Guy Kirsch est un boucher engagé, convaincu que son métier peut rimer avec un grand respect de l’animal. (Photo: Kirsch le Boucher / Graphisterie Générale)

Guy Kirsch est un boucher engagé, convaincu que son métier peut rimer avec un grand respect de l’animal. (Photo: Kirsch le Boucher / Graphisterie Générale)

Artisan à la stature imposante et couvert de tatouages, Guy Kirsch fait partie des incontournables de la boucherie luxembourgeoise. Entre respect de l’animal, tradition et vision à long terme, il a su tirer son épingle du jeu.

Quel est le parcours du boucher le plus tatoué de Luxembourg?

Guy Kirsch. – «Je n’ai pas toujours été tatoué, mais je crois avoir toujours été boucher... Je viens de la Moselle luxembourgeoise, d’un milieu modeste. Tout petit, je passais mon temps à courir dans les champs et les fermes voisines, où j’ai appris à connaître et à aimer les animaux, de la naissance à l’abattage. C’est un cycle qui m’a toujours semblé naturel. Je n’avais pas d’autre idole que le boucher du village voisin, que je regardais travailler... J’ai été abatteur avant d’être boucher, et j’ai tué ma première bête alors que mes copains étaient encore sur les bancs de l’école. Ça peut sembler choquant aujourd’hui, mais je tiens à être sincère: tu ne peux pas être un bon boucher si tu ignores ce qui se passe avant de travailler ta matière première. Ensuite, j’ai effectué une formation de boucher-charcutier, en faisant mon apprentissage et en décrochant mon premier emploi chez le boucher Kaiffer, au cœur de la ville de Luxembourg, qui m’a appris les gestes de l’artisan-boucher. J’ai ouvert mes deux premières boucheries-charcuteries la même année, puis une troisième... Nous devions ouvrir notre huitième boucherie à Steinfort cette année, en collaboration avec le Pall Center. Mais le Covid-19 est passé par là... 

Quelle est la «patte» Guy Kirsch, et quelles sont les valeurs de votre entreprise?

«La simplicité, l’amour du travail bien fait et le respect. Ce sont des valeurs qui sont à la base de tout ce que j’entreprends. J’ai une vraie admiration pour le savoir-faire des anciens, de qui j’ai beaucoup appris. J’éprouve aussi un profond respect pour les animaux, ce qui peut sembler complètement paradoxal, voire même injurieux pour tout défenseur de la cause animale. Et pourtant, c’est ma façon de faire. Je suis très proche des éleveurs, ce qui me permet de suivre l’alimentation de leurs bêtes et la façon dont elles sont traitées. L’abattage est toujours une étape primordiale: les animaux sont transportés à l’abattoir sans subir de longs trajets (l’avantage du circuit court luxembourgeois), ils ont à manger et à boire, et sont exécutés sans attente, afin de leur éviter tout stress inutile. Je ne connais pas d’autre méthode pour servir de la viande de bonne qualité. C’est pour cela aussi que je fais ce métier. 

Vous avez effectué un démarrage en trombe avec le restaurant Bestial, à Grass. Comment se portait-il avant le confinement?

«Il se portait très bien! Le restaurant a été pris d’assaut dès son ouverture et n’a jamais désempli. Avec l’équipe Bestial, nous avons corrigé les erreurs commises au démarrage, et nous avons réussi à faire connaître la formule un peu particulière du restaurant: petit-déjeuner le matin, buffet le midi, à la carte le soir, et brunch le dimanche. Ce qui attire une clientèle très différente, selon les moments de la journée. Le but pour moi est de faire connaître à tout le monde ma viande de qualité, sans chichis, et les bons petits plats du terroir luxembourgeois. 

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur votre activité en général? Que proposez-vous encore au public?

«L’impact est très lourd. Vous savez que nous avons investi dans notre site d’exploitation à Grass, qui était opérationnel depuis quelques mois quand cette crise inédite est arrivée. C’est un choc important, auquel nous essayons de faire face avec courage et espoir de reprise. Du côté de Kirsch le Boucher, nous fonctionnons ‘normalement’ car l’activité n’a pas été brutalement stoppée, mais l’impact se fait sentir avec l’arrêt des restaurants que nous fournissons. Notre département traiteur est touché de plein fouet: les crèches et les écoles que nous approvisionnons d’habitude sont fermées. Toutes les fêtes de village auxquelles nous sommes régulièrement associés sont annulées sans report possible. . C’est donc 100% d’inactivité pour ce département, qui souffre fortement de la situation. Du côté de nos restaurants, Aal Schoul, à Hobscheid, est fermé. Bestial, par contre, propose une carte de plats à emporter ou à se faire livrer, avec des menus pour le dimanche et les occasions spéciales. Notre volonté est de continuer à servir nos clients et de permettre à nos employés de travailler, même en partie. Nous ne pouvons pas nous permettre de baisser les bras! 

Quel serait votre projet de collaboration de rêve?

«J’adore les tables étoilées et les découvertes culinaires... Mais si je devais aujourd’hui rêver d’une collaboration, ce ne serait pas avec quelqu’un de célèbre. Plutôt avec un fermier local avec lequel je pourrais faire l’élevage et l’abattage de façon autonome. Bœuf, porc, poulet, agneau... Je proposerais la viande et les charcuteries d’après ce que la petite ferme pourrait produire. Ni plus ni moins. Un retour aux sources, tout simplement!»

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