Murat Mutlu est depuis bientôt 30 ans au Luxembourg. (Photo: Matic Zorman)

Murat Mutlu est depuis bientôt 30 ans au Luxembourg. (Photo: Matic Zorman)

Des personnalités du Grand-Duché se prêtent régulièrement au jeu de questions/réponses sur le thème de l’argent. Au tour ce mois-ci de Murat Mutlu, gérant d’Immo Luxembourg et propriétaire du restaurant Elch à Bertrange.

Limites

Une règle d’or par rapport à l’argent?

Pour connaître quelqu’un, il faut lui prêter beaucoup d’argent. C’est ainsi que l’on verra son vrai visage. Selon qu’il vous rembourse ou pas. Il existe bien sûr d’autres méthodes, partir en vacances ou boire des verres ensemble, mais l’argent c’est le moyen le plus efficace. Je l’ai malheureusement beaucoup expérimenté. Ça marche toujours.

Pour gagner de l’argent, tout est permis?

Non, tout n’est pas permis. Je refuse de faire des choses illégales ou qui se font sur le dos d’autres êtres humains. Mon principe est de ne jamais faire aux autres ce que je ne voudrais pas que l’on me fasse personnellement. Si mon bonheur devait se faire sur le malheur des autres, ce serait tôt ou tard mon malheur aussi. Il est possible de gagner de l’argent, il suffit d’être plus rapide et plus malin que les autres.

Montrer sans frimer

Les Luxembourgeois semblent très pudiques par rapport à l’argent. Vous les comprenez?

Je ne le comprends pas et ne l’accepte pas. Si de l’argent a été gagné honnêtement, en travaillant beaucoup et en prenant des gros risques, il n’y a pas de raison de se taire. Il est mérité. Les gens qui cachent leurs gains c’est qu’ils ont une autre raison de le faire.

Quand on a de l’argent, il faut le montrer?

Il ne faut pas le montrer, mais il n’y a pas de raison de se cacher non plus. Si j’ai bien travaillé au point de pouvoir me payer une belle voiture, pourquoi devrais-je avoir peur que mon voisin la voie ? Mais je n’aime pas non plus ce qui est trop démonstratif, le côté m’as-tu-vu. J’aime porter certaines marques, mais ce n’est pas une priorité. Je peux m’habiller aussi bien avec un article acheté sur le marché que dans un magasin du luxe. Il faut surtout qu’il me plaise. Je vois trop de gens se balader comme des clowns, porter certaines marques simplement parce qu’elles coûtent cher.

Carpe diem

À quoi sert l’argent?

Personnellement, je ne suis pas un adepte de l’épargne. Carpe diem ! je veux vivre chaque jour comme si j’allais mourir demain. Pas au point de perdre les pédales, mais j’estime que, du moment qu’il ne s’agit pas de gaspillage, il faut dépenser l’argent. Il faut se faire plaisir à soi-même, à sa famille, à son entourage, pas cumuler les zéros sur un compte.

Le prix de certaines choses vous dérange-t-il?

Je déteste que l’on m’arnaque. Je ne comprends pas pourquoi, en période de vacances scolaires, le prix des avions et des chambres d’hôtel devient quatre ou cinq fois plus élevé. Ils ne paient pas leur personnel plus cher, leurs frais sont les mêmes. Cela devrait être interdit.

Une dépense stupide, inutile?

S’habiller comme une vitrine de magasin de luxe ou s’offrir des vacances sur un yacht à Saint-Tropez avec de l’argent que l’on n’a pas, juste pour épater ses amis. En agissant comme cela, on ne ment pas aux autres, on se ment à soi-même.

La retraite, un cauchemar

Faut-il donner de l’argent aux mendiants?

Oui, mais comme dit toujours mon père, ce que donne ta main droite, ta main gauche ne doit pas le savoir. Quand on donne, personne n’a besoin de le savoir, sinon c’est juste de la frime. Comme sur Facebook où certains se vantent de faire des dons à l’occasion de leur anniversaire.

Préparez-vous votre retraite?

La retraite, pour moi, c’est un véritable cauchemar. Avec tout le respect pour les retraités, j’estime que si un jour j’ai besoin de l’argent de ma retraite, c’est que je n’ai rien fait de toute ma vie. J’espère pouvoir ne jamais arrêter de travailler, sinon je mourrais. Et si l’État me verse un jour une pension, je la donnerai à mes petits-enfants. Moi je n’y toucherai pas.

Un souvenir de vos premiers gains d’argent?

En Turquie, j’ai commencé à travailler à l’âge ou, ici, les enfants vont à l’école primaire. J’ai travaillé toute ma vie et ce serait donc difficile de me rappeler la première fois. Mais je me souviens de mon premier salaire au Luxembourg, en 1991 : 27.000 francs luxembourgeois (environ 670 euros) au garage de l’Etoile. Avec ce salaire, j’ai remboursé un ami qui m’avait prêté de l’argent pour acheter mon billet d’avion pour Luxembourg.

Bons tuyaux

Un conseil d’investissement?

Je reste convaincu par l’immobilier, les terrains. La terre était là avant nous, elle sera là encore après nous. Et quand on voit les événements de ces dernières semaines sur les marchés boursiers, il est clair qu’il ne faut investir que dans ce qu’on connaît.

Un investissement coup de cœur?

Mon restaurant, le Elch. Je suis un homme de contact, il me permet d’inviter à la fois mes amis et mes clients. Il me demande beaucoup d’énergie mais m’apporte également beaucoup par rapport à mes affaires dans l’immobilier. Au Luxembourg, le relationnel est très important. Et dans l’immobilier le problème n’est pas de réaliser de bonnes ventes mais de bons achats. Ce restaurant me permet de les assurer.

Et le pire investissement?

J’ai cru pouvoir faire confiance à un ami, ça m’a coûté très cher. Il ne faut jamais faire des affaires avec des amis ou de la famille. On ôte les protections habituelles, avec le risque de prendre de mauvaises décisions.