Isabelle Lentz: «Je fais en sorte de ne jamais avoir de regrets.» (Photo: Gaël Lesure)

Isabelle Lentz: «Je fais en sorte de ne jamais avoir de regrets.» (Photo: Gaël Lesure)

Représentante avec son frère Mathias de la nouvelle génération de la Brasserie Nationale, Isabelle Lentz marque de son empreinte la filiale de distribution Munhowen. Un challenge permanent pour celle qui combine le rôle de fille, de maman et tout simplement de femme active vivant avec son temps.

Vous êtes revenue dans le groupe familial en 2011, après un bachelor à l’école Hôtelière de Lausanne et une expérience dans l’hôtellerie en reprenant en 2007 le fonds de commerce de l’hôtel Le Châtelet en ville. Si c’était à refaire?

Isabelle Lentz. – «Je ferais un ‘copier-coller’ de ce parcours. J’ai toujours voulu travailler au service du client, et les grands hôtels me faisaient rêver. Cette reprise d’un fonds de commerce est une belle leçon de vie: travailler hyper dur pour payer les salaires des employés avant le mien. J’ai beaucoup de respect pour toute mon équipe, qui était souvent composée de mères de famille, souvent seules, qui travaillent dur pour payer leur loyer et nourrir leurs enfants. Entre-temps, j’ai eu deux enfants et j’ai appris à jongler entre la vie de famille et le travail à temps plein.

Quel est votre secret à cet égard?

«Je me suis fixé des priorités: le travail et la famille. J’ai donc choisi d’arrêter certaines activités connexes, comme la participation à des fédérations professionnelles. Ce n’est pas possible d’exceller dans tout.

Vous ne regrettez pas d’abandonner une partie de votre vie sociale?

«Non. Je fais en sorte de ne jamais avoir de regrets. Au Luxembourg, on se recroise souvent. Si j’ai besoin d’entrer en contact avec quelqu’un, je sais comment l’appeler. Et puis la situation évoluera probablement avec le temps…

Pour l’instant, nous sommes occupés à remettre notre système informatique à plat pour assurer un meilleur suivi de notre clientèle et optimiser les visites de nos commerciaux.
Isabelle Lentz

Isabelle Lentz responsable trade marketing horecaMunhowen

Les mères sont-elles plus enclines à délaisser les activités sociales que les pères de famille?

«Nous avons peut-être un côté inné de la famille. Quand je dépose mes enfants à l’école ou que je les laisse le matin, je ressens une certaine culpabilité. Mais il faut savoir vivre avec ce sentiment, car le travail fait partie de mon épanouissement. J’ai besoin de m’éclater au bureau, d’avoir des projets, d’avancer avec les équipes…

Comment peut-on évoluer en tant que femme dans un milieu qui reste très masculin comme celui du monde brassicole?

«Je suis maintenant très à l’aise, même si cela n’a pas été facile au début d’évoluer parmi tant d’hommes. Un jour, je me suis levée en me disant que cela ne pouvait pas continuer comme ça, que je devais accepter le contexte et avancer selon mon tempérament et mes valeurs. J’ai fait mon maximum et, depuis deux-trois ans, je vois que les choses fonctionnent bien avec l’équipe.

Entre tradition brassicole et adaptation au marché, comment gérez-vous le changement?

«Au niveau de Munhowen, j’ai la charge du département Horeca Luxembourg. Pour l’instant, nous sommes occupés à remettre notre système informatique à plat pour assurer un meilleur suivi de notre clientèle et optimiser les visites de nos commerciaux. Chacun compte un portefeuille de 300 clients, du club sportif au patron de restaurant ou de café. Cette diversité dans le portefeuille nécessite un outil adapté pour son suivi.

Comment faire son choix dans une jungle d’outils informatiques variés?

«Nous avons recours à un consultant externe qui nous aide à faire notre choix, sur base de nos besoins, pour construire une plate-forme qui fasse du sens.

On se rend compte que l’équipe est extrêmement motivée et que le changement renforce la cohésion entre collègues.
Isabelle Lentz

Isabelle Lentz responsable trade marketing horecaMunhowen

Avec d’éventuels changements en cascade?

«On se rend compte que l’équipe est extrêmement motivée et que le changement renforce la cohésion entre collègues. Nos collaborateurs, dont la plupart comptent plus de dix ans d’ancienneté, accueillent positivement ce changement, car nous les considérons comme des leaders de leur portefeuille. Nous avons choisi d’en faire, dès l’année prochaine, des entrepreneurs internes. Ils fixeront eux-mêmes leur objectif annuel, qui doit bien entendu correspondre à nos ambitions.

C’est un changement important vis-à-vis de ‘top-down’ de définition des objectifs. Cela sera couplé à la mise en place du nouvel outil informatique qui nous permettra de répondre au mieux aux exigences de nos clients et d’assurer un meilleur suivi de ces rencontres.

Quel est le point de départ de votre réflexion?

«Au niveau de la direction, nous recevions des rapports hebdomadaires des délégués, mais il nous manquait une vision affinée de leurs démarches, des retours des clients… L’outil informatique nous servira aussi à introduire de nouveaux produits et connaître le retour du terrain.

Comment sentez-vous le moral des chefs d’entreprise qui sont vos clients?

«Le baromètre qui m’est fourni par l’intermédiaire de mes délégués et de mes contacts directs est plutôt positif. Je remarque néanmoins que les restaurateurs éprouvent des difficultés à trouver des gens compétents pour travailler dans ce secteur, qui est, du reste, plutôt sain. Il ne faut pas oublier que le secteur de l’horeca au Luxembourg emploie près de 20.000 personnes.

Nous devons continuellement nous réinventer pour donner envie à nos clients de venir se divertir dans les établissements horeca.
Isabelle Lentz

Isabelle Lentz responsable trade marketing horecaMunhowen

Qu’est-ce à dire?

«Le marché est stable, nous travaillons avec un grand nombre de clients depuis cinq, voire dix ans, sans connaître un grand nombre de faillites et de réouvertures.

Qui sont vos véritables concurrents?

«Nos véritables concurrents sont EasyJet, les voyages à l’autre bout du monde ou encore les GSM! Nos clients partent de plus en plus en vacances, économisent pour un nouveau GSM et, donc, dépensent moins pour aller se divertir au Luxembourg. Nous devons continuellement nous réinventer pour donner envie à nos clients de venir se divertir dans les établissements horeca.

L’alimentation saine est en vogue, les boissons également. Quelles sont les répercussions sur votre marché?

«Le ‘sans alcool’ est en plein boom. Moins de sucre, plus d’eau. Les gens font attention à leur santé, à l’origine des produits. Quant aux boissons alcoolisées, je sens un changement vers de la demande pour davantage de produits plus haut de gamme. Les gens sortent ou consomment peut-être moins, mais veulent profiter de bons produits, ce qui nous pousse à adapter notre gamme et à former les délégués en conséquence.

Quel conseil pourriez-vous donner à une femme qui accède à des fonctions managériales?

«Il ne faut pas s’attendre à recevoir de cadeaux. Je lui dirais aussi qu’il faut rester soi-même et que le temps fait plutôt bien les choses, si on reste à sa place et que l’on donne le meilleur de soi-même en travaillant beaucoup. Du reste, la vie en dehors du travail compte pour l’équilibre général. C’est un cheminement de petits événements qui ont fait la personne que je suis aujourd’hui. Je considère ma carrière comme un apprentissage permanent.»

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