En 2019, qui peut ignorer les questions environnementales, sociétales et de gouvernance, et leur impact sur la valeur d’une société? Les critères dits ESG sont sur toutes les lèvres. Dans le capital-investissement aussi.

Une tendance forte se dessine bel et bien en private equity car les investisseurs voient une carte à jouer dans les enjeux Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance (ESG). Les premiers réfugiés climatiques, l’augmentation des catastrophes naturelles et les coûts potentiels liés à l’environnement sont autant d’éléments que les milieux financiers prennent en considération. Parallèlement, les préoccupations et les attentes des investisseurs changent également tandis que les millennials sont très sensibles à la dimension durable des investissements.

Cet intérêt marqué s’explique bien entendu par un intérêt économique. Le monde évolue et les milieux d’affaires s’adaptent. Mais cette adaptation ne se fait pas au détriment de la profitabilité. Des études universitaires récentes mettent clairement en avant la corrélation positive entre mise en œuvre des initiatives ESG et performance financière. Le capital-investissement se caractérise par des prises de participation avec un objectif à plus long terme. Ce type d’investissement long-termiste et les critères ESG présentent un horizon de temps compatible.

Mesurer ces critères ESG en l’absence de sources d’informations et de normes transparentes et harmonisées constitue une difficulté.
David Capocci

David CapocciPartner – Head of Alternative InvestmentsKPMG Luxembourg

Dans les entreprises cotées, la performance ESG est assez bien analysée car le marché financier exige plus de transparence de la part des sociétés. Les choses restent plus compliquées dans le domaine du private equity, en raison, notamment, du manque de système de gestion de l’information ESG. Mesurer ces critères ESG en l’absence de sources d’informations et de normes transparentes et harmonisées constitue une difficulté. Et c’est probablement pour cette raison qu’aujourd’hui, le filtre ESG n’est souvent appliqué qu’en partie lors du processus complet d’investissement, généralement lors de l’acquisition des entreprises.

En effet, schématiquement, on peut distinguer trois phases dans le cycle de l’exploitation du capital-investissement. Idéalement, afin d’optimiser l’opération finale de revente, le screening ESG devrait s’exécuter lors de chaque étape. La première phase consiste en la vérification diligente des actifs, la due diligence, pendant laquelle les comptes sont analysés en détail. La tendance récente des gestionnaires de fonds est d’examiner les indicateurs ESG dans le but d’anticiper l’impact de ces facteurs sur la valorisation future de la société. Plus de la moitié (54 %) des general partners de sociétés de capital-investissement ont ainsi réduit le prix d’une offre d’achat basée sur la base d’une due diligence ESG*.

La période de détention de l’entreprise est souvent longue, entre 5 et 7 ans.
David Capocci

David CapocciPartner – Head of Alternative InvestmentsKPMG Luxembourg

Une fois l’entreprise acquise, les détenteurs de l’actif entament alors un dialogue continu avec la cible et les investisseurs. La circulation des informations et les reportings sont indispensables. La période de détention de l’entreprise est souvent longue, entre 5 et 7 ans, ce qui permet la mise en place et l’amélioration constante des facteurs ESG. Enfin, lors de la sortie du fonds, ces critères sont de nouveaux évalués.

Certains outils permettent en effet aujourd’hui de prendre en compte la true value d’une société en monétisant chacun de ses impacts pour les comparer et les additionner. Leur objectif tend à amener une entreprise à se poser les bonnes questions: quel indicateur a été utilisé et comment s’améliorer par la suite? Quelles sont les opportunités à saisir et comment les valoriser? La due diligence de vente reflète ainsi l’évolution de la cible en fonction de différents critères ESG tels que l’approche de la diversité, la lutte contre la corruption, la bonne gouvernance ou le respect de normes environnementales . Les résultats obtenus doivent conduire à la maximisation de la valeur de l’entreprise. Lors de la cession des parts, une bonne intégration des critères ESG fournit une base solide à la négociation, et un gain de temps, et donc d’argent.

Le screening ESG s’avère ainsi une excellente occasion pour les gestionnaires de FIA de prendre des initiatives au Luxembourg.
David Capocci

David CapocciPartner – Head of Alternative InvestmentsKPMG Luxembourg

Appliquer le prisme de la durabilité à des sociétés qui n’ont pas obligatoirement intégré de tels indicateurs dans leur stratégie ou dans leur gestion des risques pour les faire fructifier représente également une opportunité concrète au Luxembourg.

Prochainement, la Commission entend clarifier la manière dont les gestionnaires d’actifs, les compagnies d’assurances et les conseillers en investissement ou en assurance devraient intégrer les risques de durabilité et, le cas échéant, d'autres facteurs de durabilité dans la gestion des risques et de l’évaluation du marché cible, sous la forme d’un «Delegated act» complétant la directive AIFMD déjà existante.

Le screening ESG s’avère ainsi une excellente occasion pour les gestionnaires de FIA de prendre des initiatives au Luxembourg et d’ajouter des fonctions à valeur ajoutée à leur palette de compétences, sans attendre les instructions de leur maison mère, souvent basée hors du Luxembourg.

*Source: – A key component of operational value creation, Study by Capital Dynamics, 2017.