Pourquoi les négociations n’avancent-elles pas avec les pays voisins concernant l’affiliation à la Sécurité sociale des chauffeurs routiers? Le ministre de la Sécurité sociale répond. (Photo: MSS / archives)

Pourquoi les négociations n’avancent-elles pas avec les pays voisins concernant l’affiliation à la Sécurité sociale des chauffeurs routiers? Le ministre de la Sécurité sociale répond. (Photo: MSS / archives)

Syndicats et patronat s’impatientent de voir un accord transfrontalier trouvé pour que les chauffeurs routiers puissent dépasser le quota de 25% de leur temps de travail sur leur lieu de résidence sans désaffiliation de la Sécurité sociale luxembourgeoise. Romain Schneider assure avoir relancé ses voisins.

Voici plusieurs semaines, plusieurs chauffeurs routiers frontaliers ont reçu des . En cause: un règlement européen qui prévoit qu’un frontalier travaillant au Luxembourg, mais qui passe au moins 25% de son temps de travail dans son pays de résidence, doit s’affilier à la Sécurité sociale de son pays de résidence. Mis entre parenthèses pour le secteur du transport pendant 10 ans, et après une période de transition, il entre en application maintenant, sans qu’aucun accord n’ait été trouvé entre le Grand-Duché et ses voisins. Dans un communiqué de presse, , le ministre de la Sécurité sociale s’était expliqué et assurait vouloir reprendre les négociations avec ses voisins.

«Pour négocier, il faut demander la négociation», alors , directeur de la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC). «Lors du dernier entretien que nous avons eu il y a maintenant deux semaines, il s’est avéré qu’il n’y avait encore eu aucune réunion. Nous estimons qu’il est peut-être temps qu’il se bouge un peu.» Alors, que fait le ministre de la Sécurité sociale? Il répond à nos questions.

Où en sont, concrètement, les négociations? 

 (LSAP). – «Le Luxembourg a récemment réitéré son souhait d’avoir des échanges pour établir des accords, au moins pour le secteur du transport routier. La question est en cours d’évaluation auprès des autorités des différents pays. Étant donné que la problématique dépasse le seul cadre de la sécurité sociale (des questions se posent aussi au niveau des , ndlr), une concertation entre tous les ministères et services concernés est requise afin de ne pas déplacer la problématique sur d’autres domaines. Ces travaux sont encore en cours et dépendront aussi de la réponse des pays voisins.

Les premiers échanges en vue de l’élaboration d’un accord ou convention avec les pays limitrophes portant sur le secteur du transport routier ont déjà eu lieu il y a environ 11 ans, lors de l’entrée en vigueur des dispositions européennes en la matière. En effet, le Luxembourg avait à l’époque demandé à avoir des échanges pour conclure de tels accords afin de tenir compte de la situation spécifique du Luxembourg. Depuis lors, des échanges ont eu lieu à plusieurs niveaux, essentiellement entre les divers services et organismes compétents en la matière, pour entamer ces travaux. Toutefois, les pays limitrophes n’ont pas réservé une suite favorable à ces demandes, de sorte que des négociations officielles n’ont jamais pu être lancées.

Un gel du quota des 25% a pourtant été rapidement adopté pour les dès le début de la pandémie…

«Outre l’urgence sanitaire absolue, il s’agit d’une solution temporaire nécessaire pour limiter la propagation du Covid-19, alors que la question concernant le secteur du transport requiert une solution durable.

Pourquoi les précédentes négociations avaient-elles échoué?

«Les raisons précises du refus d’entamer des négociations en vue de conclure des accords par le passé ne sont pas connues. Suivant les informations disponibles, il n’y avait pas de volonté de la part de nos pays voisins de déroger de manière générale aux règles définies dans le règlement européen, pour toute une catégorie de travailleurs.

Quelle compensation financière le ministère serait-il prêt à accepter, dans de futures négociations, pour adapter le seuil des 25% aux transporteurs?

«Le Luxembourg n’a, au stade des nouveaux échanges, pas connaissance de revendications financières ou autres des pays voisins.

Les cotisations de sécurité sociale, liées à l’affiliation dans un pays, ouvrent droit aux prestations de sécurité sociale du pays d’affiliation. Elles ne sont pas marchandées pour conclure des conventions ou négociations.

Quels accords existent pour le personnel à bord des avions, bateaux et trains?

«Une  prévoit une disposition particulière pour les pilotes, qui sont soumis à la législation de l’État où se trouve leur base d’affectation. Un accord particulier existe seulement pour les bateliers rhénans (c’est-à-dire qui exercent leur activité à bord d’un bâtiment utilisé commercialement à la navigation rhénane). Cet accord dérogatoire particulier conclu par les États du Rhin était motivé par le caractère spécifique de l’activité des bateliers, qui est exercée sur un bateau, qui constitue un cadre exceptionnel. Toutes les personnes concernées sont présentes en activité jour et nuit sur le même lieu de travail, qu’est le bateau. Il n’y a pas d’accord spécifique pour les chauffeurs de train.

Pourquoi ne pas conclure les mêmes accords pour les chauffeurs routiers?

«Les pays voisins n’avaient pas de volonté, au moins jusqu’à présent, de déroger de manière générale aux règles usuelles applicables. Tout dépendra de l’évolution des échanges qui sont actuellement en cours, et notamment si les pays voisins sont in fine disposés à entamer des négociations en vue de conclure des accords pour ce secteur ou non.

Une autre question se pose . Une période de transition les couvre pour le mois en cours et les trois suivants. Mais elle ne concerne que les maladies en cours de traitement. Alors, que se passe-t-il si, demain, un salarié désaffilié se blesse sur son lieu de travail?

«En cas de cessation de l’affiliation, le droit aux soins de santé est maintenu pour le mois en cours et les trois mois subséquents. Le droit est maintenu, en outre, pour les maladies en cours de traitement au moment de la cessation de l’affiliation, pendant trois mois supplémentaires. Ceci vaut si la personne concernée n’est pas assurée dans l’autre État. Les soins seront pris en charge au Luxembourg dans les conditions ci-dessus si la personne n’est pas affiliée ailleurs.

S’il s’avérait que la personne devait être affiliée dans l’autre État, des régularisations seraient effectuées entre États.»

Interrogé à ce sujet, l’avocat Me Grégory Damy, spécialisé en droit du travail, estime que «le salarié ne se retrouvera pas sans garantie». Même s’il est possible qu’il doive avancer des frais, «si un salarié travaille plus de 25% de son temps en France, il aura droit à la Sécurité sociale française. On fait alors remonter rétroactivement les droits.» Il conseille aux salariés d’entamer les démarches de réaffiliation, d’un côté comme de l’autre de la frontière, au plus vite.