administration de la gestion de l’eau a d’ailleurs, en collaboration avec le List, . Être prêt et conscient que l’on habite dans une zone à risque doit aussi forcer la population à faire pression sur les communes pour accélérer et dynamiser les mesures à prendre, ou du moins être prêt à anticiper les épisodes météorologiques extrêmes à venir et éviter les drames.

Presque en temps réel, il est possible de connaître les zones à risque sur le site Géoportail. (Photo: Capture d’écran www.geoportail.lu)

Presque en temps réel, il est possible de connaître les zones à risque sur le site Géoportail. (Photo: Capture d’écran www.geoportail.lu)