La CLC prend position au nom de ses fédérations affiliées, le Groupement des entrepreneurs de transports et la Fédération des exploitants d’autobus et d’autocars. (Montage: Maison Moderne)

La CLC prend position au nom de ses fédérations affiliées, le Groupement des entrepreneurs de transports et la Fédération des exploitants d’autobus et d’autocars. (Montage: Maison Moderne)

La CLC s’impatiente. Elle demande au gouvernement d’entamer concrètement les négociations avec ses voisins pour régler la situation des chauffeurs frontaliers roulant plus de 25% de leur temps de travail dans leur pays de résidence, et dès lors désaffiliés de la sécurité sociale luxembourgeoise.

Après les , le patronat tape lui aussi du poing sur la table pour dénoncer la gestion de la désaffiliation des chauffeurs routiers frontaliers de la sécurité sociale luxembourgeoise. Pour rappel, un règlement européen prévoit qu’un frontalier travaillant au Luxembourg mais qui passe au moins 25% de son temps de travail  dans son pays de résidence doit s’affilier à la sécurité sociale de son pays. Mis entre parenthèses pour le secteur du transport pendant 10 ans, et après une période de transition, il entre en application sans qu’un accord ait été trouvé entre le Grand-Duché et ses voisins. Avec des conséquences pour les 66% des 7.300 chauffeurs routiers frontaliers, et leurs employeurs, selon la Confédération luxembourgeoise du commerce (CLC) et son directeur .

Vous évoquez 66% de chauffeurs frontaliers dans le pays, mais 2 à 3% seulement concernés par une désaffiliation de la sécurité sociale luxembourgeoise. Comment expliquez-vous cette différence?

Nicolas Henckes. – «Pour l’instant, les entreprises gèrent cela en essayant de modifier les plannings artificiellement, en envoyant des chauffeurs frontaliers français plutôt vers l’Allemagne et la Belgique, et vice versa. C’est quand même assez inefficace d’envoyer un chauffeur francophone en Allemagne et d’envoyer un chauffeur germanophone en France par rapport au service et à la clientèle.

Il faut s’organiser pour éviter la situation où on passerait au-dessus des 25%, ce qui peut être un véritable casse-tête organisationnel et quasiment impossible pour certaines entreprises qui n’ont que des chauffeurs venant d’un seul pays.

Pour l’instant, les entreprises se sont organisées pour minimiser la casse. À moyen ou long terme, ce n’est pas efficace.

Combien cela coûte-t-il de dépasser ces 25%?

«C’est tout d’abord une conséquence désastreuse pour les chauffeurs salariés, parce qu’au lieu de payer 12% de charges sociales sur leur salaire luxembourgeois, ils vont en payer 20% (). Leur salaire net va s’en retrouver diminué. Une situation inacceptable pour eux.

Du côté des entreprises, il y a aussi les charges patronales qui, au lieu d’être de l’ordre de 13-14%, vont plutôt être de 40% (pour la France, ndlr). Ce coût peut juste les mettre à genoux et ruiner leur rentabilité. Et donc imposer des restructurations, des délocalisations… À moyen terme, c’est ne plus être compétitif du tout pour recruter des chauffeurs et perdre une force de frappe logistique. Qui nous a quand même permis de traverser la crise, en faisant en sorte que les supermarchés et les hôpitaux soient livrés en temps et en heure grâce à tous nos camionneurs.

Un autre problème se pose pour les salariés: certains risquent de ne plus être affiliés à aucune sécurité sociale pendant la période de transition…

«Ce que nous reprochons à l’administration, c’est d’avoir surréagi et d’avoir tout de suite désaffilié alors que s’ils avaient piloté ça un peu plus intelligemment avec leurs collègues des autres administrations, ils auraient pu faire une désaffiliation et réaffiliation quasiment concomitante, et éviter d’avoir recours à ce système de transition imparfait.

La directive européenne est là pour éviter le dumping social, sauf qu’on aboutit à une situation absurde où on désaffilie des chauffeurs du système de sécurité sociale le plus généreux pour les réaffilier à des systèmes nettement moins performants.

Le ministère de la Sécurité sociale répond que les négociations avec les pays voisins sur le sujet se sont déjà soldées par un échec et promet de remettre l’ouvrage sur le métier. Que peut-il faire de plus?

«Ce dont ils parlent, ce sont des discussions qu’ils ont eues il y a des années. Cela fait plusieurs mois que nous discutons avec le Centre commun de la sécurité sociale et le ministre de la Sécurité sociale en lui disant qu’il faut qu’il intervienne et qu’il prenne contact avec ses homologues des trois pays.


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Lors de la dernière réunion que nous avons eue il y a maintenant deux semaines, il s’est avéré qu’il n’y avait encore eu aucune réunion. Nous estimons qu’il est peut-être temps qu’il se bouge un peu.

Et si le désaccord persiste avec les pays frontaliers?

«Il faudra voir ce que demandent ces pays comme compensation. Pour pouvoir négocier, il faut d’abord demander la négociation, et là nous n’y sommes pas encore. C’est ce que nous reprochons au ministre actuellement: ne pas avoir démarré ces discussions pour savoir ce que ces pays veulent en échange. À ce moment, on saura si c’est acceptable, ou si le remède n’est pas pire que le mal.»