Pierre-Jean Forrer, government and public sector leader chez EY Luxembourg, espère recruter 30 personnes à terme. Le service représente actuellement 15% de l’activité d’EY Luxembourg.  (Photo: EY Luxembourg)

Pierre-Jean Forrer, government and public sector leader chez EY Luxembourg, espère recruter 30 personnes à terme. Le service représente actuellement 15% de l’activité d’EY Luxembourg.  (Photo: EY Luxembourg)

EY Luxembourg vient de mettre en place une équipe spécialement dédiée au secteur public qui sera dirigée par Pierre-Jean Forrer, dans un contexte de transformation des administrations et des institutions. 30 personnes devraient, à terme, rejoindre ce pôle.

Le conseil aux institutions existait déjà, mais pas sous cette forme, au sein d’EY Luxembourg. Qu’est-ce qui a motivé la création d’un secteur dédié?

Pierre-Jean Forrer. – «Il fallait s’organiser différemment. Nous avons d’abord reçu beaucoup de demandes de projets de transformation technologique. Puis, les attentes sont devenues plus larges: les institutions publiques nous attendent sur du conseil au niveau réglementaire, en ressources humaines, parfois indépendamment du volet technologique, sur des sujets environnement et RSE. Le contexte particulier du positionnement du Luxembourg au sein de l’Union européenne doit également nous permettre de peser progressivement davantage au sein des institutions européennes majeures présentes à Luxembourg.

EY ambitionne de multiplier par trois ce que représente le secteur public dans son activité locale d’ici à 2026.

Quelles sont vos cibles au sein du très large secteur public?

«On parle d’environ 120 administrations, directement rattachées à leur ministère de tutelle, mais aussi d’autorités de régulation un peu plus indépendantes, également de sociétés anonymes dont l’État est actionnaire, les chambres et caisses dépendantes des autorités publiques. Elles ont toutes des projets ambitieux de refonte de leurs systèmes.


Lire aussi


Est-ce que cela répond à une forme d’accélération actuelle des décisions de l’État?

«Oui, on voit que l’agenda politique accélère beaucoup de projets. On est dans les derniers mois de lancement de projets conséquents dont les résultats sont attendus pour les prochaines élections. Après, il y a la stratégie à long terme du Luxembourg de maintenir une position haute dans les classements, notamment sur la digitalisation et l’‘e-government’. Les projets sont de plus en plus importants, se chiffrent en dizaines de millions, et sont pluridisciplinaires. L’Exposition universelle d’Osaka en 2025 est un enjeu à anticiper, ainsi que de dessiner le visage du Luxembourg en 2030, avec les changements induits par de nouveaux modes de travail, les mobilités et le logement.

Devez-vous répondre à des appels d’offres avec mise en concurrence?

«Nous avons trois types de sollicitations. Les consultations publiques, les sollicitations en amont de façon proactive, mais aussi en réponse à la demande de l’État, notamment lorsqu’il y a des projets de type incubateurs d’idées, comme le GovTechLab. Nous intervenons aussi sur sollicitation unilatérale de l’État lorsque le montant du marché le permet. Les premiers conseillers ou directeurs de services sont nos interlocuteurs opérationnels.

Quels sont les services pour lesquels l’État vous sollicite? Une expertise est-elle particulièrement développée chez EY?

«Trois catégories: les études d’impacts (15-20% de notre activité), avec un plan d’action pour organiser les projets, basé sur une feuille de route qui nous est donnée; ensuite, la transformation technologique qui va au-delà du digital (60% de notre activité). Il s’agit de l’accompagnement et de la réalisation de solutions innovantes pour le citoyen et l’utilisateur. Là se traitent des sujets sur la gestion des données, la modernisation des processus, l’évolution des rôles, les nouvelles plateformes technologiques, etc.; Enfin, l’apport d’expertises très ciblées et très variées sur des sujets métiers et des domaines fonctionnels précis. Chez EY, on se différencie depuis trois à quatre ans en personnalisant beaucoup notre approche au contexte de nos clients. Tous les cabinets ne le font pas. On s’efforce de coupler cela à un vrai souci de rapidité des réalisations.

Pendant la crise du Covid, l’État a-t-il sous-traité des services à EY?

«Non, aucun lié spécifiquement à la crise. Aucun de nos clients du secteur public n’a d’ailleurs arrêté ses projets pendant la crise. Nous ne nous sommes pas non plus positionnés pro bono sur des services gratuits pendant cette période, ce qui aurait pu être un piège et poser des problèmes comme on le voit dans l’actualité étrangère, par ailleurs.

