Roman Abramovich, ici en compagnie d’Oleg Deripaska, en 2006, lors d’une réunion des oligarques russes avec Vladimir Poutine, se défend d’être celui qui, le premier, l’a introduit auprès de Boris Eltsine. (Photo: Shutterstock)

Roman Abramovich, ici en compagnie d’Oleg Deripaska, en 2006, lors d’une réunion des oligarques russes avec Vladimir Poutine, se défend d’être celui qui, le premier, l’a introduit auprès de Boris Eltsine. (Photo: Shutterstock)

L’Union européenne a actualisé sa liste de sanctions contre la Russie, sans y intégrer le géant russe basé à Londres, Evraz. Après avoir confisqué le jet d’Eugene Shvidler mercredi, les Britanniques ajoutent Roman Abramovich à leur liste de sanctions.

(Article modifié ce jeudi à midi avec l’annonce par le gouvernement britannique des sanctions contre Roman Abramovich)

À quelques heures de l’officialisation, par l’Union européenne, de sa nouvelle liste de sanctions, le groupe sidérurgique russe Evraz, dont la branche luxembourgeoise est consolidée à Londres auprès d’Evraz plc, avait indiqué aux hommes politiques européens la marche à suivre.

«La société ne se considère pas comme une entité détenue par, ou agissant au nom ou sous la direction de toute personne liée à la Russie, et donc visée par une telle législation. En ce qui concerne certains actionnaires de la société (à savoir, Roman Abramovich, Alexander Abramov et Alexander Frolov), la société ne peut pas être certaine que ces personnes sont ‘liées à la Russie’ aux fins du paragraphe 16 (4D) du règlement, mais a atteint l’opinion ci-dessus sur la base des informations qui lui ont été fournies précédemment. Néanmoins, la société peut confirmer qu’elle n’a accordé aucun prêt ou crédit à ces personnes après 00h01 le 1er mars 2022 ni traité directement ou indirectement une valeur mobilière ou un instrument du marché monétaire émis après 00h01 le 1er mars 2022. Et la société n’a émis aucune valeur mobilière ou instrument du marché monétaire depuis 00h01 le 1er mars 2022», explique un communiqué, sobrement intitulé .

La structure luxembourgeoise est loin d’être une structure annexe de cet empire, comme en témoigne l’inscription sur les comptes de 2019 vérifiés par EY des 8,1 milliards d’euros liés à la vente de NTMK… qui ont valu un dividende de plus de 7 milliards aux actionnaires.

13 milliards de dollars contre Sibneft

Si le propriétaire du club de football de Chelsea n’est pas dans le conseil d’administration, il est le principal bénéficiaire économique de cette société tentaculaire, qui emploie plus de 70.000 personnes, avec 28,64% des parts, loin devant Alexander Abramov (19,32%) et Alexander Frolov (9,65%).

Il existe de nombreux témoignages qui montrent les liens qui unissent Abramovich à Poutine. Comme la légende qui voudrait qu’il soit le premier à avoir présenté le président russe à Boris Eltsine à la vente de Sibneft à Gazprom pour 13 milliards de dollars, .

Fin février,  en citant un document confidentiel de 2019 qui illustrait aussi cette version, que le principal intéressé réfute avec l’énergie de ses milliards.

Ce jeudi, les autorités britanniques l’ont donc ajouté à leur liste des personnes sanctionnées.

Un jet saisi dès l’annonce de nouvelles mesures

Si les autorités britanniques n’ont pas vraiment agi contre «ces personnes de niveau 1», contrairement à ce qu’elles avaient promis, elles ont changé de ton, ce mercredi matin, en annonçant la saisie d’un jet appartenant à un Russe.

Selon des indiscrétions à des journalistes britanniques, il s’agit du Bombardier BD700-1A10 Global Express, immatriculé au Luxembourg (LUX-FLY), opéré par Global Jet et qui appartiendrait à la société Brooker Holdings Limited. Le ministère britannique des Affaires étrangères n’a pas souhaité commenter davantage.

Toute la difficulté consiste à s’assurer que le bénéficiaire ultime du jet est bien russe.

Ce mercredi, en amont de l’actualisation européenne, . «Nous avons renforcé l’interdiction actuelle de survol et d’atterrissage des avions russes, en élaborant aujourd’hui une nouvelle législation pour ériger en infraction pénale tout avion russe volant ou atterrissant au Royaume-Uni», a commenté la secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Liz Truss. «L’interdiction comprend tout aéronef détenu, exploité ou affrété par toute personne liée à la Russie ou par des personnes ou entités désignées, et comprendra le pouvoir de détenir tout aéronef appartenant à des personnes liées à la Russie. Les nouveaux pouvoirs permettront également au gouvernement de retirer les aéronefs appartenant à des personnes et entités russes désignées du registre des aéronefs du Royaume-Uni.»

«Interdire les avions battant pavillon russe du Royaume-Uni et en faire une infraction pénale pour les faire voler infligera plus de souffrances économiques à la Russie et aux proches du Kremlin», a-t-elle assuré.

«Poutine doit échouer et nous avons donc été l’un des premiers pays à interdire les avions russes, et aujourd’hui, nous allons encore plus loin en érigeant en infraction pénale le fait que des avions russes opèrent dans l’espace aérien britannique», a renchéri le secrétaire d’État aux Transports, Grant Shapps.

Interrogée par un journaliste au Luxembourg, dès le 2 mars, pour montrer que trois des cinq jets appartenant à des Russes de premier plan et immatriculés au Luxembourg (trois pour Abramovich, un pour Alisher Usmanov et un pour Eugene Shvidler) avaient volé… mais pas du Luxembourg ni vers le Luxembourg ou dans l’Union européenne. Sous-entendu que les autorités luxembourgeoises n’avaient rien à se reprocher.

Les avions des milliardaires russes ont beaucoup bougé ces derniers jours, comme en témoigne le fil d’un jeune Américain de 19 ans, Jack Sweeney, qui a étendu son suivi du jet d’Elon Musk à celui des oligarques sur le compte Twitter appelé «Russian Oligarch Jets». Il serait intéressant, un de ces jours, d’entendre la Commission nationale pour la protection des données, sur ce genre d’initiatives.