Une avocate spécialisée invite à attaquer le règlement européen et à contester les infractions devant les tribunaux, tout en négociant avec les caisses de sécurité sociale. (Photo: Shutterstock)

Une avocate spécialisée invite à attaquer le règlement européen et à contester les infractions devant les tribunaux, tout en négociant avec les caisses de sécurité sociale. (Photo: Shutterstock)

Pour Me Anne Paul, spécialiste du droit européen de la logistique et du transport, il faut aller beaucoup plus loin que les négociations avec les caisses de sécurité sociale sur la désaffiliation des chauffeurs. L’État doit attaquer le règlement européen, et les transporteurs doivent contester chaque infraction devant un tribunal.

Le précédent ministre de l’Économie, (LSAP), avait préfacé son livre. Son successeur, (LSAP), attend le suivant, «Droit de la logistique, vers un droit innovant luxembourgeois», qui doit sortir sous peu et qui comprend notamment un volet sur le contrat type de conducteur.

Anne Paul, avocate férue de ces questions-là, appelle à aller bien plus loin qu’une négociation avec les caisses de sécurité sociale pour éviter que des conducteurs, sous contrat avec un transporteur luxembourgeois, se retrouvent désaffiliés parce qu’ils passent plus de 25% de leur temps dans leur pays de résidence.

Tenir compte de la taille du pays et de sa situation

«À mon sens», explique-t-elle, «l’État doit commencer par attaquer le règlement européen pour qu’il soit tenu compte de la taille du pays et de sa situation. Un transporteur luxembourgeois ne peut pas rester sur le marché luxembourgeois, il n’aurait aucune chance de survivre. Il doit donc, par nature, aller à l’international. Ce qui n’est pas forcément le cas de la France ou de l’Allemagne.»

Sans compter qu’il n’existe pas de réserve de salariés potentiels au Luxembourg et que les entreprises n’ont pas d’autre choix que d’aller recruter ailleurs.

L’avocate, inscrite au Barreau de Luxembourg depuis 10 ans, invite à se référer à la situation maltaise, où le gouvernement a introduit un recours le 23 octobre dernier devant la Cour de justice de l’Union européenne. «Le gouvernement maltais a deux arguments. L’obligation de rapatrier le véhicule a un impact environnemental et est disproportionnée puisqu’elle ne tient pas compte de la spécification de l’île de Malte, comme la période de carence, qui viole le principe d’égalité de traitement de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en méconnaissant, sans justification objective, les particularités d’un État membre insulaire et de son marché du transport de marchandises.»

Selon elle, le retour à l’établissement principal du conducteur est encore un plus gros problème que la désaffiliation après plus de 25% de son temps de travail passé dans son pays de résidence.

Les Français ou les Allemands n’ont aucun intérêt à accéder aux demandes luxembourgeoises!

Anne Paulavocate

«Négocier, c’est bien joli, mais que se passera-t-il si on échoue? Les Français ou les Allemands n’ont aucun intérêt à accéder aux demandes luxembourgeoises!», dit l’avocate, qui a l’oreille de la plupart des grands transporteurs luxembourgeois. «Outre un recours de l’État auprès de la CJUE, les transporteurs doivent contester les infractions auprès des tribunaux luxembourgeois pour amener le sujet à un niveau supérieur. Et amener ces derniers à se prononcer sur la discrimination des entreprises de ce pays par rapport à celles des grands pays frontaliers. De toute façon, les transporteurs n’ont pas le choix, sinon ils sont morts. J’en vois aussi quelques-uns qui envisagent sérieusement de monter des structures dans des pays comme la France. Ce qui se traduira, à terme, par la mort du secteur du transport de marchandises au Luxembourg.»

Est-ce que c’est ce que l’on veut, dans un pays où le secteur de la logistique est l’un de ceux repérés par les autorités comme un secteur d’avenir? 

«Et je veux aussi dire que le règlement européen n’est pas seulement négatif, il y a des aspects qui sont très bien pour les conducteurs, qui ne seront plus des esclaves modernes obligés de dormir dans leur cabine ou trop longtemps loin de chez eux. Mais il peut être amélioré.»