Le CNFP, présidé par Romain Bausch, souligne les incohérences du PSC 2020 remis par le Luxembourg, avec notamment l’absence de mise à jour des prévisions pour 2021, à l’aune du choc économique du printemps 2020. (Photo : Olivier Minaire / Archives Maison Moderne)

Le CNFP, présidé par Romain Bausch, souligne les incohérences du PSC 2020 remis par le Luxembourg, avec notamment l’absence de mise à jour des prévisions pour 2021, à l’aune du choc économique du printemps 2020. (Photo : Olivier Minaire / Archives Maison Moderne)

Le Conseil national des finances publiques a présenté lundi son évaluation du programme de stabilité et de croissance 2020 remis début avril à la Commission par le Luxembourg.

Mis en place par la coalition DP-LSAP-Déi Gréng en 2014, le CNFP préserve son indépendance et lorsqu’il le jugeait nécessaire. Une fois encore, il a dépassé le marketing politique pour se concentrer sur la réalité des chiffres.

Une réalité forcément entachée par la crise sanitaire du Covid-19, le coût de sa gestion, mais surtout celui du quasi-arrêt de l’économie durant deux mois. C’est pourquoi, en rendant sa copie à la Commission européenne pour le programme de stabilité et de croissance 2020 début avril, le gouvernement a veillé à activer la clause pour circonstances exceptionnelles, alors même que tous les effets de la crise n’étaient pas encore connus.

Ainsi, le solde structurel pour 2020 ne respecte pas l’objectif de moyen terme (OMT) initialement fixé à +0,5% du PIB, pour atteindre -2,6% du PIB selon les calculs de la Commission et -5% selon ceux du CNFP.

L’exigence de fournir des informations sur la viabilité de la situation financière des administrations publiques à moyen terme [doit] reste[r] entière.

CNFP

«Le CNFP est conscient que le gouvernement a dû établir le PSC 2020 dans des conditions et contraintes de temps ainsi que de moyens exceptionnels et ne met par ailleurs pas en doute l’engagement susvisé, mais estime, bien que le PSC 2020 soit conforme aux exigences chiffrées prescrites dans le cas présent par la CE, que l’exigence de fournir des informations sur la viabilité de la situation financière des administrations publiques à moyen terme reste entière», souligne le Conseil, qui avertit le gouvernement . «Il conviendra alors de remédier à cette carence dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de programmation financière pluriannuelle 2020-2024 en octobre prochain.»

Concernant les prévisions macroéconomiques, le gouvernement compte a priori sur une baisse de 6% du PIB en 2020, suivie d’un rebond «mécanique» de 7% l’année suivante. La croissance de l’emploi connaîtrait un fort ralentissement – 0,7% en 2020 au lieu de 3,6% en 2019 – et serait assortie d’une hausse du taux de chômage de 5,4% en 2019 à 6,7% en 2020. La situation sur le front de l’emploi ne s’améliorerait que timidement en 2021 (1% de croissance d’emploi, 7,2% de chômage).

«Ces prévisions macroéconomiques demeurent entourées d’une incertitude encore plus élevée que d’habitude», note le CNFP, qui met déjà souvent le doigt sur le manque de fiabilité des prévisions habituelles, et ajoute cette fois que les institutions internationales sont moins pessimistes que le Luxembourg. «En raison de ces incertitudes et notamment d’une palette d’incidences de la crise sur le PIB (et, partant, sur le budget des administrations publiques), une analyse de sensibilité des prévisions devrait être présentée dans le cadre de l’élaboration du projet de budget 2021.»

Des prévisions budgétaires 2021 presque inchangées

Le CNFP précise aussi que le gouvernement «n’a pas considéré le scénario macroéconomique plus négatif établi par le Statec dans l’établissement des chiffres budgétaires» en cas de confinement prolongé, et qui évoque «une chute de 12,4% de la croissance réelle en 2020 suivie d’un redressement de 2,1% seulement en 2021», soit un PIB réel «encore de quelque 10% inférieur au niveau atteint fin 2019».

Côté prévisions budgétaires, la gestion de la crise, les mesures d’aides décidées par le gouvernement et le choc économique du confinement conduisent évidemment à une forte détérioration du solde nominal des administrations publiques (combinant le solde de l’État, des communes et de la Sécurité sociale): -5 milliards en 2020, soit 8,5% du PIB, et -2 milliards en 2021, soit 3% du PIB. «Déduction faite du montant de ces impacts, le total des dépenses et des recettes ainsi que les soldes résiduels ne présentent que des écarts limités par rapport à ceux de la LPFP 2019-2023», précise le CNFP.

Le Conseil s’étonne des prévisions présentées par le PSC pour 2021, qui «évoque uniquement à cet égard la ‘disparition quasi intégrale de l’impact des mesures liées à la crise actuelle’ et parle de recul à la ‘suite de la dissipation de l’impact des mesures discrétionnaires décidées dans le cadre de la lutte contre le Covid-2019’, ce qui paraît résolument vague».

Une dette publique à 30% fin 2020

Le CNFP souligne par ailleurs que l’administration centrale, bien que la plus touchée par l’impact budgétaire de la crise (-4,9 milliards d’euros, soit -8,3% du PIB), n’est pas la seule: les communes passent d’un excédent de 246 millions d’euros à un déficit de 372 millions en 2020 et 150 millions en 2021, tandis que la Sécurité sociale, locomotive traditionnelle du solde nominal, voit son solde positif fondre (de 1,1 milliard d’euros en 2019 à 281 millions en 2020 et 342 millions en 2021).

Le Conseil regrette que «l’absence de données autres que les soldes nominaux par sous-secteur et les données agrégées des différentes catégories de dépenses et recettes (…) au niveau des administrations publiques, ainsi que l’intégration non accompagnée des montants y relatifs du secteur hospitalier, ne lui permet guère d’effectuer une évaluation plus circonstanciée des prévisions budgétaires».

Les sept sages du CNFP livrent en tout cas une analyse très prudente. «Il faut rappeler que le PSC 2020 reflète l’appréciation de la situation tant par les administrations qui l’ont préparé que par le gouvernement, ainsi que les mesures prises au moment de son établissement, c’est-à-dire en avril. Il en résulte que pour un certain nombre d’effets économiques et de mesures, l’incidence est limitée à 2 ou 3 mois, à compter de mi-mars. Au vu des développements récents, tant internationaux que nationaux, les hypothèses y relatives sont sujettes à remise en question, avec les conséquences sur les chiffres tant du budget que pour la dette publique.»

D’ailleurs, le gouvernement a annoncé son plan de relance, Neistart Lëtzebuerg, après avoir livré son PSC 2020. L’impact de ces mesures additionnelles devra également, souligne le CNFP, être intégré dans les calculs du gouvernement pour le budget 2021 et la programmation financière 2020-2024. Ces mesures viendront également alourdir la dette publique, qui passerait à 17,8 milliards d’euros, soit 30% du PIB fin 2020 et à 20 milliards d’euros fin 2021 (30,9% du PIB).