EY ambitionne de multiplier par trois, d’ici 2026, ce que représente le secteur public dans son activité locale.
Pierre-Jean Forrer

Pierre-Jean Forrergovernment and public sector leaderEY Luxembourg

Comment vous positionnez-vous dans le domaine du conseil aux gouvernements, notamment en termes de stratégie financière et fiscale, du financement d’opérations ou de certification de comptes?

«Il y a un sujet de réforme comptable en cours, l’État et les groupes de travail de la Commission européenne gèrent le sujet. Nous n’interviendrons, s’il le fallait, que le jour où il faudra mettre les nouveaux systèmes en place. Nous sommes auditeurs de plusieurs institutions publiques et, dans ce cas, nous redoublons de vigilance face aux risques de conflits d’intérêts. Nos services internes de gestion des risques y sont forcément particulièrement attentifs. Pas un projet ne peut passer à travers ce service. Des accords de confidentialité existent aussi. Nos collaborateurs se déplacent et travaillent sur les sites et sur le matériel de l’État. Les données confidentielles ne transitent pas chez nous.

Êtes-vous en mesure d’assurer toutes les prestations au sein du cabinet ou bien sous-traitez-vous une partie? Quel est le surcoût?

«L’objectif est de créer cette équipe dédiée au secteur public avec, à terme, environ 30 personnes pour répondre en autonomie à nos clients. Autonomie veut aussi dire avec nos experts d’EY Paris et Bruxelles. En attendant d’avoir l’équipe au complet, si nous sommes amenés à sous-traiter (15 à 20% des services), c’est sans surcoût. Nous recherchons des profils formés aux transformations des politiques publiques, en plus des profils traditionnels de consultants.

En France, le recours croissant de l’État aux cabinets de conseils fait polémique, tant sur les montants impliqués que sur le principe d’une «consultocratie» qui éroderait la souveraineté de l’État. Qu’en est-il, au Luxembourg, et comment vous prémunissez-vous d’une polémique similaire?

«La polémique en France est surtout liée à des budgets conséquents alloués au conseil politique, destiné au soutien des prises de décisions politiques. Les ‘Big Three’ (McKinsey, Boston Consulting Group et Bain & Company), peu présents au Luxembourg, sont des cabinets spécialisés dans ces services. L’équipe dédiée au service public d’EY Luxembourg délivre des solutions de transformation et n’influe pas sur la prise de décision politique. Nos solutions technologiques sont proposées en réponse à des consultations publiques, pour des projets clairement identifiés lors de l’élaboration des lois de finances chaque année – en toute transparence publique, et qui découlent elles-mêmes des décisions politiques prises très en amont, indépendamment de nous. Je ne connais pas le budget alloué à la consultance stratégique au niveau de l’État, mais à mon sens, cette polémique n’a pas lieu d’être au Luxembourg. L’État luxembourgeois sait justifier que ses budgets alloués aux projets de consultance ont fait l’objet d’appels d’offres, lesquels ont abouti à une amélioration de ses services profitable à tous. Il y a aussi des organes de contrôle: la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances. La procédure d’allocation d’une prestation externe au sein de l’État est très transparente, et la commission des marchés publics veille également. Qui plus est, EY Luxembourg ne fait pas de prestations de type ‘pro-bono’.

Il s’agit tout de même de l’argent des contribuables… Allez-vous adapter vos tarifs? Sont-ils publics?

«Ce sont souvent des tarifs forfaitaires. Les prix ne sont pas plus chers pour le service public, au contraire. C’est un environnement concurrentiel comme les autres. Les prix sont transparents, car chaque marché fait l’objet d’un procès-verbal d’ouverture.

Quel a été votre parcours avant de rejoindre le pôle Secteur public chez EY?

«J’ai commencé ma carrière dans l’industrie pétrolière en Afrique de l’Ouest avant de basculer dans le conseil en solutions technologiques et SAP en France, au Luxembourg et en Belgique. Ce qui m’a permis d’aborder différentes industries, dont le secteur public. Dans ce domaine, j’ai notamment travaillé avec l’Organisation des Nations unies que j’ai accompagnée dans la refonte de son système d’information et en conduite du changement, mais aussi en Arabie Saoudite pour les ministères de l’Intérieur, de l’Éducation et de la Santé, en cadrage et accompagnement de projet. J’ai rejoint EY en septembre 2016, où j’ai conduit une équipe technologique multisecteur, avec un ancrage solide dans le secteur public que l’accord de coalition a soutenu avec un budget confortable à y consacrer. Les prochaines échéances électorales en 2023 et la neutralité carbone en 2030 vont continuer dans ce sens.»