Yves Even (EY Luxembourg): «La qualité des dossiers a clairement augmenté par rapport aux éditions précédentes.» (Photo: Maison Moderne /archives)

Yves Even (EY Luxembourg): «La qualité des dossiers a clairement augmenté par rapport aux éditions précédentes.» (Photo: Maison Moderne /archives)

Monsieur Even, quel regard général portez-vous sur la qualité des dossiers étudiés pour cette édition, comparé aux précédentes?

«Je pense que la qualité a clairement augmenté par rapport aux éditions précédentes. La tâche du jury n’a pas été simple pour retenir les six finalistes. Il avait fallu deux après-midi de session plénière la dernière fois. Il en a fallu trois cette année.

Je note aussi la grande diversité des dossiers reçus. Nous avons pu observer un mélange de ce pourquoi le Luxembourg veut se vendre: un mix entre grandes sociétés bien établies, d’autres plus récentes venues de l’étranger et des plus petites structures, genre start-up. Nous avions d’ailleurs choisi d’intégrer dans notre jury Gérard Hoffmann, président d’ICTluxembourg, afin d’avoir un regard plus poussé sur ces nouvelles sociétés. Même si aucun de ces entrepreneurs de start-up n’a été retenu finalement parmi les finalistes, il y a un réel mouvement.

Le jury a eu à délibérer sur une vingtaine de dossiers, dont un tiers a été déposé par des femmes. Il n’y en a qu’une seule en finale, mais la plupart de celles qui n’ont pas été retenues nous ont déjà dit qu’elles postuleraient pour la prochaine édition.

Devant cette évolution positive, avez-vous le sentiment que l’entrepreneuriat au Luxembourg est en train de gagner, doucement, mais sûrement, ses lettres de noblesse, dans un pays où beaucoup de jeunes sont encore attirés par une carrière dans la fonction publique?

«Il faut distinguer deux choses: la base purement luxembourgeoise et tout ce que le Luxembourg fait par ailleurs pour attirer des entrepreneurs venant d’ailleurs pour développer leur business dans le pays.

Si on considère la première catégorie, rien n’a vraiment changé. Beaucoup de ceux qui naissent dans une famille d’entrepreneurs prennent la relève. Mais ceux qui sont de la 2e ou 3e génération d’employés publics ont de fortes chances d’y rester. La structuration des salaires au niveau de l’État reste un très gros problème et cela contribue à tuer dans l’œuf bon nombre d’initiatives entrepreneuriales. Non seulement le salaire de base est excessivement élevé, parfois jusqu’au double de ce que l’on peut trouver par ailleurs sur le marché, mais en plus, le système d’avancement principalement basé sur l’âge ne va pas non plus dans le sens d’un encouragement à la prise d’initiative ou de responsabilité.

Si on regarde le Luxembourg en général, en revanche, les choses bougent. Le pays a réussi à attirer des entrepreneurs et des entreprises en sachant vendre la qualité de ses chemins courts. C’est essentiel dans l’objectif global de faire en sorte que le Luxembourg se développe.

Que faudrait-il pour passer à la vitesse supérieure?

«Il y a beaucoup de choses qui sont faites pour faire évoluer cette mentalité et cet esprit d’entreprise et pour en faire un vrai argument commercial pour le pays. Mais on remarque que la grande majorité des initiatives, qui mettent les entrepreneurs en avant, qui montrent combien le Luxembourg est une terre de business, sont des initiatives privées.

À côté de cela, il manque encore quelques pièces dans le puzzle… Par exemple, un vrai point de contact unique pour les entrepreneurs qui aille au-delà de ce que propose la House of Entrepreneurship. Nous devons être capables de proposer un véritable one-stop shop à tout entrepreneur, surtout étranger, intéressé de s’établir ici: ce n’est pas tout de l’aider à s’enregistrer, mais il faut aussi pouvoir l’accompagner de manière personnalisée dans les dédales des subtilités de l’administration ou régler les questions logistiques ou d’éducation. On ne peut pas se contenter de lui envoyer des liens vers des sites d’information ou vers les Pages jaunes.

Sans doute serait-il bien qu’il y ait davantage d’instruments financiers à disposition, y compris à hauts risques.

Yves Even, partner EY Luxembourg

Il est aussi fondamental de régler très vite la problématique des autorisations. L’accès au commerce est, certes, facilité, mais ensuite, les obstacles sont nombreux. J’ai un exemple précis: vouloir passer d’un magasin de vêtements à un restaurant, par exemple, nécessite pas moins de 12 autorisations différentes à valider! Cela ne va certainement pas dans le sens de la simplification administrative souhaitée.

Quant au financement, il est toujours difficile et souvent, les organismes comme la SNCI ou la BEI n’acceptent de prêter que si une banque s’est déjà engagée au départ. Ce qui n’est pas toujours évident. Sans doute serait-il bien qu’il y ait davantage d’instruments financiers à disposition, y compris à hauts risques.

Certains éléments de la réforme fiscale en cours, comme la neutralité du transfert d’immeuble, sont très positifs, mais il y a encore certainement beaucoup à faire.»