Olivier Coekelbergs veut renforcer EY Luxembourg comme pôle d’excellence mondial sur les fonds alternatifs. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Olivier Coekelbergs veut renforcer EY Luxembourg comme pôle d’excellence mondial sur les fonds alternatifs. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Quelques heures après l’annonce des excellents résultats d’EY Luxembourg en 2021, Olivier Coekelbergs, country managing partner, revient sur cette année record. L’occasion également de rappeler que les ambitions d’EY Luxembourg ne s’arrêtent pas aux chiffres.

Avec un chiffre d’affaires en croissance de 10,2% par rapport à l’an dernier, et 20,4% pour les deux dernières années, EY se démarque avantageusement. Entre compétitivité et compétition, quelle différence faites-vous?

. — «Contrairement à ce que l’on pourrait croire, on regarde ce que les autres font, mais ce n’est pas notre priorité. On se focalise sur la poursuite de notre plan d’ici 2026. Les résultats des autres, c’est souvent une surprise, on sait qu’on est présents sur les mêmes métiers, chacun avec ses forces et faiblesses. Nous préférons exploiter nos forces et travailler sur nos faiblesses. ne sont pas au-delà de nos attentes, car on a exécuté le plan que l’on avait prévu. La vraie interrogation restait la pandémie, il ne fallait pas paniquer et je pense que jusqu’ici, nous la gérons plutôt bien.

Le marché de la fiscalité-taxes a été l’un des plus porteurs en 2021 avec 11,8% de progression. N’est-ce pas surtout un effet d’aubaine dû à une avalanche de régulations (fiscalité unique OCDE, ATAD 1 et 2…)?

«Je vois deux choses: le dynamisme de notre ligne de métier taxes, qui est très innovante et proche de ses clients. Le second point, c’est le fort accent donné sur le secteur. Pendant longtemps, les fiscalistes ont été des techniciens de la fiscalité pure. Nous sommes parvenus à combiner technicité et discours business auprès de leurs clients pour être aujourd’hui plus pointus: nous sommes fiscalistes dans le private equity, fiscalistes dans le domaine des sociétés commerciales luxembourgeoises ou fiscalistes du real estate.

Quel est le croisement métier/marché qui se distingue en cette presque fin de période de crise?

«Je vais dire les alternatifs. La croissance est excellente, elle n’est pas liée à un métier en particulier. Notre marque EY est très reconnue dans le secteur des fonds alternatifs et du private equity en particulier, mais on ne peut pas dire ‘surtout en audit’ ou ‘surtout en taxes’, la croissance est partout. Les fonds d’investissement peuvent aller ailleurs au Luxembourg, puisque c’est avant tout le pays qui attire les clients en priorité pour son environnement fiscal, économique et politique. Ils viennent peut-être chez nous en particulier, car nous avons une marque forte et reconnue sur ce sujet.

Les résultats ne sont pas encore à la hauteur des investissements que nous avons faits sur les ‘managed services’, mais ils sont déjà très encourageants.
Olivier Coeckelbergs

Olivier Coeckelbergsmanaging partnerEY Luxembourg

La ligne de services de conseil a également progressé, mais de moitié (5,5%) par rapport aux services de la fiscalité et stratégie et transactions (13%)? Allez-vous renforcer ce domaine alors que la concurrence est lourde?

«Actuellement oui. Concernant le consulting, on sait qu’on est souvent le challenger des Big Four, et nous voulons nous développer sur les secteurs et métiers que l’on considère comme porteurs. Notamment à travers les ‘managed services’, marché ‘crossline’ en croissance de 22%, où les premiers bénéficiaires de toutes nos initiatives sont pour le moment le conseil et le service taxes. Les résultats ne sont pas encore à la hauteur des investissements que nous avons faits sur les ‘managed services’, mais ils sont déjà très encourageants.

Au niveau du conseil, pourquoi ne pas aller plus loin en créant un département légal comme certains de vos concurrents?

«On y regarde. De fait, cela nous permettrait d’étendre nos services. Mais à ce stade, je ne pense pas que ce soit vraiment de nature à changer la donne. Pour nous, les priorités sont surtout celles que j’ai mentionnées autour des ‘managed services’, lesquelles nous demandent déjà beaucoup d’énergie. Lorsque l’on sera plus avancés, peut-être que nous pousserons plus loin la réflexion sur cet aspect-là.


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Vous annoncez un bilan carbone à zéro. Les voitures de société des collaborateurs (leasing) font-elles partie des éléments du bilan?

«Oui, elles l’ont été. Il y en a peu. Nous encourageons nos collaborateurs à utiliser prioritairement les transports en commun. D’ailleurs, nos locaux n’ont pas été conçus avec des parkings permettant d’accueillir un véhicule par employé.

Quels investissements technologiques voulez-vous engager en 2022?

«Nous avons des enveloppes importantes: j’ai parlé lors de conférences de presse de 2,5 milliards de dollars qu’EY Global va investir dans la technologie sur 3 ans. C’est un effort auquel on contribue. Cette politique d’investissement se décide davantage au niveau global que local. Sur cette somme, il y a des choses que l’on va utiliser et d’autres qui ne sont pas pertinentes pour le bureau de Luxembourg.

Comment allez-vous ‘investir’ ces bénéfices? Les employés vont-ils recevoir un bonus?

«Oui, c’est déjà fait. Je pense que l’année n’a été facile pour personne, avec les issues incertaines que l’on connaît, les confinements… Il était normal de récompenser nos employés pour les efforts consentis.

Une récompense proportionnelle aux résultats?

«C’est toujours plus compliqué que ça, mais il y a forcément un alignement certain entre les performances et les récompenses de la firme. Les résultats ayant été excellents, les bonus ont été beaucoup plus importants que les autres années, les augmentations salariales également.

