Les premières coupures de gaz russe vers l’Europe contribuent à la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. (Photo: Shutterstock)

Les premières coupures de gaz russe vers l’Europe contribuent à la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. (Photo: Shutterstock)

L’envolée du dollar par rapport à l’euro met en faiblesse les entreprises importatrices européennes ayant leurs factures libellées en dollars. Une situation qui pourrait par contre accentuer le déficit américain à moyen terme.

Après avoir atteint un pic le 6 janvier dernier avec l’euro valant 1,2349 dollar, le cours de la devise européenne n’a cessé de chuter pour finalement tourner autour de 1,0560 ce 28 avril au matin. Il s’agit de son niveau de cours le plus bas en l’espace des cinq dernières années par rapport au billet vert.

Dans leurs analyses quotidiennes sur les marchés des devises, les analystes d’ING notaient, le 27 avril, l’essor de la valeur du billet vert, en partie, en raison de marchés mondiaux turbulents, favorisant un dollar soutenu: «Le thème du resserrement monétaire mondial et du ralentissement de la croissance a continué de résonner fortement sur les marchés.»

Le 28 avril, l’euro se trouvait à son niveau le plus bas en cinq ans par rapport au dollar. (Graphique: Koyfin)

Le 28 avril, l’euro se trouvait à son niveau le plus bas en cinq ans par rapport au dollar. (Graphique: Koyfin)

Proche d’un record depuis 2002

Les analystes d’ING estimaient en outre que «la force du dollar est là pour rester», «orientée à la hausse dans cet environnement de risque instable». Ils s’attendent même à de futures nouvelles prises de gains du dollar.

C’est par contre du côté de l’indice DXY, une version du dollar pondérée par les échanges commerciaux, que des sommets pourraient encore être atteints prochainement. Le 28 avril, ING mentionnait dans son analyse quotidienne que «certaines mesures du dollar pondérées par les échanges commerciaux sont maintenant proches des niveaux les plus élevés depuis 2002». Le 28 décembre 2002, le DXY était valorisé à 79,68 points.

Atteignant 103,24 points au matin du 28 avril 2022, le DXY se rapproche même du sommet qu’il avait connu en 2016 lorsqu’il s’élevait à 103,24 points.

Le 28 avril, l’indice DXY, le dollar pondéré par les échanges commerciaux, se trouvait proche d’un nouveau record depuis 2022. (Graphique: Koyfin)

Le 28 avril, l’indice DXY, le dollar pondéré par les échanges commerciaux, se trouvait proche d’un nouveau record depuis 2022. (Graphique: Koyfin)

L’effet des coupures de gaz russe

Pareille envolée de la monnaie américaine s’inscrit dans une perspective où la Réserve fédérale américaine (la Fed) semble amorcer un cycle de resserrement plus agressif cette année, en réponse à la montée du taux de l’inflation qui n’épargne pas les États-Unis. La guerre en Ukraine et ses répercussions macroéconomiques, comme brutale de gaz russe en Pologne et en Bulgarie, nuisent aux perspectives de croissance et aux devises européennes.

Pour sa part, Frank Vranken, chief investment officer chez Edmond de Rothschild (Europe) pour la branche luxembourgeoise et belge, déclare: «La faiblesse des chiffres de la consommation en Allemagne et en France, combinée aux retombées de l’armement énergétique de la Russie, a véritablement ébranlé l’euro.»

La faiblesse des chiffres de la consommation en Allemagne et en France, combinée aux retombées de l’armement énergétique de la Russie, a véritablement ébranlé l’euro.
Frank Vranken

Frank Vrankenchief investment officerEdmond de Rothschild (Europe)

Du côté asiatique, les estimations de croissance sont également en train d’être revues à la baisse, notamment en raison que subit l’économie chinoise suite à la mise en œuvre de la politique zéro Covid du gouvernement central de Pékin. La Chine et le Japon se trouvent d’ailleurs toujours en mode d’assouplissement monétaire.

Il n’y a en effet pas que l’euro qui subit les vents contraires macroéconomiques du moment. Le 28 avril, le taux de change entre le dollar et le yen japonais a franchi le niveau symbolique de 130. De ce fait, la relation dollar/yen a atteint un sommet sur 20 ans.

Une hausse de la volatilité

La force du dollar par rapport aux autres devises a un coût. «La volatilité des devises explose, ce qui se traduira par une volatilité des obligations et, finalement, des actions.» À noter que l’indice de volatilité, le CBOE VIX, bien qu’en légère baisse depuis le 26 avril, s’élevait à 66,43% le 28 avril au matin, contre 21,60% le 19 avril. «Les entreprises qui ont des factures à payer en dollars sont échaudées», interpelle Frank Vranken. Et il ajoute: «Celles qui en profitent sont celles qui ont leur base de coûts en euros ou en yens, mais qui recevront des dollars pour leurs ventes. Les exportateurs européens qui entrent dans cette catégorie seront gagnants.»

La volatilité des devises explose, ce qui se traduira par une volatilité des obligations et, finalement, des actions.
Frank Vranken

Frank Vrankenchief investment officerEdmond de Rothschild (Europe)

La question est maintenant: jusqu’où ira l’essor du dollar? Frank Vranken rappelle que «les stratèges de Bank of America prévoient des problèmes si l’indice DXY dépasse 105». De fait, il souligne également que «la force du dollar implique un environnement plus difficile pour les exportateurs américains». Une opinion confirmée par les analystes d’ING: «Le talon d’Achille de ce rallye du dollar est que le dollar fort et la forte demande intérieure creusent le déficit commercial.» Un scénario tout à fait plausible au regard du déficit commercial record de 125 milliards de dollars prévu pour le mois de mars aux États-Unis.

Dans un contexte de pertes militaires en Ukraine et de sanctions internationales, il aurait été facile de croire que le rouble soit l’un des perdants du moment sur le marché des devises. Pourtant, le 25 avril, le rouble dépassait les 77 euros, se hissant à un sommet depuis juin 2020. La devise russe s’est renforcée, notamment avec le revenu fiscal, de 3.000 milliards de roubles en provenance des entreprises, devant être encaissés d’ici la fin du mois d’avril.