Pascal Saint-Amans connaît très bien le Luxembourg et salue les changements survenus depuis l’arrivée «de Xavier Bettel et de son équipe». (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne Publishing SA/Archives)

Pascal Saint-Amans connaît très bien le Luxembourg et salue les changements survenus depuis l’arrivée «de Xavier Bettel et de son équipe». (Photo: Jan Hanrion/Maison Moderne Publishing SA/Archives)

Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’OCDE, était l’invité de nos collègues de Radio 100,7 ce jeudi matin. Avec à la clé une analyse très fine des prétendues révélations autour d’OpenLux.

Pascal Saint-Amans est le directeur du Centre de politique et d’administration fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) depuis février 2012. Cet expert en fiscalité internationale, et «invité du jour» de nos confrères de Radio 100,7,  et a naturellement une analyse aiguisée à livrer quant aux soubresauts provoqués par   

L’émission peut être écoutée.

Entre certains médias qui pointent le Luxembourg comme un paradis fiscal et un gouvernement qui s’en défend, mettant en avant ses nombreux efforts de transparence, qui croire? «Le gouvernement a raison de dire que tout a été fait pour se mettre en conformité avec les règles internationales qui ont beaucoup changé au cours des 10 dernières années. C’est en réalité, et je dois le reconnaître, depuis l’arrivée de (DP) et de son équipe que le Luxembourg a vraiment commencé à changer», avance Pascal Saint-Amans.

Avant de se montrer un peu pince-sans-rire: «Ce que montrent les journalistes du Monde, notamment, mais aussi d’autres journaux, qui ont travaillé sur le registre des bénéficiaires effectifs, c’est que le Luxembourg est une place financière, ce n’est pas une ‘breaking news’. Mais dans ce rôle-là, il est vrai que le Luxembourg offre des produits fiscaux compétitifs, notamment dans des domaines qui ne sont pas régulés internationalement. Ce qui peut refléter ce trouble ou cette confusion.»


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Un acteur-clé de l’évasion fiscale, alors? Que des personnes physiques utilisent des instruments ou structures de portage pour éventuellement aboutir à de l’optimalisation, oui, c’est vrai. Est-ce que cela pose un problème politique? Oui, sans doute encore, note Pascal Saint-Amans. Voilà pourquoi le travail se poursuit à l’OCDE pour un impôt minimum mondial «et que le Luxembourg soutient».

Il y a donc aussi un effet d’héritage, des structures établies depuis un certain temps au Luxembourg, mais qui ont perdu leur efficacité. Tandis que Pascal Saint-Amans souligne qu’il existe aussi des raisons de venir au Luxembourg qui sont non fiscales: stabilité politique, stabilité de la Place…

Il voit dans ces enquêtes un paradoxe, car «le RBE est public, il n’y a donc pas de révélations, c’est donc un peu regrettable, car le Luxembourg a été l’un des premiers à le mettre en place». Et souffre donc de cette volonté de transparence, «mais aussi de choses qui peuvent être sans doute plus contestables». Notamment au niveau des personnes physiques, en dehors de la fin du secret bancaire, «où des instruments favorisent la concurrence fiscale».

Il y a des progrès à faire, tous les pays doivent en faire, mais il y a des focus particuliers sur les pays qui ont une place financière comme le Luxembourg, car il y a une concentration de sociétés.
Pascal Saint-Amans

Pascal Saint-Amansdirecteur du Centre de politique et d’administration fiscalesOCDE

Mais les contrôles doivent-ils être renforcés, notamment en ce qui concerne ce RBE? «La réponse est oui, absolument», répond Pascal Saint-Amans. «Mais le contexte est que tous les pays, même parfois les grands pays un peu moralisateurs, en termes de RBE ont des problèmes importants. Je comprends parfois le sentiment luxembourgeois d’être la tête de Turc de la France ou d’autres pays, et d’en prendre plein la figure, y compris quand vous bougez dans la bonne direction. Mais les grands pays, en termes de bénéficiaires effectifs, ils ont manifestement des problèmes importants. Oui, il y a des progrès à faire et tous les pays doivent en faire, mais il y a des focus particuliers sur les pays qui ont une place financière comme le Luxembourg, car il y a une concentration de sociétés financières.»

140.000 sociétés pour 625.000 habitants, est-ce trop? «Je ne sais pas, je ne sais pas quantifier. Je pourrais vous dire que les 600.000 sociétés dans les îles Vierges britanniques pour 30.000 habitants, là c’est beaucoup trop… Mais le fait d’être une place financière et d’avoir une concentration de sociétés est-il problématique? Là je vous dis: oui et non. Tout dépend de ce que font ces sociétés et si elles aident des contribuables étrangers à limiter leurs charges fiscales. Dans ce dernier cas, il y a deux cas de figure: soit c’est légal, soit c’est illégal, et alors il y a un problème de gestion et de contrôle.»

En guise de conclusion, Pascal Saint-Amans rappelle que la concurrence fiscale entre les États n’est pas condamnable, «d’autant moins qu’il n’y a pas de règle juridique ou morale qui l’interdirait. (…) Mais comme les pays sont souverains en cette matière, ils doivent tenir compte de l’impact de leurs décisions sur leurs voisins. C’est une question de respect des autres, et même d’intérêt personnel.» Car cela peut se terminer «par une guerre fiscale ou commerciale», qui «in fine est au détriment de tout le monde. D’où l’importance d’avoir une coopération fiscale, qui n’est pas de l’harmonisation.» 

«Le Luxembourg a été tout seul pendant franchement très longtemps, sans s’occuper du reste du monde et, en réalité, en bénéficiant du reste du monde, et d’une façon assez toxique, mais, depuis l’arrivée de ce gouvernement, il y a un vrai changement d’approche et un vrai respect des partenaires», a conclu Pascal Saint-Amans.