Nathalie Mège: «Nous vivons une rupture majeure dans nos entreprises et nos façons de travailler et de collaborer vont durablement changer.» (Photo: Vincent Flamion Photography)

Nathalie Mège: «Nous vivons une rupture majeure dans nos entreprises et nos façons de travailler et de collaborer vont durablement changer.» (Photo: Vincent Flamion Photography)

En amont de l’événement «10x6 RH: les nouvelles façons de travailler» organisé par le Paperjam + Delano Club le jeudi 24 juin, l’une des oratrices, Nathalie Mège (TNP Luxembourg) partage avec nous sa vision sur les nouvelles façons de travailler en entreprise.

Y a-t-il une rupture avec certains profils salariés concernant le télétravail? Si oui, comment régler ce problème?

«Des études récentes et les feedbacks reçus au cours des derniers mois démontrent que nous ne sommes pas tous égaux face au télétravail. La perception et l’expérience dépendent des situations professionnelles et personnelles de chacun comme des pratiques managériales et de la culture en vigueur au sein de chaque entreprise. Le télétravail semble avoir été plus pénible pour les employés que pour leurs managers, et d’autant plus pour les personnes récemment embauchées ou les personnes isolées. La mise en place structurelle du travail hybride nécessite, certes, de considérer la nature des activités, les dimensions opérationnelles et organisationnelles, mais elle doit surtout tenir compte de la culture de l’entreprise et des situations individuelles de chacun pour proposer une configuration optimale — nous sommes loin du modèle ‘one size fits all’. Repenser la collaboration et la communication au sein des équipes et entre les équipes est essentiel afin de renforcer le sentiment d’appartenance et l’engagement de chacun dans ce nouveau contexte partiellement distant.

On parle de digitalisation comme le «back-up numéro 1» (cf. la crise sanitaire). Est-ce réellement la solution miracle?

«Nous avons tous pensé outils de collaboration et digitalisation des processus lorsqu’il a fallu passer du jour au lendemain en télétravail en mars 2020. Il est certain que l’équipement est une condition sine qua non pour permettre de travailler de la maison, mais ce n’est pas tout, d’autant plus aujourd’hui où le télétravail et le travail hybride s’inscrivent durablement comme la nouvelle norme. Il est important de repenser également tout le cadre de travail: les processus opérationnels, les manières de travailler et de collaborer, les pratiques managériales, l’organisation du travail et la collaboration pour sécuriser les opérations sans remettre en question la capacité d’évoluer et d’innover de l’entreprise… La digitalisation est un ‘enabler’ essentiel du nouveau modèle hybride du travail, mais ce n’est certainement pas la solution miracle. 

Quelles sont les perspectives des «nouvelles façons de travailler» d’ici 5 à 10 ans?

«Nous vivons une rupture majeure dans nos entreprises, et nos façons de travailler et de collaborer vont durablement changer. D’ici 5 à 10 ans, l’autonomie, la collaboration et l’agilité seront des compétences comportementales d’autant plus importantes que le travail sera fortement fragmenté, impliquant des équipes différentes dans des configurations multiples, y compris à l’international. La tendance déjà initiée d’une plus forte collaboration en dehors des murs, avec des entreprises partenaires ou des experts free-lances devrait s’accentuer pour pouvoir mobiliser plus efficacement et avec une plus grande flexibilité les talents nécessaires au développement de l’entreprise. Dans un monde où le télétravail partiel devient la norme, il est désormais plus facile de s’affranchir des distances — ‘talent is everywhere’. Enfin, la façon d’apprendre va devoir drastiquement évoluer pour faire face à l’obsolescence accélérée des compétences: des formations délivrées très régulièrement, s’appuyant sur des formats plus courts et plus variés notamment digitaux, permettant une personnalisation plus poussée et mettant également l’accent sur l’acquisition et le développement des softs skills.»