Étienne Schneider: «Le but de la Luxembourg Space Agency (LSA) sera différent de celui des autres agences spatiales nationales.» (Photo: Anthony Dehez)

Étienne Schneider: «Le but de la Luxembourg Space Agency (LSA) sera différent de celui des autres agences spatiales nationales.» (Photo: Anthony Dehez)

Monsieur Schneider, jusqu’à présent, la future agence spatiale était définie par ce qu’elle ne sera pas, à savoir un équivalent de la Nasa ou de l’Esa. Quelles seront ses missions précises?

«Cette création est d’abord la suite logique de tout ce qui a été fait depuis 2016 et le lancement de l’initiative Spaceresources.lu qui visait à développer le secteur du new space au Luxembourg. C’est-à-dire la mise en place d’un cadre légal pour attirer les investisseurs et les start-up, une offre de moyens pour la R&D dédiée à l’espace ou encore la création d’un master dédié à l’Uni qui vient compléter celui déjà existant en droit spatial. Une fois tous ces outils en place, nous avons désormais besoin de nous professionnaliser en intégrant tout cela dans une agence spatiale, soutenue par le Luxembourg Space Fund.

Quelles seront ses missions?

«Le but de la Luxembourg Space Agency (LSA) sera différent de celui des autres agences spatiales nationales, à savoir l’exploration de l’espace et le développement de la science, mais sera tourné vers le développement économique de l’espace et des activités liées au new space. Les missions seront donc d’utiliser les moyens qui ont été mis en place et d’accélérer la collaboration entre les acteurs-clés du secteur pour favoriser l’émergence d’entreprises innovantes.

Même l’Adem s’intéresse et coopère à ce projet.

Étienne Schneider, ministre de l’Économie

Et le fonds qui sera associé à cette agence sera présenté la semaine prochaine…

«Effectivement, les gestionnaires de ce fonds seront communiqués la semaine prochaine. Et dans deux semaines, nous présenterons encore trois nouvelles sociétés du secteur qui ont décidé de s’implanter au Luxembourg. Ce qui me pousse à dire que cette initiative porte vraiment ses fruits, le Luxembourg est vraiment devenu un acteur qui compte. C’est donc important d’avoir cette image professionnelle et d’avoir une agence et un fonds dédiés.

Quels sont les acteurs impliqués directement dans cette agence, qui voit officiellement le jour ce mercredi?

«Il y en a beaucoup, comme le Fonds national de la recherche, l’Université du Luxembourg, l’Institut de la propriété intellectuelle, Luxinnovation, mais aussi SES, le Technoport et la Chambre de commerce. Il y a même l’Adem… Il faut s’imaginer que cette administration, qui était difficile à bouger il y a quelques années encore, s’intéresse et coopère à ce projet pour aider à trouver le personnel nécessaire et à donner les formations indispensables pour pouvoir s’impliquer dans ce secteur. En tant que ministre de l’Économie, ce qui m’importe, c’est de créer un nouveau secteur qui donne des débouchés aux résidents luxembourgeois ou à ceux de la Grande Région, mais qui ne doit pas rester dépendant de l’étranger.

Nous avons toujours 150 entreprises et centres de recherche étrangers dans le pipeline.

Étienne Schneider, ministre de l’Économie

Quel sera l’organigramme de cette nouvelle entité?

«Je ne peux pas encore dévoiler le nom du CEO, mais il sera bien évidemment présent à la présentation officielle ce mercredi.

Et qu’en est-il des personnels nécessaires au fonctionnement de la LSA? Le chiffre d’une douzaine de recrutements depuis le début de l’année circule…

«Cet ordre de grandeur est effectivement correct, à l’heure actuelle, mais il faut continuer à recruter, car nous avons toujours 150 entreprises et centres de recherche étrangers dans le pipeline qui sont intéressés, soit par une coopération, soit par une implantation au Luxembourg. Nous avons donc besoin d’analystes financiers, de juristes, d’experts en matière spatiale, car l’idée reste encore et toujours d’attirer des sociétés qui apporteront une plus-value pour cette initiative et non des entreprises avec des idées farfelues qui ne cherchent qu’à bénéficier des fonds de recherche.

