Isabelle Lentz: «Nous avons beaucoup de chance de vivre ici, dans un pays où l’économie se porte encore assez bien.» (Photo: Gaël Lesure)

Isabelle Lentz: «Nous avons beaucoup de chance de vivre ici, dans un pays où l’économie se porte encore assez bien.» (Photo: Gaël Lesure)

Représentante avec son frère Mathias de la nouvelle génération de la Brasserie Nationale, Isabelle Lentz marque de son empreinte la filiale de distribution Munhowen. Un challenge permanent pour celle qui combine le rôle de fille, de maman et tout simplement de femme active vivant avec son temps.

Retrouvez la première partie de ce grand entretien .

Avez-vous des relations père/fille au travail avec votre papa, ou de grand patron à manager?

Isabelle Lentz. – «Nous avons une relation père/fille, d’autant qu’il n’est pas mon responsable direct: c’est , directeur général, qui nous fait bénéficier de son expérience acquise auprès du géant AB InBev. Il apporte notamment un regard ‘extérieur’ précieux pour l’introduction de nouveaux produits, qui se sont révélés porteurs, comme la gamme Battin, mais aussi le démarchage en France et en Belgique.

Et avec votre frère Mathias qui se charge du marché français?

«Au bureau, c’est un collègue, mais nous restons avant tout frère et sœur. Je serai toujours sa grande sœur [sic]. Un jour, nous allons reprendre l’entreprise familiale à deux, donc il est très important pour moi d’avoir ce respect mutuel. Mon frère excelle dans des domaines où moi, je n’y arriverais pas, et vice-versa! Ensemble, nous formons l’équipe parfaite!

Quand ça ne va pas, vous appelez qui?

«Mon mari. C’est délicat d’avoir un mentor quand on travaille dans une entreprise familiale, tant l’émotionnel est indissociable du travail. J’appelle donc mon mari dès que j’ai une question, que je veux lui faire partager un doute… Il est toujours de bon conseil.

Être «la fille de», c’est difficile?

«C’est une étiquette difficile à porter. Certains peuvent jouer avec, elle apporte une forme de respect en interne, mais il faut arriver à la porter.

Je me vois rester au sein de l’entreprise familiale dans les prochaines années.
Isabelle Lentz

Isabelle Lentzresponsable trade marketing horecaMunhowen

La prochaine étape, c’est la reprise de la direction de l’entreprise?

«Rien n’est encore écrit, on verra. Ce sont des questions de gouvernance familiale. En tout cas, je me vois rester au sein de l’entreprise familiale dans les prochaines années. J’ai toujours dit que si j’avais des soucis avec mes enfants, je reverrais mon organisation. Mais ce n’est pas à l’ordre du jour!

À 26 ans, vous avez passé une année éloignée des vôtres au Cambodge pour travailler dans la décharge de la capitale, Phnom Penh. Que retenez-vous de cette expérience?

«L’ONG dans laquelle je travaillais avait deux missions: nourrir les enfants des 500 familles qui vivaient du tri des déchets et éduquer ces enfants, près de 8.000. C’est une de mes plus belles expériences. Je me suis rendu compte que la famille était quelque chose d’important. Vivre éloigné de sa famille est beaucoup plus douloureux que je ne le pensais. J’en retiens aussi qu’on peut vivre et être heureux avec rien ou pas grand-chose.

On est trop matérialistes au Luxembourg?

«On accorde beaucoup d’importance à des objets. Certains sont remplis d’émotions ou de souvenirs mais, d’une manière générale, nous restons beaucoup attachés à des objets.

Le pays continue de bien se porter, la consommation est au beau fixe… Le danger est-il de se croire dans une bulle?

«Le pays évolue, et plutôt bien. Regardez la construction du tram en ville, les investissements dans l’éducation… Nous avons beaucoup de chance de vivre ici, dans un pays où l’économie se porte encore assez bien. Mais il revient à chacun, à son propre niveau, d’aller voir ailleurs ce qui se passe pour se remettre en question et continuer à participer à l’effort collectif.

Force est de constater que le problème environnemental ne rime pas avec notre système économique.
Isabelle Lentz

Isabelle Lentzresponsable trade marketing horecaMunhowen

Comment percevez-vous le débat sur la «croissance» du pays et ses effets collatéraux? Certains partis politiques voudraient contrôler cette croissance…

«Quand j’entends ce débat, je raisonne plutôt en termes d’opportunités et de défis. Je pense notamment au fait que notre population est vieillissante, ce qui signifiera investir dans des infrastructures capables d’accueillir les personnes âgées. La démographie va aussi entraîner des départs à la retraite plus tardifs, ce qui pourra créer des soucis dans l’accès des plus jeunes aux emplois. Se pose aussi la question de la soutenabilité du système des retraites, même pour ma génération.

La question de la place et de l’usage de la langue luxembourgeoise, notamment dans les commerces, reste dans le débat public. Un vrai ou un faux débat?

«C’est important de cultiver notre langue luxembourgeoise, car elle fait partie de notre patrimoine. Nous devons la préserver. Je suis aussi consciente que le luxembourgeois est une langue difficile, qu’il est compliqué pour les personnes qui ne l’ont pas apprise à l’école de l’intégrer. L’usage des langues dans les commerces doit se faire de façon pragmatique… Mais quelques petits mots adressés dans la langue du client peuvent parfois améliorer la relation.

Les jeunes descendent dans la rue pour tenter de sauver la planète… Les entendez-vous?

«J’ai acheté ma brosse à dents en bambou! Je trie mes déchets minutieusement, je ne consomme plus d’eau en bouteille, j’amène mon fils à pied à l’école… Mais je consomme comme tout le monde et je reste impressionnée par les tonnes de plastique que nous utilisons ou qui sont utilisées pour emballer ce que nous achetons. Force est de constater que le problème environnemental ne rime pas avec notre système économique. Pour changer les choses, il faudrait changer de modèle économique, mais je ne pense pas que cela soit envisagé.»