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Il est en effet extraordinaire de noter que, en l’espace de quelques années seulement, les nouvelles technologies ont significativement bouleversé le mode d’interaction entre les gestionnaires et leurs clients. S’il n’y a pas si longtemps encore certaines banques privées s’interrogeaient sur l’opportunité de prendre le virage digital, la question n’est aujourd’hui plus de savoir si, mais plutôt comment aborder ce tournant.

L’ouverture de la banque privée luxembourgeoise vers un monde onshore et globalisé, associée au phénomène de digitalisation accrue des interactions clients, le tout exacerbé par un nombre sans cesse croissant de fintech qui s’immiscent elles aussi dans cette relation client, parfois en collaboration avec les banques, parfois au détriment de celles-ci, a considérablement renforcé cette concurrence entre les différents acteurs du secteur, exigeant dès lors une définition claire de leur stratégie digitale et de leurs ambitions en la matière. 

Un exemple illustrant à souhait l’importance pour les banques privées d’adopter un positionnement clair en matière digitale est sans nul doute le choix de recourir, ou non, à des outils de type «robo-advice».

Pour rappel, ces outils, développés à l’origine pour servir une clientèle dite «affluent» ou «mass affluent», c’est-à-dire dont les actifs sous gestion restent somme toute limités, et qui ont depuis considérablement grandi, proposent une gestion automatisée construite la plupart du temps sur la base d’instruments financiers synthétiques qui suivent ou répliquent les indices boursiers (on parle notamment d’ETF - exchange traded funds/trackers). Ce mode de gestion, dite «passive», s’oppose à la gestion dite «active», plus traditionnelle, structurée autour de la sélection d’actifs (stock picking).

Le recours à ce type d’outils crée aujourd’hui des réactions très tranchées et très clivantes parmi les gestionnaires de banque privée. En effet, tandis que leurs détracteurs y voient une forme de gestion impersonnelle, industrialisée, au rabais, inadaptée à une clientèle de high net worth individuals et cannibalisant potentiellement les autres services de gestion d’une même banque privée, d’autres défendent ardemment le modèle, sa simplicité, sa complémentarité et présentent chiffres à l’appui des résultats de gestion à long terme supérieurs ou à tout le moins équivalents aux autres modes de gestion.

Bon nombre d’offres en ligne de robo-advice procurent souvent au client la perception d’un processus d’investissement démystifié, dédramatisé, décomplexifié.

Jean-Pascal NepperJean-Pascal Nepper, Partner in advisory (management consulting) (KPMG)

Sans chercher à trancher le débat philosophique qui oppose les aficionados de l’un ou l’autre modèle, il est intéressant de noter que l’intérêt de plus en plus marqué pour les robo-advisors est aussi intimement lié à l’expérience digitale du client lorsqu’il interagit avec ceux-ci, et plus précisément au sentiment d’autonomie, de transparence et de flexibilité qu’ils lui confèrent. En effet, de par la qualité et la souplesse de leur expérience digitale, bon nombre d’offres en ligne de robo-advice procurent souvent au client la perception d’un processus d’investissement démystifié, dédramatisé, décomplexifié.

Et c’est précisément dans cette perspective d’expérience client «mémorable» que les banques privées doivent aujourd’hui définir leur stratégie digitale: quelles que soient leurs typologies de clients, quels que soient les outils technologiques à disposition, quels que soient les moyens ou canaux que le client choisit d’utiliser pour interagir avec son gestionnaire, c’est avant tout la qualité de l’expérience client qui doit constituer la ligne d’horizon de toutes les initiatives commerciales.