Jean Steffen, partner au sein de Bonn Steichen & Partners. (Photo: Maison Moderne)

Jean Steffen, partner au sein de Bonn Steichen & Partners. (Photo: Maison Moderne)

Des chiffres impressionnants, plus de 400 milliards de fonds dans l’industrie du PE/VC sous gestion à Luxembourg, 19 sur 20 des plus grandes maisons de PE au niveau mondial présentes à Luxembourg, une association dynamique de l’industrie, LPEA, regroupant 210 membres.

Débuts modestes

La plupart des opérateurs ont commencé par utiliser le Luxembourg comme lieu d’implantation de sociétés d’acquisition et de détention de portefeuilles afin de bénéficier des avantages de l’exonération des plus-values de cession en cas de vente de la société cible, ainsi que des possibilités de structurer le rapatriement des gains vers les investisseurs, y compris des investisseurs situés dans des pays n’ayant pas de traité de non-double imposition avec le Luxembourg.

Toutefois, depuis ces débuts modestes, avec peu de présence ou de substance à Luxembourg, les grands acteurs de l’industrie du ont peu à peu augmenté le volume de leur présence sur place, en établissant des bases opérationnelles beaucoup plus importantes, voire des centres de gestion et d’analyse.

Une panoplie d’instruments modernes, souples et adaptés

À partir des années 2000, naît progressivement une législation qui prend en compte le désir des acteurs de disposer d’instruments juridiques adéquats et adaptés aux besoins spécifiques du secteur.

Ainsi, le régime de la SICAR fut introduit dès 2004. Ces sociétés d’investissement en capital-risque ont été un facilitateur pour des levées de fonds destinées au capital-risque. Elles remplissaient le vide entre, d’un côté, les OPCVM ouverts au grand public, étroitement réglementés, et les SOPARFI non réglementées.

Les SICAR bénéficient d’une réglementation plus souple et d’une fiscalité favorable qui sont des atouts pour les investisseurs en capital-risque.

C’est ensuite, en 2007, que la législation sur les fonds d’investissements spécialisés (SIF) fut mise en place.

Ces instruments étaient le précurseur de nombreux autres progrès sur le plan réglementaire, et anticipaient déjà la fameuse Alternative Investment Fund Managers’ Directive»).

Cette Directive marque l’avènement de la société en commandite simple spécialisée (SCSp), une sorte de «partnership» luxembourgeois sans personnalité juridique comme instrument très souple.

Notons enfin en 2016 l’apparition des . Ce véhicule combine les caractéristiques et la flexibilité de structuration des fonds d’investissement spécialisés (SIF) qui sont réglementés, et des SICAR qui qualifient comme fonds alternatifs gérés par un gérant de fonds alternatifs, avec la différence que les RAiF n’ont pas besoin d’un agrément préalable de la CSSF.

Bilan: 271 SICAR, 1517 SIF, 2400 SCSp et 618 RAIF. Une ‘success story’ que l’on doit à un législateur à l’écoute des besoins des acteurs qui savent aujourd’hui faire un usage adapté de toutes ces plates-formes et instruments.
Jean Steffen

Jean SteffenpartnerBonn Steichen & Partners

D’autres atouts en jeu

Les professionnels apprécient encore beaucoup, au-delà de l’environnement juridique attrayant, la remarquable stabilité politique basée sur une culture de la recherche du consensus sur les questions essentielles.

Les gouvernements successifs se montrent très «pro-business», et sont à l’écoute des professionnels.

Autre atout: la force d’un secteur bancaire et financier bien développé, avec un réseau de plus de 500 sociétés au service de tous types de fonds d’investissement, comme par exemple des administrateurs centraux, des sociétés de domiciliation, des dépositaires, des sociétés de gestion, des réviseurs, des cabinets d’avocats spécialisés et des gérants de fonds d’investissement alternatifs.

L’expérience acquise dans le contexte des OPCVM luxembourgeois et les possibilités de distribution offertes par le passeport unique servent maintenant aux professionnels du private equity pour promouvoir le Luxembourg comme hub pour commercialiser les fonds d’investissement alternatifs (AIF) auprès des investisseurs professionnels dans l’ensemble de l’Union Européenne, voire au-delà de ses frontières.

Beaucoup de gérants d’OPCVM ont parallèlement obtenu l’agrément pour exercer comme gérants de fonds d’investissement alternatifs («AIFM»), ce qui leur permet de gérer à la fois des fonds destinés au public et les fonds alternatifs dédiés à des investisseurs spécialisés.

À cela s’ajoute une population très internationale, qui est pour la plupart multilingue. Malgré cela, le recrutement peut parfois être difficile, tant les experts sont recherchés, dans un contexte de taux de chômage faible.

Les réglementations au niveau de l’OCDE deviennent de plus en plus exigeantes. Le résultat est que beaucoup de sociétés de private equity ne passent plus par les juridictions offshore comme les îles Caïmans mais s’établissent au cœur de l’Europe, à Luxembourg.
Jean Steffen

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Les nouveaux défis

Une minimisation des coûts sera sans doute recherchée par les professionnels. La digitalisation offrira une occasion de mieux coordonner les différentes équipes des professionnels du private equity et d’aboutir à des processus harmonisés de recherche d’opportunités d’investissement, de leur analyse, du business case et de la prise de décision validant la levée de fonds et leur engagement.

De plus en plus, les fonds vont intégrer les notions de finance durable ainsi que des critères sociaux et environnementaux dans leur choix de placement.

Il est intéressant d’analyser les entreprises qui, à un moment, ont été ou sont encore détenues en partie par des structures de private equity établies à Luxembourg. Certaines sont mondialement connues, comme Ducati, Moleskine, Skype ou BlaBlaCar. Ce que les clients de ces entreprises ignorent, mais c’est une preuve de l’importance du private equity pour l’économie en général.
Jean Steffen

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Les petits acteurs vont pousser plus loin la spécialisation, et ne rechercheront  des opportunités que dans des secteurs de niche qu’ils connaissent parfaitement comme les Fintech, les services digitaux, les secteurs de l’économie du partage.

Conclusion

L’industrie du private equity et du venture capital, malgré une perception pas toujours favorable par le grand public, trouve à Luxembourg un terrain de choix. Il restera dynamique et est promis à un beau futur. À condition que les règles du jeu ne changent pas, ou ne soient pas faussées à l’avenir. Les dirigeants politiques devront rester à l’écoute des professionnels et les accompagner sur le plan réglementaire lorsque cela s’avérera nécessaire.

 

Jean Steffen

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