Les critiques concernant «Wolfwalkers» sont dithyrambiques. (Photo: Mélusine Productions)

Les critiques concernant «Wolfwalkers» sont dithyrambiques. (Photo: Mélusine Productions)

Une coproduction luxembourgeoise sacrée aux Golden Globes dans la nuit de dimanche à lundi, c’est envisageable. Deux films sont en lice: «Deux» (Tarantula Luxembourg) et le long métrage d’animation «Wolfwalkers» (Melusine Productions). Ce dernier étant propulsé par Apple.  

Dans le petit monde du cinéma luxembourgeois, Melusine Productions possède un CV assez unique en termes de nominations dans les grandes cérémonies internationales: trois aux Oscars, deux aux Golden Globes, quatre aux European Film Awards et cinq aux Césars, dont une statuette remportée en 2013 pour la coproduction «Ernest et Célestine», l’adaptation de l’œuvre de Gabrielle Vincent.

Dans les prochaines semaines, ce palmarès risque bien de s’étoffer encore. Car le dernier-né de la société de cinéma d’animation basée à Contern, «Wolfwalkers», est en bonne place pour se retrouver parmi les nommés aux prochains Oscars et Bafta.

Mais avant ça, , l’événement qui lance chaque année la saison des grandes cérémonies du cinéma. Elle se tiendra dans la nuit de dimanche à lundi.

«On ne m’a jamais vu au Fouquet’s»

«Comment on se sent à quelques jours d’une telle échéance? Je vous avoue que le côté ‘people’ ne m’intéresse pas trop. Je me rends rarement à ces cérémonies. Je pense que j’ai dû me rendre que deux fois aux Césars, par exemple. Et on ne m’a jamais vu au dîner donné au Fouquet’s après la soirée», lance avec beaucoup de franchise et une pointe d’humour Stéphan Roelants, le CEO de Melusine Productions. «Je sais que mes propos peuvent être pris comme étant d’un snobisme absolu. Mais je ne me sens pas à l’aise en smoking, une coupe à la main. Alors, dépenser 5.000 à 6.000 euros pour trois jours sur place, comme c’est le cas aux Oscars, c’est un coût trop important à mes yeux. Qui plus est, le plus souvent, on n’est pas assis avec le parterre de ‘stars’, mais dans un coin. C’est assez inconfortable. Encore plus quand on connaît quelques soucis de santé comme c’est mon cas.»

Disney, Pixar… ont la mainmise sur ces cérémonies

Mais aux yeux de Stéphan Roelants, ces nominations ont deux grands atouts: «Elles valorisent d’une part mes équipes, que ce soit celles de Melusine, la société de production, ou celles de Studio 352, qui rassemble le côté artistique. Et d’autre part, elles nous permettent de réaliser des projets toujours plus ambitieux et audacieux. Et ça, c’est très important.» Être nommé est déjà une victoire en soi pour lui, tant les «Disney, Pixar, DreamWorks… ont la mainmise sur ces cérémonies. Sponsorisant pratiquement l’événement et menant une politique agressive», dixit Stéphan Roelants.

Le CEO de Melusine Productions, Stéphan Roelants, est devenu Luxembourgeois en 2020.  (Photo: Edouard Olszewski)

Le CEO de Melusine Productions, Stéphan Roelants, est devenu Luxembourgeois en 2020.  (Photo: Edouard Olszewski)

Ces nominations, et notamment celles obtenues aux Oscars, ont permis à cette société fondée en 1997 de se créer une solide réputation et d’enchaîner les projets. «Sans le long métrage ‘Song of the Sea’ (2014), il n’y aurait jamais eu ‘The Breadwinner’ (2017). Et sans ces deux-là, ‘Wolfwalkers’ ne serait pas là aujourd’hui. Et on n’aurait pas attiré le regard d’Apple…», sourit-il.

