Marc Hengen, Administrateur délégué, ACA. (Photo: Maison Moderne)

Marc Hengen, Administrateur délégué, ACA. (Photo: Maison Moderne)

Après une année 2020 morose, le secteur de l’assurance a fait preuve de résilience et connaît une véritable reprise. Les défis à relever n’en restent pas moins nombreux. Les critères ESG, mais aussi le changement climatique entraînant une multiplication des catastrophes naturelles, font partie des principales préoccupations du secteur.

Pour les assureurs, comme pour de nombreux autres professionnels, l’année 2020 a été relativement compliquée. La crise du Covid a en effet eu un impact direct et significatif sur le chiffre d’affaires engrangé, particulièrement dans le secteur de l’assurance-vie. Celui-ci a en effet chuté de 25% par rapport à 2019, qui était, il est vrai, une très bonne année. Même si l’assurance non-vie a mieux résisté, augmentant ses rentrées de 4%, il est évident que tous les professionnels de l’assurance voulaient voir en 2021 l’année de la reprise. Et les premières données collectées par l’ACA (Association des Compagnies d’Assurance et Réassurance) semblent aller dans ce sens. «Le premier trimestre s’est clôturé sur une hausse du chiffre d’affaires de 20% pour l’assurance-vie. C’est un très bon signe dans la perspective d’un retour à un niveau d’activité proche de celui d’avant-crise», commente Marc Hengen, Administrateur délégué de l’ACA.

L’assurance-vie, un outil pour la gestion du patrimoine

Au Luxembourg, les assureurs se sont fait une spécialité de proposer leur gamme de produits dans une perspective de gestion patrimoniale. La demande pour ce type de services reste très importante et porte le marché. «Les assureurs luxembourgeois ont la capacité de proposer des contrats sophistiqués, personnalisés, qui répondent aux besoins complexes d’une clientèle internationale», explique Marc Hengen. «Généralement, les clients payent une prime unique, souvent assez importante, dans le cadre d’une assurance-vie, et confient cette somme à l’assureur dans une perspective de gestion et de transmission de patrimoine. En cela, le travail peut se rapprocher de celui de banquier privé, même s’il reste typiquement une activité d’assureur. Les banquiers privés qui proposent des contrats d’assurance-vie de ce type sont d’ailleurs aussi des courtiers en assurance.»

Si l’attrait de l’assurance-vie de droit luxembourgeois, renforcé par les dispositions légales comme le triangle de sécurité, ne se dément pas, des tendances fortes ont toutefois émergé au cours des dernières années.
Marc Hengen

Marc HengenAdministrateur déléguéACA

Si l’attrait de l’assurance-vie de droit luxembourgeois, renforcé par les dispositions légales comme le triangle de sécurité, ne se dément pas, des tendances fortes ont toutefois émergé au cours des dernières années. La première est liée à la digitalisation. «La crise du Covid et le télétravail ont rendu plus claire encore la nécessité d’accélérer la transformation digitale de nos outils», poursuit l’Administrateur délégué de l’ACA. «Ce travail est déjà bien entamé dans certaines compagnies, et il s’intensifie.»

Le climat inquiète

Mais l’autre véritable tendance dans le secteur est liée à l’inquiétude grandissante de la population – et donc de la clientèle des assureurs – par rapport au changement climatique. «La prise en compte des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance, ndlr) est aujourd’hui devenue un réflexe, que ce soit dans l’assurance-vie ou non-vie. Il s’agit en effet d’une vraie demande de nos clients, qui exigent plus de transparence par rapport aux investissements consentis avec l’argent qu’ils nous confient. Le secteur de l’assurance est d’ailleurs soumis, lui aussi, à la récente réglementation SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), dont le but est, précisément, de fournir une meilleure information par rapport à ces critères ESG, et ce sur l’ensemble de la chaîne de valeur», précise Marc Hengen. Cette vague réglementaire a des conséquences sur le secteur, puisque, selon l’Administrateur délégué de l’ACA, elle entraîne une complexité qui demande plus de moyens humains et matériels, et donc des coûts plus élevés. «La taille critique des activités d’un assureur devra augmenter pour qu’il puisse assumer ce coût. On devrait par ailleurs voir plus de sociétés rechercher des synergies.»

Les dégâts engendrés par les pluies torrentielles de la mi-juillet font déjà de cette catastrophe la plus chère de l’histoire du marché luxembourgeois de l’assurance.
Marc Hengen

Marc HengenAdministrateur déléguéACA

L’inquiétude par rapport au climat et la prise de conscience du rôle que son investissement peut avoir pour répondre aux enjeux du dérèglement climatique ont encore été renforcées par les récents phénomènes climatiques extrêmes que nous avons vécus au Luxembourg, mais aussi dans d’autres pays d’Europe. Pour les assureurs, ces événements, qui sont appelés à se répéter dans le futur, ont de réelles implications. «Les dégâts engendrés par les pluies torrentielles de la mi-juillet font déjà de cette catastrophe la plus chère de l’histoire du marché luxembourgeois de l’assurance», indique Marc Hengen. «Tous les acteurs européens s’interrogent sur la meilleure façon de répondre à cette problématique. L’assurance repose en effet sur une mécanique de mutualisation: les primes versées par les assurés permettent d’indemniser les souscripteurs qui ont subi des dégâts. Avec la multiplication de ces phénomènes extrêmes, on peut donc se demander si le ‘pricing’ ne doit pas être revu pour que nous soyons toujours en mesure de couvrir complètement tous nos assurés.»

Malgré ces inquiétudes, l’assurance de droit luxembourgeois semble avoir toujours de beaux jours devant elle, surtout pour une clientèle internationale. Reste à voir si la crise du Covid n’aura pas de conséquences plus profondes en accentuant la tentation du protectionnisme et en mettant dès lors à mal le modèle transfrontalier bâti par Luxembourg. Seul l’avenir nous le dira…