Le chef de la fraction LSAP a organisé un point presse informel pour revenir sur une carrière bien remplie. (Photo: Paperjam)

Le chef de la fraction LSAP a organisé un point presse informel pour revenir sur une carrière bien remplie. (Photo: Paperjam)

Le chef de la fraction LSAP tire sa révérence après 35 ans de vie politique.

Ambiance festive ce vendredi matin au siège de la fraction. En haut du bâtiment quasiment vide,  régale pour son «dernier point presse en tant qu’homme politique». Café, gâteaux, quelques journalistes de son côté de la table pour une discussion plus informelle, et le marathonien socialiste revisite ses souvenirs.

C’est en 1984 que le jeune Alex Bodry, 26 ans, est élu à la Chambre des députés, profitant d’une «vague rose» qui porta à l’époque 21 élus du LSAP sur les bancs du Parlement. «On ressentait une vraie volonté des électeurs de voir de nouvelles têtes», se rappelle-t-il. «Finalement, durant toute ma carrière parlementaire, je n’aurai été que cinq ans dans l’opposition, je trouve cela chouette», sourit-il, s’estimant «chanceux». «Cela doit être difficile d’enchaîner une deuxième législature dans l’opposition», glisse-t-il, peut-être dans un élan de compassion envers ses collègues du CSV.

Bien élu, Alex Bodry entre au gouvernement à 30 ans pour y rester une décennie, d’abord en tant que ministre de l’Aménagement du territoire, des Communications et de l’Énergie (1989-1994), puis ministre de la Force publique, de l’Éducation physique et des Sports et de la Jeunesse (1994-1998), et enfin ministre de l’Aménagement du territoire, de la Force publique, de l’Environnement et de la Jeunesse (1998-1999).

«Des ressorts dont personne ne voulait», plaisante-t-il, lui qui aurait un jour souhaité le portefeuille de la Justice, assurant qu’il avait ensuite «refermé cette page» et exclu de redevenir ministre. Il a ainsi étrenné le premier ministère de l’Aménagement du territoire et piloté la première loi sur les économies d’énergie.

[En étant bourgmestre] on voit les résultats concrets plus rapidement qu’en politique nationale.
Alex Bodry

Alex Bodrydéputé LSAP

Redevenu simple député, Alex Bodry a ensuite brigué le poste de bourgmestre de Dudelange, dont il était conseiller communal depuis 1987. «Je me sentais un peu ministre», confie-t-il, «c’est bien de pouvoir faire bouger les choses et l’on voit les résultats concrets plus rapidement qu’en politique nationale.» À la Chambre, il reste abonné aux prestigieuses commissions juridiques, de la réforme constitutionnelle et des finances, s’interdisant de siéger dans celles dont il a exercé le ressort en tant que ministre «pour ne pas être amené à critiquer mon successeur et donner l’impression d’être un mauvais perdant».

Bourgmestre et président du LSAP durant une décennie, M. Bodry est revenu en première ligne au moment où les scandales éclaboussaient et le CSV, partenaire de coalition du LSAP. «Les affaires se multipliaient et lorsqu’il y a eu la dispute entre et le procureur général Robert Biever, il était évident qu’elle ne pouvait pas être glissée sous le tapis», relate-t-il.

L’affaire de la montre, dévoilant les dysfonctionnements d’un Service de renseignement de l’État luxembourgeois (Srel) hors du contrôle du Premier ministre Jean-Claude Juncker, a donné le coup de grâce au gouvernement Juncker-Asselborn II. «Cela a été éprouvant pour moi», souligne celui qui a présidé la commission d’enquête sur le Srel. «Surtout au niveau des relations personnelles, parce que j’étais devenu l’ennemi.» Toujours président du LSAP, il devait également gérer les relations dans la coalition.

Plusieurs anciens membres m’ont dit que c’était un travail qui allait me plaire.
Alex Bodry

Alex Bodrydéputé LSAP

L’occasion de défendre encore une fois la coalition DP-LSAP-Déi Gréng, formée à l’issue des élections législatives de 2013 alors que le CSV en était sorti, comme d’habitude, largement en tête. «La coalition est la suite logique d’une majorité qui n’est pas spontanée, mais qui s’est formée autour de l’enquête sur le Srel. Déjà avant l’affaire du Srel, le DP et Déi Gréng voulaient sortir du paradigme selon lequel leur seule perspective était de devenir partenaires de coalition du CSV.»

De sa vie politique, le sexagénaire ne garde pas de grands regrets, hormis peut-être une loi sur les sports qui a nécessité dix ans de travail pour finalement «perdre en force» sous la plume de son successeur. «Je n’ai jamais plaidé contre mon intime conviction. Cela m’est parfois arrivé de ne rien dire si je n’étais pas d’accord.» Une position qui lui «a permis d’avoir une certaine autorité en commission, même par rapport à l’opposition qui sait que je ne dis pas n’importe quoi et que je suis prêt à adopter des arguments opposés» s’ils sont fondés. «Il faut toujours parler avec l’opposition.»

Après 35 ans sur les bancs de la Chambre ou au gouvernement, Alex Bodry pointera désormais au Conseil d’État, où il prend la place laissée vacante par . «Ce n’était pas mon rêve, mais je suis content d’y entrer», déclare-t-il. «Plusieurs anciens membres m’ont dit que c’était un travail qui allait me plaire», aussi en raison de sa formation de juriste – il a pratiqué huit ans en tant qu’avocat. Une nouvelle vie loin des projecteurs et des micros, simplement sur un autre versant de la contribution à la conduite du pays.