La rétrocession fiscale du canton de Genève à la France a atteint 3.081 euros par salarié français cette année, soit près de cinq fois plus que le geste luxembourgeois vers la Belgique. (Photo: Shutterstock)

La rétrocession fiscale du canton de Genève à la France a atteint 3.081 euros par salarié français cette année, soit près de cinq fois plus que le geste luxembourgeois vers la Belgique. (Photo: Shutterstock)

À trois mois des élections municipales en France, la question d’une «rétrocession fiscale» depuis le Luxembourg est revenue sur le devant de la scène politique. Mais comment fonctionne-t-elle avec la Belgique ou le canton de Genève? À qui profite cette manne?

Un salarié belge qui travaille au Luxembourg «vaut» près de cinq fois moins qu’un salarié français qui travaille dans le canton de Genève en termes de «rétrocession fiscale»: 695 euros par an pour le premier, 3.081 euros pour le second.

Pourquoi? Parce que derrière ce terme fourre-tout se cachent des réalités régionales et politiques très différentes. Et d’âpres combats, comme celui qu’ont commencé à livrer publiquement le maire socialiste de Metz, Dominique Gros, dont le mandat se termine en mars, et le président tournant du Sillon lorrain jusqu’à la même date, le maire Les Républicains de Thionville, Pierre Cuny.

L’histoire est connue. La France et la Suisse se mettent d’accord, fin janvier 1973, pour que «3,5% de la masse salariale brute acquittée par les entreprises genevoises qui emploient des travailleurs frontaliers résidant en France» soient rendus «aux collectivités locales de l’Ain et de la Haute-Savoie», les deux départements frontaliers de la Suisse dans cette région.

Dix ans plus tard, la Suisse  et aussi des accords avec l’Allemagne (1971), l’Autriche et l’Italie (1974) et le Liechtenstein (1995).

55% aux communes françaises frontalières

Jusqu’ici, le gouvernement luxembourgeois s’est opposé à un nouvel accord de rétrocession fiscale avec les deux départements lorrains sous prétexte de ne pas vouloir «financer les décorations de Noël de la Ville de Metz», comme le Premier ministre, (DP), l’a dit un jour sur fond d’humour mal passé, ou bien sous prétexte de ne pas savoir où Paris va conserver ou dépenser cet argent, version la plus souvent avancée par son ministre de la Mobilité, (Déi Gréng).

La Suisse n’expédie pourtant pas cet argent dans la nature. Mais sur un compte spécial de l’agent du Trésor public français, à Paris, qui place cet argent – 260 millions d’euros – automatiquement sur le compte des deux départements, l’Ain et la Haute-Savoie. Ces derniers en conservent 45% et redistribuent 55% aux communes françaises, sur la base du nombre de frontaliers qui sont inscrits chez elles avec leur permis G, délivré par l’Office cantonal de la population et des migrations.

Du côté français, les compétences ont été repartagées par .

En début d’année, le département de l’Ain a ainsi reçu plus de 60,5 millions d’euros, dont 33,28 millions sont repartis vers 93 communes et deux communautés de communes (100.000 euros chacune). 16 de ces communes ont présenté pour la première fois un décompte, dans une logique bien connue au Luxembourg: devant l’augmentation et la rareté des terrains, les frontaliers s’installent dans de nouveaux endroits.

«Les 45% versés aux deux départements ainsi qu’à un certain nombre de collectivités locales», explique la directrice des affaires européennes et transfrontalières du département de l’Ain, Brigitte Bettu, «sont utilisés dans le cadre de projets de mobilité comme les bus à haute valeur de services ou comme des infrastructures de mobilité douce, mais aussi dans les crèches ou les collèges».

La Suisse a-t-elle un droit de regard sur ces investissements? «Non», explique-t-elle. «En réalité, tous les ans, le comité régional franco-genevois dresse un bilan détaillé de suivi de ces investissements.»

Gex, 3,6 millions pour 2.148 frontaliers

Pour l’Ain, la commune de Gex est celle qui compte le plus de frontaliers enregistrés, 2.148 pour 12.894 habitants, et a donc reçu la plus grosse somme, 3,6 millions d’euros. Cette rétrocession représente 25% de ses ressources pour 17% de ses habitants. Ce n’est qu’un exemple du poids de la rétrocession fiscale sur les finances communales, car la réalité est différente d’une commune à l’autre.

À la différence de cet accord, celui trouvé entre la Belgique et le Luxembourg s’inscrit dans une double logique. D’un côté, il y a le rôle du bourgmestre d’Attert, Josy Arens. Devenu député en 1995, il avait commencé à défendre l’idée d’un geste luxembourgeois, «la totalité de l’impôt communal que paient les résidents», soit 6, 7 ou 8% selon les communes, à la Chambre des représentants. De l’autre, il y a l’activisme de Didier Reynders auprès de , activisme qui se solde par un accord, en 2001. Le Luxembourg accepte de verser une enveloppe de 30 millions d’euros par an.

Aujourd’hui, pour l’exercice fiscal 2017 versé en 2018, l’enveloppe a été portée à 33,9 millions d’euros et est répartie entre 58 communes bénéficiaires en fonction à la fois du nombre de frontaliers et du niveau de l’impôt communal.

Intégralement? Contacté par Paperjam, le bourgmestre d’Attert avoue ne pas en être sûr. «La première année, cet argent qui était collecté par l’État fédéral était quasiment intégralement parti vers la province de Hainaut, par on ne sait quel miracle. Il a fallu se plaindre officiellement pour que les communes du Luxembourg récupèrent leur dû. Il faut se rendre compte qu’à l’époque où cette enveloppe a été obtenue, c’était une victoire historique, même dans le cadre d’une convention bilatérale de non-double imposition! Il existe aujourd’hui des velléités de la remettre en question.»