Les fintech offrent de plus en plus de services bancaires tandis que les banques entrent de plain-pied dans la transformation digitale. Face à ce constat de convergence du marché, EY Luxembourg choisit de regrouper ses services financiers destinés aux acteurs du secteur bancaire et de la fintech.
Observateur de l’évolution de l’industrie des fintech à Luxembourg, Gaël Denis, partner TMT (Technology, Media & Telecommunications) chez EY, explique que le secteur était fortement marqué par les acteurs du paiement et de la monnaie électronique il y a une dizaine d’années. L’émergence de l’e-commerce leur a permis de développer des solutions de paiement mobiles. «Aujourd’hui, l’écosystème du paiement est devenu plus complexe», note Gaël Denis, qui ajoute: «Avec par exemple des solutions de ‘credit lending’ ou de ‘buy now, pay later’, des fintech commencent à obtenir des licences bancaires.»
Aujourd’hui, l’écosystème du paiement est devenu plus complexe. Avec par exemple des solutions de ‘credit lending’ ou de ‘buy now, pay later’, des fintech commencent à obtenir des licences bancaires.
Alors que les sociétés d’e-commerce avaient initié les premières solutions de paiement à Luxembourg, le secteur des fintech se renouvelle dorénavant avec, notamment, l’apparition des néobanques. Ces fintech qui démarrent en développant une application spécifique l’enrichissent par la suite de services bancaires traditionnels tels que la gestion de comptes courants, l’ouverture de comptes épargne et des produits d’assurance. «Depuis l’avènement de la directive PSD2 qui a amené l’utilisation des API, c’est aussi une opportunité pour les banques de fournir de nouveaux services à leurs clients», note Gaël Denis.
La banque devient le client de la fintech
Ce sont aussi bien les modèles d’affaires des fintech que ceux des banques qui connaissent actuellement des changements. Si certaines fintech adoptent des produits bancaires, d’autres penchent plutôt pour un service unique et un nombre limité de clients. C’est notamment le cas dans le domaine des solutions de gestion des taxes et des obligations anti-blanchiment.
Comme l’explique Bernard Lhoest, partner Banking and Capital Markets chez EY, les banques sont demandeuses d’aide dans des services moins stratégiques pour leurs activités: «Un certain nombre de fintech se spécialisent dans des compétences spécifiques pour lesquelles les banques ne sont pas suffisamment armées, aussi bien technologiquement qu’en matière de ressources humaines. Généralement, les fintech, parce qu’elles arrivent plus tard et sont dans un secteur de niche, sont capables de développer des outils qui seront plus pertinents. La banque devient alors le client de la fintech.»
Un certain nombre de fintech se spécialisent dans des compétences spécifiques pour lesquelles les banques ne sont pas suffisamment armées, aussi bien technologiquement qu’en matière de ressources humaines.
La complémentarité des deux industries risque-t-elle pour autant de se limiter au seul modèle prestataire-client? «Si vous regardez la réglementation, il y a encore une grande différence entre les fintech et les banques», nuance Bernard Lhoest. Et il rappelle: «Bien que la conversion en banque permette à une fintech de toucher un marché plus large et de distribuer davantage de produits, le statut de banque est un pas vers plus de réglementation, plus de compliance et plus de contrôle.» Occasionnant des coûts et du personnel supplémentaires, la décision d’obtenir une licence bancaire dépend donc, avant tout, du modèle d’affaires de chaque société.
La convergence de la data et de la réglementation
À l’instar des modèles d’affaires qui doivent encore se découvrir, les profils des services financiers de demain ne sont pas encore pleinement définis. «Aujourd’hui, il n’existe pas forcément d’expert fintech», relève Gaël Denis qui explique que le défi RH sera de recruter à la fois des experts technologiques et réglementaires qui ont chacun «une connaissance des sociétés de type ‘software’, de la gestion de la propriété intellectuelle et des actifs immatériels».
Alors que les équipes d’EY engagées sur des missions auprès de fintech étaient jusqu’à présent entraînées et équipées à traiter de la data, celles envoyées dans des banques avaient, quant à elles, davantage l’habitude des réglementations. En fusionnant ces deux pôles, EY ambitionne de développer une équipe qui maîtrise les deux compétences.
On ne recrute plus uniquement dans les écoles de commerce et les universités de comptabilité. On recherche des personnes de tous horizons.
EY va ainsi amplifier ses efforts de recrutement dans les années à venir tout en élargissant les types de profils recherchés. «On ne recrute plus uniquement dans les écoles de commerce et les universités de comptabilité», précise à cet égard Bernard Lhoest. Et il complète: «On recherche des personnes de tous horizons.»
Un enjeu pour le Luxembourg
À l’heure actuelle, EY Luxembourg est le seul cabinet de son réseau international à fusionner ses unités Banque et Fintech. Un centre d’excellence qui se développe à Luxembourg, mais sans ignorer la collaboration, comme le souligne Gaël Denis: «Nous développons notre centre d’excellence à Luxembourg, car nous travaillons notamment sur les paiements, les monnaies virtuelles et la blockchain depuis une dizaine d’années. Donc oui, centre d’excellence de ce point de vue, mais aussi collaboration au sens international.»
Nous développons notre centre d’excellence à Luxembourg, car nous travaillons notamment sur les paiements, les monnaies virtuelles et la blockchain depuis une dizaine d’années. Donc oui, centre d’excellence de ce point de vue, mais aussi collaboration au sens international.
Avec la convergence des banques et des fintech, la Place de Luxembourg entre dans une nouvelle phase de son développement. «Le Luxembourg reste une place très importante en Europe», rappelle Bernard Lhoest. Selon lui, de nombreuses fintech vont se développer et élire domicile au Luxembourg en plus des 19 établissements de paiement et 12 établissements de monnaie électronique déjà présents. «Ces sociétés n’ont pas beaucoup d’autres choix que le Luxembourg si elles veulent atteindre et avoir comme clients l’ensemble de ceux qui résident en Europe», justifie-t-il.
Dans une Europe qui recherche encore sa juridiction leader pour accueillir les banques et fintech de demain, le Luxembourg garde toutes ses chances malgré une image quelque peu conservatrice liée à l’industrie de la banque privée et des Ucits. Dans pareil contexte, chaque acteur doit jouer son rôle. D’une part, la clientèle presse les professionnels du secteur financier pour faire évoluer les mentalités, les produits et les services. D’autre part, il est important que le régulateur soutienne l’industrie avec l’adoption de réglementations qui lui permettront de satisfaire les différents modèles d’affaires en train d’émerger. D’où le rôle des prestataires de services pour aider les sociétés à naviguer parmi les contraintes et demandes réglementaires existantes et à venir.