Être actionnaire de Planetary Resources nous a donné de la crédibilité.

Étienne Schneider, ministre de l’Économie

Qu’en est-il du budget alloué au fonctionnement de cette agence?

«Actuellement, il est issu du budget du ministère de l’Économie et, à l’avenir, il sera séparé. Pour le moment, dans le cadre de notre participation à l’agence spatiale européenne, nous avons un budget de quelque 30 millions d’euros. Ce budget sera donc à disposition de l’agence spatiale auxquels s’ajouteront les moyens nécessaires en provenance du ministère. Il est encore difficile d’en évaluer le montant précisément, cela dépendra des activités qui vont se développer. Je me permets juste de rappeler le crédit de 200 millions d’euros que nous avons obtenu pour le lancement de Spaceresources.lu dont seuls 40 millions ont été dépensés à ce jour.

Dont 13,7 millions engagés dans Planetary Resources, dont la santé financière n’est pas au meilleur à l’heure actuelle…

«Parmi les 40 millions d’euros dépensés figurent en effet les 13,7 millions injectés dans cette société. Des fonds qui appartiennent à la SNCI et non au ministère, ceci dit en passant. Mais cet investissement valait quand même le coup, car Planetary Resources est reconnue comme faisant partie des pionniers de ce secteur. En être actionnaire nous a fait une publicité à travers le monde et nous a donné de la crédibilité.

Des fonds privés dédiés au new space seront également lancés sur la Place.

Étienne Schneider, ministre de l’Économie

Quels seront les critères primordiaux pour pouvoir bénéficier du soutien de l’agence spatiale et de son fonds dédié?

«Tout d’abord que l’objet de la société candidate rentre dans les activités liées au new space et avoir un modèle économique viable via des engagements avec des acteurs reconnus, par exemple. L’idéal étant d’avoir une idée, un produit et le client potentiel pour pouvoir entamer les démarches de recherche de financement. Ce sera ce travail qui devra être effectué, avec le soutien notamment des membres du board de Spaceresources.lu qui bénéficient des réseaux et des connaissances nécessaires pour éviter de mauvaises surprises par la suite. Après, quand on se lance dans les start-up, comme ça a été le cas pour Planetary Resources, il existe toujours un risque.

Et quel sera le périmètre de ce futur fonds?

«Ce sera un partenariat privé-public dans lequel le gouvernement, via le ministère de l’Économie, prendra une participation comprise entre 30 et 40%, sur les 100 millions d’euros qui seront disponibles au début. Je peux aussi vous dire que depuis un certain temps, il existe des discussions avec des structures privées qui veulent s’installer ici pour créer des fonds dédiés au new space. Il n’y aura donc pas seulement sur la Place celui que nous allons lancer, mais d’autres initiatives privées également. Et ça, c’est une très bonne nouvelle.

Au vu de ces annonces, vous maintenez vos prévisions d’amener ce secteur de 2 à 5% du PIB au cours de la prochaine décennie?

«C’est faisable. À long terme, si nous jouons bien nos cartes et que nous continuons à avoir le courage d’investir dans ces activités, ce sera notre nouvelle place financière. Car il faut bien être conscient que les activités de la Place deviennent de plus en plus difficiles, avec de moins en moins de marge de manœuvre, d’opportunités et de bénéfices. Et donc la prochaine grande idée de nouveau pilier de l’économie sera l’espace qui est non seulement illimité, mais qui ne nécessite pas non plus de modèles fiscaux pour développer ce secteur. Ce qui nous laisse une longueur d’avance sur les autres pays, notamment européens, qui vont finir par se réveiller tôt ou tard. C’est l’avantage du ‘first mover’...»