 

Proposer un MBA à tous les salariés éligibles qui le souhaitent est un moyen pour EY d’investir dans la compétence, l’attractivité et la fidélité des collaborateurs. Matic Zorman/Maison Moderne

Proposer un MBA à tous les salariés éligibles qui le souhaitent est un moyen pour EY d’investir dans la compétence, l’attractivité et la fidélité des collaborateurs. Matic Zorman/Maison Moderne

Vous proposez, en 2021, de financer un MBA à tous les collaborateurs éligibles. Cela risque de vous coûter cher…

«Cela s’appelle un investissement. La technologie et la fidélisation d’équipes sont dans nos métiers deux leviers d’attractivité. Ceux qui seront éligibles pourront augmenter considérablement leurs aptitudes et cela aura un effet positif pour tout le monde. 

Une formation identique ne risque-t-elle pas de formater les équipes dirigeantes, de nuire à une forme de diversité de compétences?

«Non, je ne pense pas. La firme est suffisamment grande, ouverte et inclusive pour ne pas créer de silos. Cela ne m’inquiète pas. On ne ‘donne’ pas le MBA, il faut tout de même le suivre et le réussir. Nous avons déjà une personne qui a suivi la formation et l’a terminée, c’est un réel investissement en temps à fournir. Nous verrons, puisque nous venons de lancer le programme…

Les collaborateurs devront-ils s’engager à rester chez EY un certain temps, une fois diplômés?

«Nous ne sommes pas dans cette philosophie-là. Si besoin, nous étudierons cette possibilité au cas par cas, en fonction du profil de la personne. Il faut déjà avoir un certain niveau d’expérience pour faire un MBA et cela concernera sans doute des collaborateurs déjà en poste depuis quelque temps chez EY. Cela leur donnera de nouvelles opportunités de carrière chez nous. On manque d’associés, clairement.

 

On ne va pas limiter le temps de travail de nos associés de manière proactive.
Olivier Coekelbergs

Olivier Coekelbergscountry managing partnerEY Luxembourg

Peut-on avoir une vie équilibrée lorsque l’on aspire à être associé chez EY? Les reconversions, la quête de sens, les choix de ne pas accepter plus de responsabilités, les burn-out sont une réalité chez de nombreux employés. Comment rassurez-vous ceux qui veulent accéder aux promotions internes?

«Chacun est libre de choisir sa voie au sein de la firme. Tout le monde ne veut pas devenir managing partner! Les gens qui veulent devenir associés chez nous le font par passion. Je suis passionné par mon métier et j’y passe beaucoup d’heures, mais personne ne m’y oblige. Je pense que cela est vrai pour tous nos associés. Ils apprécient notre partnership, c’est différent d’un corporate et cela justifie les heures au travail. On ne va pas limiter le temps de travail de nos associés de manière proactive. Cependant, je suis à l’écoute d’un aménagement d’horaires et de mode de travail si quelqu’un le demande. Cela, on le fait déjà. On essaie aussi de limiter tous les meetings après 17h30.

Avec un objectif énorme de 700 collaborateurs supplémentaires en 2022, peut-on réellement parler de stratégie de recrutement?

«Justement, il en faut une. Le recrutement est permanent, sauf pour les juniors, pour lesquels nous organisons deux sessions massives par an (septembre et janvier). Nous cherchons tous les profils: quand vous cherchez 700 collaborateurs, ils ont tous des profils différents. Notre stratégie est très liée à celle que notre réseau développe, nous ne sommes pas seuls et utilisons beaucoup la coopération avec les autres pays. En local, nous mettons en avant ce que nous pouvons leur apporter: le MBA, notre agenda ESG, notre croissance… Le but est de rendre nos opportunités visibles sur les bons canaux, notamment les réseaux sociaux. Nos équipes et la technologie nous aident à gérer cet afflux massif de CV.

On a vu, chez les new joiners, un certain nombre de profils d’anciens sportifs de haut niveau. Portent-ils des valeurs qui vous intéressent en particulier?

«Oui, bien sûr, mais pas seulement eux. La persévérance, le dépassement de soi en général sont des valeurs que nous apprécions. Nous partons du principe que notre programme de formation technique est suffisamment solide pour apporter le socle de compétences nécessaire. Les new joiners sont donc recrutés sur la base de leurs valeurs. Par ailleurs le sport en général est quelque chose d’omniprésent chez EY: nous avons ici des programmes pour nos collaborateurs autour de la course à pied, du vélo, du basket-ball, du volley-ball et du football.

EY Luxembourg possède des experts très qualifiés. Leur connaissance de la Place leur donne-t-elle des prérogatives au sein du groupe EY Global?

«Oui, plusieurs personnes sont très impliquées, notamment étant donné le rôle leader que joue le Luxembourg dans le domaine des fonds alternatifs. Sur ce sujet, c’est , mon associé qui vient du pôle private equity et dirige toute la partie fonds alternatifs, qui est amené à prendre la parole au sein de la firme globale. , deputy managing partner pour notre practice taxes, est aussi référent au sein du réseau global financial services. Nous sommes plus de 310.000 dans le réseau, donc il y a toujours quelqu’un qui a la réponse quelque part; le problème, parfois, est de trouver cette personne.

D’une manière générale, quelle est la place d’EY Luxembourg au sein du Groupe, et comment le Luxembourg est-il perçu?

«Le Luxembourg et notre firme en particulier sont perçus comme un centre d’excellence par rapport aux activités des fonds alternatifs. Nous sommes perçus aussi comme un pôle innovant dans les ‘managed services’, car on a toujours de bonnes idées, et une certaine agilité. Enfin, il y a cette multiculturalité qui constitue un atout indéniable.»