Gazprombank, qui emploie 100 personnes à Luxembourg, serait épargnée par le nouveau train de sanctions européennes. Par peur des représailles en matière de livraison de gaz en Allemagne. (Photo: Shutterstock)

Gazprombank, qui emploie 100 personnes à Luxembourg, serait épargnée par le nouveau train de sanctions européennes. Par peur des représailles en matière de livraison de gaz en Allemagne. (Photo: Shutterstock)

Déjà épargnée par les sanctions européennes en 2014, Gazprombank ne sera pas débranchée du système Swift. La banque russe, sous licence luxembourgeoise depuis 2013, coche toutes les cases… mais l’Allemagne redoute la fin des livraisons de gaz.

Les sanctions internationales ne sont pas à géométrie variable, mais à géopolitique variable: extrêmement dépendante du gaz russe pour se chauffer (59,2 milliards de mètres cubes ont été transportés par Nord Stream 1 l’an dernier), l’Allemagne a traîné des pieds pour ajouter la luxembourgeoise Gazprombank à la liste des sept banques sanctionnées par l’Union européenne.

Le paradoxe est que les deux gazoducs de la Russie vers l’Allemagne ne sont pas liés à la banque luxembourgeoise, mais à sa «sœur» suisse, qui rapporte directement à Moscou. Nord Stream 2, basé à Zoug et dont le président du conseil d’administration est l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, a d’ailleurs été mis en faillite à la suite des sanctions, sans que l’on sache ce qu’il adviendra du gazoduc de plus de 1.000 kilomètres qui a coûté 11 milliards de dollars, mais qui n’était pas en service.

Mardi après-midi, au Bundestag, les Verts allemands s’en sont émus, mais ils sont bien les seuls. Jusqu’à aujourd’hui en tout cas, puisque le CSV compte demander à la ministre des Finances, (DP), et à la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) de s’expliquer, non pas sur le fait que la banque de Gazprom ne soit pas dans la liste des sanctions, mais qu’elle puisse avoir obtenu, et détienne toujours aujourd’hui, une licence bancaire luxembourgeoise alors que ses bénéficiaires ultimes font grincer des dents…

La banque russe, arrivée au Luxembourg fin 2013 sous GPB International et devenue en 2015 , est bien consciente de naviguer en eaux troubles. Si elle n’a plus publié de comptes en 2019, 2020 ni 2021, au registre du commerce, elle expliquait dans son rapport annuel de 2018, revu par KPMG, considérer qu’elle est «une entité au titre des sanctions américaines» de 2014, mais pas au titre des sanctions européennes. «La banque est une institution bancaire européenne, et, à ce titre, doit respecter pleinement les sanctions européennes», dont elle est exclue. L’entreprise, qui emploie une centaine de personnes au Luxembourg, y explique aussi maintenir un dialogue permanent avec la CSSF pour assurer le niveau de risque suffisant à l’évolution des sanctions. La CSSF ayant procédé à deux contrôles cette année-là. 

Les sanctions ne semblent pas tellement perturber son développement. Dans ce même bilan 2018, elle évoque l’ouverture de 60 nouveaux comptes pour des clients richissimes et une hausse de leurs dépôts de 45%, à 271,2 millions d’euros, ainsi qu’une légère hausse des dépôts à moyen et long termes à 115,5 millions d’euros, une hausse record des dépôts d’entreprises de 23%, à 1,2 milliard d’euros, et l’émission de cinq obligations pour des clients russes qui ont permis de lever 650 millions d’euros.

En 2020, dernier bilan disponible en ligne, 28 nouveaux comptes ont été créés, et leurs avoirs ont atteint 462 millions d’euros, la banque a fourni plus de 521 millions d’euros de crédit à 318 entreprises et 862 millions d’euros à des investisseurs institutionnels. .

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«Gazprombank, qui vient de fêter ses 30 ans, et où je travaille depuis 2008, est maintenant une banque universelle, la troisième en Russie», expliquait d’ailleurs son directeur général d’alors, Sergey Belousov, dans une interview publiée dans . «Les gens nous considèrent parfois comme une banque au service de Gazprom uniquement. Notre colonne vertébrale est la banque d’entreprise grâce à des stratégies de partenariat avec le groupe Gazprom. En tant qu’institution financière universelle, la banque fournit des services à d’autres secteurs importants de l’économie russe – nucléaire, chimique et pétrochimique, ferreux et non ferreux métallurgiques, ingénierie et travail des métaux, transport, construction, communications, agriculture, etc. En même temps, la banque est le leader absolu du nombre de clients et du volume de portefeuilles dans plusieurs types d’industries. De plus, nous sommes actifs dans l’investissement, la banque et la banque de détail. La banque met en place une stratégie de développement de la banque de détail, en augmentant son efficacité grâce à la digitalisation active des clés processus, ainsi que la synergie avec les services bancaires aux entreprises.»

Le 1er juillet dernier, la banque russe avait même intégré – mis sur pied par le gouvernement (ministère des Finances, des Affaires étrangères et européennes, et du Développement durable et des Infrastructures), l’Alfi, l’ABBL, l’ADA, la Banque européenne d’investissement, Luxembourg for Finance et la Bourse de Luxembourg.

Depuis, la «Meilleure équipe de vente sur le marché des obligations» pour la cinquième année consécutive lors des Cbonds Awards 2021 a permis de mobiliser 700 millions de dollars pour l’ouzbek Uzbekneftegaz, 2,3 milliards de dollars pour Lukoil, ou encore 650 millions de dollars pour Metalloinvest.

Selon le Handelszeitung, la Gazprombank suisse, qui n’a rien à voir avec la structure luxembourgeoise, fait l’objet d’enquêtes du Parquet suisse, à la suite des révélations des Panama Papers, pour avoir manqué à ses devoirs en termes de lutte anti-blanchiment. Elle est réputée abriter des comptes de M. et Mme Poutine, ou encore de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ce qu’elle dément formellement.