À 72 ans, Ian Livingstone a été fait Knight Bachelor par la reine Elisabeth II la semaine dernière. Sir Livingstone, qui a eu du succès à chaque étape des jeux vidéo depuis 40 ans, s’est tourné vers le «metaverse», univers qui mélange réalité et virtuel. (Photo: Hiro Capital)

À 72 ans, Ian Livingstone a été fait Knight Bachelor par la reine Elisabeth II la semaine dernière. Sir Livingstone, qui a eu du succès à chaque étape des jeux vidéo depuis 40 ans, s’est tourné vers le «metaverse», univers qui mélange réalité et virtuel. (Photo: Hiro Capital)

Après avoir engrangé 4 milliards de dollars pour la vente de trois studios britanniques de jeux vidéo en 2021, Ian Livingstone – créateur des livres dont vous êtes le héros et «père» de Lara Croft – et ses associés posent un pied au Luxembourg pour investir dans le «metaverse».

«Sortir de sous une pile de livres, de règles, de tableaux, de scénarios, d’aides au jeu, de dés et de figurines m’a amené à réfléchir aux jeux de rôle du futur. Combien de temps avant que les scénarios de jeu de rôle soient introduits dans les ordinateurs personnels avec un affichage visuel capable [de produire] des effets holographiques? Imaginez: chacun des joueurs avec une manette regardant son personnage marcher dans un couloir sombre. Autour d’un virage, un groupe de gobelins vicieux dans de superbes couleurs 3D apparaissent à l’écran. Il n’y aurait pas de disputes sur qui se tient où ou sur le choix de l’adversaire alors que l’ordinateur pousse ses gobelins avec des haches se balançant à la tête de vos personnages. Les joueurs se crieraient dessus, la sueur coulant de leurs fronts inquiets alors que les doigts se crisperaient sur les contrôleurs manuels pour sauver la vie de leurs personnages.»

«Nous avons les jeux, nous aurons bientôt la technologie, espérons que nous serons là pour avoir la chance.»

Nous sommes en 1981. Dans White Dwarf, l’un des premiers fanzines de jeux qu’il a fondés, Ian Livingstone a 40 ans d’avance.

Il n’a pas encore lancé la collection qui le rendra célèbre. Les «Fighting Fantasy Gamebooks», premiers livres dont vous êtes le héros et leurs 400 paragraphes dans lesquels les lecteurs-joueurs se déplacent sur des coups de dé, ne sortiront que l’année suivante.

De créateur à investisseur à succès

Le Britannique à l’imagination extraordinaire et son associé, Steve Jackson, vendront la franchise — 20 millions de livres vendus — en 1991 pour 10 millions de livres sterling. Livingstone a 42 ans. Il s’ennuie. De temps à autre, il prête sa patte magique à un studio de jeux vidéo, Domark. «J’ai investi dans Domark pour financer le développement de leur cartouche. Je suis arrivé au mauvais moment: tout merdait».

Mais le destin le rattrape. Eidos Interactive rachète le studio et demande à Livingstone de s’occuper des acquisitions. Ni une, ni deux, il met Lara Croft–Tomb Raider sur orbite, puis Hitman et continue de participer au développement de l’industrie du jeu vidéo au Royaume-Uni, où il rédigera à la demande du ministre de la Culture, des Médias et des Sports, Ed Vaizey, .

Au centre… du jeu, le Britannique est de tous les coups et poursuit sa carrière d’investisseur, au côté de Luke Alvarez et de Cherry Freeman, dans Hiro Capital, un fonds d’investissement qui, depuis 2019, a établi ses sept premières structures au Luxembourg.

Le 21 décembre dernier, pour la première fois, le nom de Ian Livingstone apparaît au registre du commerce, dans Hiro Metaverse Acquisitions I.

Zuckerberg, ce copieur

L’homme vient de vivre une année incroyable: Epic a racheté Tonic Games pour plus d’un milliard de dollars, EA a englouti Playdemic (la société qui a créé Golf Clash, jeu sur smartphone téléchargé 80 millions de fois) pour 1,4 milliard de dollars, et Tencent a fini par payer 1,27 milliard de dollars pour mettre la main sur Sumo Digital. Début janvier, il a été fait Knight Bachelor par Elisabeth II pour sa contribution à l’industrie du jeu vidéo et rejoint Artur Conan Doyle, Alfred Hitchcock, Roger Moore, Elton John ou encore Lewis Hamilton ou Andy Murray.

Le trio n’a pas attendu Mark Zuckerberg pour comprendre que le «metaverse» serait — probablement — la prochaine évolution du Terrien – pardon du métahumain – qui évoluera dans un univers fusionné de la réalité et de la virtualité.

«À quoi ressemble un être humain heureux et en bonne santé, et comment passe-t-il son temps dans le futur ‘metaverse’ de 2040?», se demande M. Alvarez sur le blog de leur fonds d’investissement. «Une partie de son temps sera consacrée à jouer à des jeux en ligne multijoueurs, peut-être dans un affichage en réalité virtuelle ou en réalité augmentée immersive. Certains d’entre eux courront dans le parc à l’extérieur avec leurs amis, mesurant les pas, la démarche, la forme et le VO2max combinés avec des superpositions en réalité augmentée de monstres baveux sortant des arbres. Cela rendrait l’exercice encore plus amusant. Certains d’entre eux seront des enfants physiquement co-localisés, avec leurs grands-parents se téléportant dans leur salon en réalité augmentée, jouant tous ensemble à ‘Donjons et Dragons’ dans un mélange de cloud en réalité augmentée et d’hologrammes.»

L’avenir commencera dans le jeu vidéo

Si, selon le site internet d’Hiro Capital, le trio n’a investi que dans le studio allemand Keen Games (10 millions de dollars avec Tencent), dans le studio indien Loco (9 millions de dollars avec Krafton et d’autres investisseurs) et dans les américaines Twin Suns et FRVR (6,4 millions de dollars avec d’autres investisseurs), près d’une vingtaine de projets auraient profité de leur vision. 

«Nous sommes très, très tôt dans le ‘metaverse’, dans la réalité virtuelle et la réalité augmentée, dans le web 3.0 et dans la blockchain– cette évolution prendra au moins une décennie. Le ‘metaverse’ est une priorité pour nous en tant que fonds et nous sommes vraiment au début d’une décennie d’innovation et de croissance. Nous avons commencé par investir dans les studios de jeux car nous pensons qu’une grande partie de l’innovation se produira d’abord là-bas. Les jeux sont toujours la pointe des nouvelles technologies grand public», assure M. Alvarez… et Sir Livingstone, I presume.