Entre excès de chaleur et excès d’humidité, les récoltes de blé dur sont bien en deçà des attentes et des niveaux moyens observés ces dernières années, tirant les prix vers le haut. (Photomontage: Maison Moderne. Photos: Shutterstock; Romain Gamba/Maison Moderne)

Entre excès de chaleur et excès d’humidité, les récoltes de blé dur sont bien en deçà des attentes et des niveaux moyens observés ces dernières années, tirant les prix vers le haut. (Photomontage: Maison Moderne. Photos: Shutterstock; Romain Gamba/Maison Moderne)

Les cours du blé dur s’emballent au point d’évoquer une pénurie de pâtes. Une pénurie que Jean Muller juge peu probable, mais pas impossible. Pour le CEO de Moulins de Kleinbettingen, la production locale est la meilleure réponse à apporter à l’actuel déséquilibre de l’offre et de la demande.

Ce sont les professionnels de la filière pâtes françaises qui tirent le signal d’alarme: «Le dérèglement climatique met en danger le marché des pâtes alimentaires.» Les chaleurs intenses connues par le Canada – premier producteur de blé dur, la matière première en l’espèce, qui pèse à lui seul les deux tiers du marché – vont conduire à une baisse de production de 32% par rapport à la production moyenne de ces cinq dernières années, selon la plupart des estimations.

En Europe, c’est la pluie qui menace le volume et la qualité des récoltes avec une estimation de production de 7,3 millions de tonnes pour un besoin de 9,5 millions de tonnes. Et la situation n’est pas meilleure en Russie, où les perspectives de récolte sont médiocres. La production mondiale de blé dur, qui oscille entre 35 et 41 millions de tonnes par an, devrait atteindre 33 millions de tonnes cette année, selon l’estimation de . «Soit une baisse de 10% sur un an, ce qui est considérable.»

Nous consommons plus que ce que nous produisons et cela dure depuis une dizaine d’années.
Jean Muller

Jean MullerCEOMoulins de Kleinbettingen

S’ajoute au problème de la production celui du niveau des stocks chez les principaux pays exportateurs, jugés «historiquement bas». «L’année dernière, nous sommes passés de 9,5 millions de tonnes à 8,5 millions de tonnes. Autrement dit, nous consommons plus que ce que nous produisons et cela dure depuis une dizaine d’années», estime Jean Muller, CEO de l’entreprise familiale Moulins de Kleinbettingen. Qui, s’il ne voit pas, sans totalement écarter l’hypothèse, de pénurie pour les années à venir, n’exclut pas à court terme de possibles hausses de prix.

Car, logiquement, le cours du blé dur a augmenté de plus de 30% ces dernières semaines et est à son plus haut niveau depuis huit ans à la Bourse de Chicago, la place de marché de référence. Les prix pourraient encore grimper lorsque les récoltes encore en cours seront terminées. Des récoltes qui devraient être achevées, mais qui sont retardées par les actuelles conditions climatiques.

Cette baisse des rendements devrait également se constater au Luxembourg, même «s’il est trop tôt pour la chiffrer», selon Jean Muller, pour qui la qualité risque également de ne pas être au rendez-vous.

Une production récente au Luxembourg

La situation au Luxembourg est cependant atypique. La production de blé dur y est relativement récente. «Elle n’existait pas il y a encore cinq ans et tous les producteurs de pâtes locaux importaient leur matière première.» Tout comme les grands producteurs italiens, dont les pâtes qui sont exportées sont en grande partie faites avec du blé dur importé kazakh, mexicain ou canadien, ajoute-t-il, en insistant sur le fait que «nous pensons que cette approche n’est pas durable et qu’il est d’autant plus important de favoriser les circuits courts et de produire le blé dur dans les régions où il est consommé».

C’est cette réflexion qui a poussé Moulins de Kleinbettingen à développer, avec ses partenaires au sein du pays et dans la Grande Région, la production de blé dur, à partir de laquelle il produit sa propre marque de pâtes commercialisée sous le nom Le Moulin. «Tout le blé dur écrasé à Kleinbettingen provient du Luxembourg et des pays limitrophes.» Des contrats à long terme ont été passés avec les producteurs pour garantir un approvisionnement constant et permettre à la marque de faire face à la demande. «Grâce à notre production de semoule locale, soit 45.000 tonnes par an, et nos accords sur le long terme avec des agriculteurs au Luxembourg et dans les pays voisins, une pénurie de pâtes sur le marché luxembourgeois peut être exclue.»