Le mouvement de la hausse des taux viendra-t-il du continent américain? C’est probable. Alors que l’Europe est officiellement entrée en récession technique suite à la baisse consécutive du PIB réel sur deux trimestres. Les chiffres préliminaires de croissance pour le premier trimestre 2021 tournent autour de -0,6%. Un léger mieux par rapport aux -0,7% du trimestre précédent, mais qui ne devrait pas inciter la Banque centrale européenne à remettre en cause sa politique de soutien à l’économie, dont les taux bas sont l’un des deux instruments principaux. D’autant plus que si cette contraction était attendue, la hausse des faillites qui s’annonce devrait l’amplifier.
Prise de position de Janet Yellen
L’inflation, c’est du côté de l’Amérique qu’elle réapparaît. Et plus précisément au Brésil. Après avoir déjà remonté ses taux directeurs en mars – une première en 6 ans –, la Banque centrale du Brésil devrait recommencer ce mercredi. Les analystes s’attendent à ce qu’elle relève son taux directeur mercredi, à 3,5% (+0,75 point) afin de lutter contre les poussées inflationnistes en pleine crise du coronavirus. En mars, ce taux était passé de 2%, son plancher historique, à 2,75%.
De son côté, Janet Yellen – ancienne patronne de la Fed de 2014 à 2018 et secrétaire au budget de Joe Biden – estime qu’une légère hausse des taux pourrait être nécessaire pour éviter la surchauffe de l’économie américaine. Dans une déclaration enregistrée pour un événement en ligne organisé par The Atlantic, elle a déclaré: «Il se peut que les taux d’intérêt doivent augmenter quelque peu pour s’assurer que notre économie ne surchauffe pas, même si les dépenses supplémentaires sont relativement faibles par rapport à la taille de l’économie», en faisant référence aux plans de relance successifs lancés par l’administration Biden. «Cela pourrait entraîner de très modestes augmentations des taux d’intérêt, mais ce sont des investissements dont notre économie a besoin pour être compétitive et productive, et je pense que notre économie va croître plus rapidement grâce à eux», a-t-elle ajouté.
Pour l’instant, la Fed reste officiellement sur sa politique de soutien à l’économie. Si son patron, Jerome Powell, note l’amélioration de la situation économique, il juge que «des risques pèsent toujours sur les perspectives».
Pression persistante
Mais dans l’économie «réelle», les pressions inflationnistes se font persistantes. François Rimeu, stratégiste senior chez La Française AM, voit les signes d’inflation se multiplier dans nos économies. Il met en avant l’évolution du prix des matières premières: depuis fin 2019 – soit avant que la pandémie ne commence –, le minerai de fer est en progression de +133%, le cuivre de +58% et l’aluminium de +33%. Et ces hausses se retrouvent aussi du côté agricole avec le blé qui monte de 27% et le maïs de 54%. Il relève également que les marchés immobiliers sont, eux aussi, en forte hausse dans la plupart des économies développées, comme aux États-Unis ou en Allemagne où les prix progressent de +12% sur les 12 derniers mois.
Ces effets sont principalement liés aux actions monétaires et budgétaires pour lutter contre la pandémie. Mais la pandémie les accélère «avec une demande de biens en forte hausse pour compenser la non-accessibilité d’une grande partie des services».
«Pour le moment, ces hausses ont surtout eu des impacts sur les prix à la production, mais il est très probable que les entreprises essayent de les répercuter sur les prix à la consommation, surtout étant donné le niveau actuellement élevé des taux d’épargne.»
Pour l’analyste, cette hausse de l’inflation, couplée à des taux réels aujourd’hui extrêmement bas, devrait entraîner une augmentation des taux nominaux américains dans les mois qui viennent. «Il n’est pas du tout inenvisageable de voir le 10 ans américain à 2% à l’horizon de quelques mois.»