La mode encaisse plus difficilement la crise que les commerces liés aux loisirs ou au sport.  (Crédit: Envato)

La mode encaisse plus difficilement la crise que les commerces liés aux loisirs ou au sport.  (Crédit: Envato)

Le secteur commercial ayant lui aussi été impacté par la crise du Covid-19, les retailers et les investisseurs professionnels attendent le retour à une consommation normale avant de lancer de nouveaux projets. Sur le long terme, il faudra en outre s’adapter à l’évolution profonde des mentalités.

La crise du Covid-19 a déjà causé des dégâts considérables dans la plupart des secteurs, mais ses effets vont continuer à se faire sentir pendant un certain temps. L’immobilier commercial est particulièrement concerné par ce constat, dans la mesure où son développement est intimement lié à la confiance des consommateurs. Or, celle-ci a été profondément ébranlée au niveau européen, constate Boris van Haare Heijmeijer, Head of EMEA Retail chez Cushman & Wakefield. «Tous les commerces ne résistent pas de la même façon à la crise. On constate notamment que les centres commerciaux souffrent plus que les centres-villes ou les retail parks. C’est avant tout psychologique: les consommateurs pensent qu’ils sont mieux protégés à l’extérieur que dans un endroit fermé. Et pourtant, dans un centre commercial, le bailleur a un bien meilleur contrôle sur l’ensemble de la chaîne de sécurité.»

La mode en souffrance

Au niveau des secteurs d’activité, la mode encaisse plus difficilement la crise que les commerces liés aux loisirs ou au sport. «C’est la peur d’être contaminé par un textile et le fait de devoir faire la file qui rendent la reprise délicate pour le secteur de la mode», poursuit Boris van Haare Heijmeijer. «Par contre, les magasins de décoration et, plus encore, ceux de sport réalisent des performances incroyables. Ce qui s’est passé avec les ventes de vélos, qui ont explosé en plein cœur de la crise, est absolument fou!»

De manière globale, il semble en réalité que les ventes réalisées aujourd’hui ne soient pas si catastrophiques qu’attendu. «Aujourd’hui, les commerces vendent en moyenne 75% de ce qu’ils vendaient avant la crise», précise Boris van Haare Heijmeijer. «Il y a un espoir de revenir à des chiffres d’affaires normaux au mois de septembre ou d’octobre.»

Quelle résilience pour le consommateur?

En attendant, les projets immobiliers des retailers ou des investisseurs professionnels sont en stand-by. «On sait que le consommateur est généralement assez résilient. On l’a constaté après le 11 septembre 2001, ou la dernière crise économique. Mais il faudra un signal clair de reprise économique pour que de nouveaux projets immobiliers se concrétisent. C’est particulièrement le cas pour les gros projets de centres commerciaux», estime Boris van Haare Heijmeijer. Au Luxembourg, où l’on a presque atteint la saturation commerciale, les investisseurs sont plus frileux encore à se lancer dans de nouveaux projets…

Si le grand vainqueur tout désigné de cette crise est évidemment l’e-commerce, d’autres tendances de fond devront, selon Boris van Haare Heijmeijer, être suivies de près par les grandes enseignes commerciales. «La consommation écoresponsable, notamment à travers l’achat en seconde main, est en plein développement. La grande distribution passe aujourd’hui à côté de cette manne, mais cela pourrait changer. En outre, avec la crise économique, l’intérêt pour les commerces à bas prix pourrait exploser. Les acteurs du secteur devront être particulièrement attentifs à ces changements.»

Aujourd’hui, les commerces vendent en moyenne 75% de ce qu’ils vendaient avant la crise.
Boris van Haare Heijmeijer

Boris van Haare HeijmeijerHead of EMEA RetailCushman and Wakefield

Quid du Luxembourg?

Virginie Chambon, Head of Retail Agency Luxembourg, fait le point. L’écosystème Retail luxembourgeois a toujours été particulier, composé d’enseignes historiques locales, de grandes maisons de renom internationales et de marques plus populaires. Certaines d’entre elles façonnent le paysage depuis plusieurs décennies maintenant et ont fortement contribué à l’émergence des principales «high streets», comme notamment la mythique rue Philippe II, haut lieu du shopping de luxe, dont la réputation a été amorcée par des précurseurs comme Hermès et Louis Vuitton dans les années 1990.

Quant aux «local heroes» historiques, multimarques, ils ont dû composer avec l’arrivée ces dernières années de grandes chaînes et groupes internationaux comme Inditex (Zara), H&M, Bestseller (Jack & Jones, Only…), apportant un vent de fraîcheur au commerce local. Certains se sont même éteints à la faveur de marques célèbres que la mondialisation a amenées à venir s’installer en direct pour conquérir ce marché porteur.

Le Grand-Duché plaît et séduit toujours autant, preuve en est avec l’arrivée toute récente d’enseignes réputées comme les Galeries Lafayette et la Fnac dans l’emblématique projet Royal-Hamilius, clairement attirées par le haut pouvoir d’achat des ménages et la croissance vertigineuse de la population luxembourgeoise. Ce qui n’a pas échappé non plus aux enseignes alimentaires (Auchan, Carrefour, Delhaize, Monoprix, Lidl, Aldi) qui elles aussi sont arrivées en masse sur le marché luxembourgeois ces dernières années, et constituent une rude concurrence au solide groupe Cactus, qui reste en tête des alimentaires.

Le marché du Retail a su évoluer au gré des besoins et grandes tendances de consommation.
Virginie Chambon

Virginie ChambonHead of Retail Agency LuxembourgCushman and Wakefield

Le marché du Retail a su évoluer au gré des besoins et grandes tendances de consommation. Après l’ouverture des premiers centres commerciaux La Belle Étoile et City Concorde en 1974, l’offre du pays s’est étoffée avec d’autres projets comme Belval, Auchan Kirchberg et Cloche d’Or, pour renforcer et compléter l’offre du centre-ville. Le Nord et le centre ne sont pas en reste, et se sont dotés eux aussi d’équipements commerciaux de taille avec les Knaufs centers, Massen, Topaze, Listo, leur offrant une autonomie commerciale honorable.

Enfin, le paysage commercial luxembourgeois a connu de nombreuses mutations, pour atteindre aujourd’hui un meilleur équilibre entre le centre-ville et la périphérie grâce à des positionnements différents.

La petite ville-capitale est donc devenue une place stratégique pour des retailers ambitieux et visionnaires, désireux de prendre eux aussi leur part de ce séduisant gâteau luxembourgeois. Et cela contribue aujourd’hui à assurer au Grand-Duché de Luxembourg une attractivité et une compétitivité indispensables pour limiter l’évasion commerciale vers l’Allemagne, la Belgique ou la France.

Quelles qu’aient été les crises et évolutions auxquelles le commerce a dû faire face ces dernières années, les attentats de 2001, la crise financière de 2008, ou la récente crise sanitaire, il est important de souligner que le Grand-Duché a toujours su faire preuve d’une bien meilleure résilience que ses pays voisins, et si la confiance des consommateurs se maintient, le 2e semestre 2020 pourrait apporter l’oxygène nécessaire aux commerçants les plus affectés ces derniers mois.

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