Avenir: Frank Krings voit le Luxembourg devenir le principal pôle de banque privée de Deutsche Bank en Europe. (Photo: Benjamin Champenois / Maison Moderne)

Avenir: Frank Krings voit le Luxembourg devenir le principal pôle de banque privée de Deutsche Bank en Europe. (Photo: Benjamin Champenois / Maison Moderne)

La Deutsche Bank est à la finance ce que la Mannschaft est au football et la Lufthansa à l’espace aérien: des monuments indéboulonnables. Si l’image reste vraie pour les deux derniers, la plus grande banque allemande, soumise à des vents contraires, vacille sur ses bases. Après trois années de résultats annuels dans le rouge, le CEO du groupe, John Cryan, a fini par sauter début avril. Deux ans avant le terme de son mandat.

Les actionnaires s’impatientent alors que le cours de bourse a perdu plus de 30% au cours des derniers mois. En février, lors de la présentation des résultats annuels, Cryan, en poste depuis deux ans, s’était pourtant montré rassurant: «Nous avons fait le ménage, nous sommes sur le bon chemin.» Ça n’a pas suffit.

Choix stratégiques

Son remplaçant, Christian Sewing (47 ans), a fait toute sa carrière chez Deutsche Bank et était responsable de la banque de détail au sein du comité de direction. Il se devait d’aller vite. Trois semaines à peine après son entrée en fonction, contraint d’annoncer un recul du bénéfice net de 79% pour le premier trimestre de l’exercice 2018, il parle de résultats «inacceptables pour nos actionnaires». Et annonce ses premières mesures: il procédera à des coupures dans la banque d’investissement, ex-vache à lait de l’institution mais qui souffre toujours suite à différentes affaires judiciaires aux États-Unis.

Premières visées, les activités américaines dans le trading obligataire et d’actions. «Nos racines sont en Europe», a précisé le nouveau PDG. Le 24 mai, avant l’assemblée générale, il précise son plan: «Plus de 7.000 emplois» seront supprimés sur les 97.000 postes actuels. L’activité de la banque d’investissement sera réduite de 10% et son personnel de 25%.

Un Îlot prospère

Les bourrasques qui s’abattent sur Francfort produisent, jusqu’à présent, peu d’effets néfastes sur l’entité luxembourgeoise. «Nous ne sommes pas actifs dans l’activité de trading», insiste Frank Krings, CEO depuis deux ans. Présentant les résultats de Deutsche Bank Luxembourg à la fin du mois d’avril, il a parlé d’une «année intense mais réussie». Affichant un bénéfice net de 218 millions d’euros, il pointe un résultat «tout à fait correct». Il en est d’autant plus satisfait que ce chiffre prend entièrement en compte une dépense de 30 millions d’euros pour doter l’activité de gestion de patrimoine d’une nouvelle plate-forme informatique.

«C’était un de nos grands travaux et il a été terminé dans les temps et dans les limites du budget», se réjouit le manager allemand. Développée depuis l’automne 2016 en partenariat avec le développeur de logiciels Avaloq, elle place l’entité luxembourgeoise sur le même pied que les entités déjà équipées de ce système en Suisse, à Singapour, au Moyen-Orient et au Royaume-Uni.

Désormais à la pointe de la technologie, la division wealth management de Deutsche Bank Luxembourg peut voir plus loin. «Elle doit devenir le centre de compétences européen pour le groupe», confirme Frank Krings. Confronté à une inflation des coûts qu’il cherche à résorber, le géant bancaire allemand cherche à rationaliser ses activités. Au niveau de la division grand-ducale, cette stratégie se marquera en premier lieu par l’intégration des activités de gestion de patrimoine de Deutsche Bank Autriche dans les mois qui viennent. «Notre nouvelle plateforme informatique permet de tels rapprochements, explique M. Krings. Je suis convaincu qu’il y en aura d’autres à l’avenir.»

Beaucoup de ces sociétés veulent développer leurs activités holding et de trésorerie au Grand-Duché.

Frank Krings, CEO de Deutsche Bank au Luxembourg

Actuellement, la division wealth management basée au Kirchberg gère déjà les activités pour les pays nordiques, la France et les Pays-Bas. Pour rester dans le domaine de la gestion de fortune, le CEO de Deutsche Bank Luxembourg explique aussi avoir obtenu un supplément de fonds propres de l’ordre de 6 milliards d’euros de la maison mère. «Grâce à cela, nous pourrons développer les prêts de financement à long terme pour nos clients fortunés, pour lesquels il existe une demande très forte en dehors de l’Union européenne.»

Dans le secteur du corporate banking, la division luxembourgeoise réfléchit à élargir son activité vers les multinationales. «Beaucoup de ces sociétés veulent développer leurs activités holding et de trésorerie au Grand-Duché, des fonctions qui ont besoin de supports pour lesquels nous pourrions les aider», réfléchit Frank Krings. Mais avant d’envisager le développement de nouvelles activités, cette année, il veut aussi mener à bien deux opérations de cession d’activités signées à l’automne 2017: le département Corporate services et domiciliation passe entre les mains de la société Vistra, spécialisée dans les services financiers, tandis que le département des Services aux fonds alternatifs glisse vers Apex. Ces transferts concernent une trentaine de personnes. À la fin de cette année, Deutsche Bank Luxembourg comptera donc environ 300 personnes contre 340 à fin 2017.