Selon les estimations de l’Agence européenne pour l’environnement, le NO 2  causerait 40 morts prématurées par an au Luxembourg, alors que les particules fines (PM2,5) en provoqueraient 210. (Illustration: Maison Moderne)

Selon les estimations de l’Agence européenne pour l’environnement, le NO 2 causerait 40 morts prématurées par an au Luxembourg, alors que les particules fines (PM2,5) en provoqueraient 210. (Illustration: Maison Moderne)

Le dioxyde d’azote (NO2) n’est pas le polluant le plus meurtrier au Luxembourg: 40 décès prématurés par an, contre 210 dus aux particules fines. Mais il est le seul à dépasser ponctuellement les seuils européens. Le gouvernement lance donc un nouveau plan de réduction spécifique au NO2.

40 décès prématurés par an, 3.600 personnes directement exposées, des taux de concentration qui dépassent les valeurs limites fixées par l’Union européenne: le dioxyde d’azote (NO2) est le trublion des polluants atmosphériques au Luxembourg.

Non content de son impact sur le réchauffement climatique, le NO2 a des conséquences négatives sur la végétation, mais aussi sur les poumons et donc la respiration: il rend notamment plus sensible aux infections de l’appareil respiratoire. De quoi faire réfléchir en pleine pandémie de Covid-19, un virus responsable de plus de deux millions de morts dans le monde, connu pour cibler en particulier les poumons…

Si «la qualité de l’air s’est généralement améliorée» au Luxembourg selon l’examen environnemental 2020 de l’OCDE, c’est le cas aussi des émissions d’oxyde d’azote (NOx, qui rassemblent le monoxyde d’azote – NO – et le dioxyde d’azote, plus toxique), qui ont diminué ces dernières années dans le pays et sont en bonne voie pour atteindre les objectifs fixés par le programme national de lutte contre la pollution atmosphérique (NAPCP), qui vise 83% de réduction des NOx d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2005.

Mais les dépassements ponctuels des valeurs européennes par le NO2 ont incité le ministère de l’Environnement à mettre l’accent sur ce polluant: un projet de plan national de la qualité de l’air visant à atteindre les valeurs limites pour le dioxyde d’azote (PNQA) d’ici 2024 a été élaboré. Et, depuis le 13 janvier dernier, une consultation publique, ouverte aux citoyens et aux communes, a été ouverte. Jusqu’au 13 mars, chacun peut donner son avis sur ce plan.

Points noirs

Dans son examen environnemental 2020, l’OCDE n’avait pas manqué de rappeler la nécessité d’«éliminer les points noirs restants de pollution locale» au Luxembourg: «Des points critiques subsistent dans les secteurs à circulation intense où les concentrations en NO2 peuvent encore dépasser la valeur limite annuelle».

De fait, le problème n’est pas généralisé: sur une centaine de points de mesurage contrôlés chaque année dans le pays, «la valeur limite annuelle pour le NO2 est généralement bien respectée, et on observe même une tendance à la baisse au cours des dernières années», note le PNQA. «Néanmoins, pour neuf emplacements ponctuels le long de routes à circulation intense, des dépassements ont été constatés en 2018 et/ou en 2019.»

Dans ces zones situées dans les communes de Luxembourg-ville, Esch-sur-Alzette, Differdange, Hesperange, Echternach, Bascharage et Remich, sont exposées directement pas moins de 3.600 personnes à ces fortes concentrations en NO2, en particulier dans la capitale, au croisement du boulevard Royal et de l’avenue de la Liberté (1.900 personnes concernées) et à Esch-sur-Alzette, au niveau du boulevard Kennedy (500 personnes exposées).

Le trafic routier en cause

Première cause, et de loin: le trafic routier. 42% des émissions nationales d’oxyde d’azote (NOx) sont dues au transport routier, devant l’industrie (21%). Mais, dans les zones critiques, où les valeurs limites sont dépassées, l’écart se creuse: le trafic routier est alors responsable de 63% à 81% des émissions de NOx.

Les voitures et camionnettes sont de loin les premières responsables, puisqu’elles constituent la plus grande part du trafic routier (entre 81% et 90%). Et le diesel, responsable de 96% des émissions de NOx des voitures et camionnettes, est pointé du doigt.

Les propositions du PNQA ciblent donc, sans surprise, le trafic routier: réduction des voitures, promotion des transports en commun, «dédielisation», amélioration de la fluidité du trafic, électrification des bus… Avec ces mesures et la modernisation du parc automobile, le ministère de l’Environnement estime pouvoir respecter les plafonds fixés par l’UE d’ici 2024.

Les valeurs européennes prioritaires

Une perspective positive, mais qui ne doit pas cacher que le dioxyde d’azote est loin d’être le polluant de l’air le plus meurtrier au Luxembourg. Car si le NO2 cause, selon les estimations de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), 40 morts prématurées par an (54.000 dans l’UE), les particules fines (PM2,5) en provoqueraient 210 dans le pays (379.000 dans l’UE).

Pourquoi, alors, concentrer les efforts sur le dioxyde d’azote? «Notre priorité est de nous mettre en règle avec les valeurs européennes», explique le responsable d’unité au sein du pôle Qualité de l’air ambiant de l’Administration de l’environnement, Pierre Dornseiffer. «Si on ne les respecte pas, c’est une infraction.» Et donc une potentielle sanction. Or, concernant les particules fines, même si elles causent manifestement plus de dégâts sur la santé, les valeurs fixées par l’UE sont cependant respectées.

Les exigences fixées par l’UE peuvent d’ailleurs interroger. Car si elles sont similaires aux recommandations fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant le dioxyde d’azote (40µg/m3 d’air), elles sont beaucoup moins exigeantes à propos des particules fines: quand l’OMS recommande 10µg/m3, l’UE n’exige que 25µg/m3

Vers des seuils plus exigeants

Un «fitness check» de la directive européenne sur la qualité de l’air serait cependant en cours afin d’évaluer si les seuils sont suffisants. «Il est possible que les seuils soient renforcés pour les particules fines, vu la différence avec l’OMS», estime Pierre Dornseiffer.

Est-ce que cela sera suffisant? Selon une étude de «The Lancet Planetary Health» publiée le 20 janvier sur la pollution de l’air dans 1.000 villes européennes, 125.000 décès prématurés liés aux PM2,5 et 79.000 liés au NO2 pourraient être évités chaque année si chaque ville parvenait à obtenir la même qualité de l’air que celle des villes les plus exemplaires – des villes essentiellement situées dans les pays scandinaves. Contre seulement 51.000 et 900 décès prématurés évités en cas de respect des normes de l’OMS…

Ce qui fait dire à l’auteur de l’étude, Mark Nieuwenhuijsen, dans les colonnes du journal Le Monde, que «la législation européenne actuelle ne protège pas suffisamment la santé» et qu’«il faut revoir à la baisse les seuils de l’OMS pour le NO2 et les PM2,5, car ils ne garantissent aucune innocuité». Un chantier sur lequel travailleraient actuellement les experts de l’OMS. Ce qui pourrait peut-être inciter l’UE à renforcer sa législation. Puis à contraindre en bout de chaîne le Luxembourg à faire de même.