Foire commerciale médiévale à ses débuts, la Schueberfouer a su s’imposer comme l’une des plus grandes foires attractives de la Grande Région au 20e siècle. (Photo: Nader Ghavami)

Foire commerciale médiévale à ses débuts, la Schueberfouer a su s’imposer comme l’une des plus grandes foires attractives de la Grande Région au 20e siècle. (Photo: Nader Ghavami)

La Schueberfouer a ouvert ses portes le vendredi 23 août pour une nouvelle édition mêlant attractions et gastronomie – loin des ingrédients de la toute première foire en 1340.

Manèges vertigineux, gromperekichelcher, foule hilare… Des ingrédients qui étaient quasiment absents de la foire commerciale instaurée par Jean l’Aveugle le 10 octobre 1340. «Cette grande foire commerciale devait commencer la veille de la Saint Barthélemy, le 23 août, jusqu’au 31 août», indique Steve Kayser, historien et passionné par le phénomène forain.

«Il est intéressant de constater que la charte prévoyait un allègement des taxes et des mesures de sécurité durant 8 jours avant et 10 jours après» la foire, relève l’historien, soulignant la vision «économiste» du souverain, qui avait également négocié des laissez-passer pour les commerçants rejoignant Luxembourg depuis les territoires alentour. «Jean l’Aveugle a eu la sagesse de placer la foire à un moment stratégique dans la chronologie des grands marchés et foires de la région et au-delà. Elle a connu très tôt un grand succès.»

L’étoffe luxembourgeoise était très prisée des commerçants.

Steve Kayserhistorien

À l’époque, il ne s’agissait pas de chercher des sensations fortes mais de se procurer la fameuse étoffe luxembourgeoise. «Elle était très prisée des commerçants car reconnue comme un produit de très haute qualité, surtout dans le nord de l’Europe», précise M. Kayser.

C’est d’ailleurs pour cela que le mouton, fournisseur de fil à tisser, a toujours été l’emblème de la Schueberfouer et la congrégation des tisserands avait la prestigieuse charge de placer les marchands sur le champ de foire. Nous connaissons de nos jours encore la «Marche des moutons», chanson interprétée par la fanfare suivant une poignée de moutons dans les allées de la Fouer le dimanche de kermesse. Et la mascotte de la Schueberfouer est un mouton, Lämmy, que les badauds pourront rencontrer dans les allées du Glacis.

Exclusivement commerciale jusqu’au 19e siècle – même si montreurs d’ours et chansonniers égayaient les allées –, la foire évolue avec son temps. «Tout change avec le développement des villes et du commerce urbain», explique M. Kayser. L’aspect festif qui accompagnait la foire commerciale – les verres et le repas partagés après une transaction – a pris le pas, les citadins n’attendant plus la foire pour trouver des objets désormais présents dans les commerces du centre-ville.

C’est aussi un endroit où la population entrait en contact pour la première fois avec les nouvelles technologies comme le cinématographe.

Steve Kayser

«Les éléments d’amusement apparaissent au début du 19e siècle. L’industrialisation va modifier la structure socioculturelle des sociétés. La notion de loisir, de plaisir et de jeu se développe.» Les premiers manèges sont bricolés dans les années 1840, et la foire devient véritablement attractive.

«Les amusements étaient essentiellement des baraques dans lesquelles on entrait pour voir un phénomène de foire – une curiosité, allant jusqu’à des personnes présentant des déformations corporelles», raconte M. Kayser, sans oublier les gentils tours «qui faisaient partie du plaisir de la foire».

«La foire prend réellement son envol à la Belle Époque», estime l’historien, soulignant l’apparition des grands manèges et notamment des «coasters», ces trains étourdissant les badauds par leur vitesse. de la Fouer, en est l’héritier direct. La Fouer a connu son premier grand huit en 1910. «C’est aussi un endroit où la population aisée mais aussi pauvre entrait en contact pour la première fois avec les nouvelles technologies comme le cinématographe.»

Un succès répété

Le 20e siècle amène son lot d’avancées technologiques. «L’acier permet des constructions de plus en plus solides, hautes, rapides, compliquées, avec l’aide de la grue mobile», note M. Kayser. Trottoirs roulants, simulateurs de pont de bateau, barbe à papa sont inventés sur les fêtes foraines.

«Le succès de la Schueberfouer s’est accru ces dernières années», estime M. Kayser, «aussi parce que c’est devenu un événement de référence dans la Grande Région. Il faut aussi tenir compte de l’évolution de la population avec de plus en plus de gens venant d’ailleurs. La foire a un charme et un caractère dans lesquels tout le monde se retrouve.» Forcément autour d’une gaufre ou d’une saucisse.