«Apple met le paquet»

Car la grosse différence entre le dernier-né de Melusine Productions et ses prédécesseurs, elle est là. La présence du géant américain derrière la coproduction irlando-luxembourgeoise. «Apple a acheté le film pour le proposer sur sa plateforme Apple TV+. Nous offrant ainsi une fenêtre dans 150 pays. Et aujourd’hui, ils mettent le paquet dans la campagne en vue des grandes cérémonies.»

Et la présence de la marque à la pomme croquée change tout ou presque dans l’optique de ces grandes cérémonies à venir. Cette fois, Melusine et son désormais habituel partenaire irlandais, Cartoon Saloon, vont pouvoir affronter pratiquement d’égal à égal les grosses productions américaines qui les accompagnent dans la liste des nominations. Dont les deux Pixar sortis en 2020: «Soul» et «Onward» («En avant» en français).

Une vraie campagne à mener

Car si les critiques comptent dans l’obtention d’une récompense (et celles qui entourent «Wolfwakers» sont dithyrambiques, du New Yorker Magazine à Vanity Fair, en passant par le Hollywood Reporter ou le Wall Street Journal), c’est bien la campagne qui entoure un film dans la course aux Oscars qui compte. Une vraie campagne politique à mener.


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«Pour nos films précédents, le Film Fund Luxembourg et son pendant irlandais nous aidaient. Mais la puissance de feu n’est évidemment pas la même que celle qu’Apple peut fournir. Et ici, comme je le disais, la société américaine joue le jeu. Il y a de grands ‘bilboards’ déployés à New York ou sur Wilshire Boulevard à Los Angeles. Des interviews du réalisateur (l’Irlandais Tom Moore de chez Cartoon Saloon, ndlr) un peu partout dans la presse américaine. C’est une grosse machine qui s’est mise en route. On peut gagner le Golden Globe!»

Chez Apple, on croit beaucoup dans le film d’animation irlando-luxembourgeois.  (Photo: capture d’écran Apple TV)

Chez Apple, on croit beaucoup dans le film d’animation irlando-luxembourgeois.  (Photo: capture d’écran Apple TV)

Comme lorsqu’il s’agit de Netflix ou Amazon Prime, impossible de savoir à combien se chiffre cette «puissance de feu». La communication est bien verrouillée. Tout cela est cadenassé dans un contrat blindé. Cependant, une anecdote racontée par Stéphan Roelants permet de se faire une petite idée de l’échelle dans laquelle on navigue. «Je me suis rendu à deux reprises aux Oscars, dont une fois en 2014. C’était l’année où ‘La Reine des neiges’ l’a emporté. Je me suis retrouvé dans un taxi avec quelqu’un de chez Disney. Il me connaissait un peu et on a entamé la discussion. Il m’a demandé quel était notre budget. J’ai compris qu’il parlait de notre film. J’ai donc répondu 9 millions. Il m’a glissé que ce n’était pas mal du tout. J’ai alors ri en lui rétorquant que sa production se montait, elle, à 135 millions de dollars. Et là, il m’a dit qu’il parlait de la campagne pour les Oscars. Chez nous, elle était évaluée à 800.000 dollars et chez eux à 8 millions…», rigole le natif de Mons, en Belgique, qui a acquis la citoyenneté luxembourgeoise en 2020.

«Proche d’avoir remboursé le Film Fund»

«Wolfwalkers» étant l’une des premières possibilités pour Apple (et sa jeune plateforme Apple TV+) de remporter un prix prestigieux dans le monde du cinéma et de rattraper ainsi une partie de son retard sur Disney et Netflix, déjà récompensés par le passé, on se fait facilement une vague idée de la puissance que cela peut engendrer. Et dont Melusine Productions pourrait profiter. Comme tout le cinéma luxembourgeois.

«On a tendance à dire et lire que le Film Fund Luxembourg donne de l’argent à fonds perdu via ses subventions. Dans notre cas, nous avions reçu 1,9 million d’euros. Or, aujourd’hui, nous ne sommes pas très loin d’avoir tout remboursé…» Un Golden Globe ou un Oscar dans les prochains jours apporterait forcément encore un petit plus…