Audrey Bertolotti détaille les droits et obligations des employeurs face au risque de contagion du coronavirus. (Photo : Focalize/Emmanuel Claude)

Audrey Bertolotti détaille les droits et obligations des employeurs face au risque de contagion du coronavirus. (Photo : Focalize/Emmanuel Claude)

La confirmation d’un premier cas au Luxembourg pose concrètement la question de la gestion du risque de contamination au sein de l’entreprise. L’éclairage d’Audrey Bertolotti, avocate à la Cour et head of employment chez Linklaters.

Le service Employment de Linklaters a répertorié ci-dessous 10 questions que se pose tout employeur et y a répondu en tenant compte de la situation actuelle du Luxembourg. Le sujet évoluant néanmoins quotidiennement, il n’est pas exclu qu’elles soient également amenées à évoluer.

1. En tant qu’employeur, ai-je une quelconque obligation?

OUI

Il repose sur l’employeur une obligation légale d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés au travail. Il lui revient ainsi d’éviter les risques et de les combattre à la source, de planifier la prévention des risques et de supprimer les dangers ou, le cas échéant, les réduire au maximum.

L’employeur a donc clairement un rôle à jouer dans la protection de ses salariés contre la contamination sur le lieu de travail.

2. Je décide de placer mon salarié en quarantaine, dois-je continuer le paiement du salaire?

OUI

Le premier réflexe est de répondre que le salaire est la contrepartie d’un travail. Ainsi, si le salarié placé en quarantaine ne peut pas travailler à distance (car il travaille sur une chaîne de production par exemple), la tentation pourrait être forte de ne pas le rémunérer. En outre, un employeur pourrait se dire qu’il n’a pas à supporter le risque du choix du salarié parti en vacances dans une zone contaminée.

Mais, a contrario, l’obligation de l’employeur est de fournir du travail à son salarié et imposer à son salarié de ne pas travailler ne peut pas en outre le priver de salaire.

Un employeur de la Place a récemment demandé à certains de ses salariés de ne pas venir au bureau et a voulu déduire cela des congés. La réaction des syndicats ne s’est pas fait attendre et tant l’ que l’OGBL ou  se sont opposés à ce qu’une mesure de quarantaine s’accompagne d’un coût financier pour le salarié.

La ministre de la Santé s’est également exprimée sur le sujet et a indiqué le 26 février dernier que si un employeur décidait de placer des salariés en quarantaine, il devait en supporter le coût.

Ainsi, tout salarié qui se trouve placé en quarantaine sur décision de son employeur devra continuer de percevoir son salaire et ne pourra se voir déduire cette période de ses congés légaux.

3. Mon salarié est placé en quarantaine par le corps médical. Dois-je continuer le paiement du salaire?

LES RÈGLES CLASSIQUES D’ABSENCE POUR MALADIE S’APPLIQUENT

Si la France a mis en place un régime dérogatoire exceptionnel au niveau des indemnités journalières par le jeu duquel la sécurité sociale prend en charge les indemnités journalières pour une durée allant jusqu’à 20 jours de confinement, aucune mesure spéciale n’a été prise à ce stade au Luxembourg.

Ainsi, en cas de quarantaine ordonnée par un médecin, le salarié se verra remettre un certificat médical et la période de quarantaine sera traitée comme une période de maladie classique (à charge de l’employeur ou de la CNS selon que le salarié se situe à plus ou moins de 77 jours de maladie).

4. Mon salarié refuse les déplacements du fait du coronavirus, puis-je le forcer à se déplacer?

NON

Le salarié à qui il est demandé de se déplacer dans une zone contaminée pourra exercer son droit de retrait. L’exercice de ce droit pourrait être considéré comme abusif si le déplacement concerne une zone qui n’est pas considérée à risque.

On pourrait néanmoins se poser la question du risque de la maladie professionnelle si le salarié se voyait infecté par le virus après avoir été contraint de voyager pour le compte de son employeur.

5. Mon salarié refuse de télétravailler, puis-je le forcer?

NON

Sauf à ce que le législateur prenne une mesure spécifique dans le cas présent le permettant, l’employeur n’a pas les moyens de forcer un salarié à télétravailler, ce qui n’est certes pas sans poser de questions sur le risque que sa responsabilité puisse être malgré tout mise en jeu au cas où le salarié récalcitrant viendrait à contaminer d’autres salariés.

Afin de l’inciter à le faire, il pourrait être utile d’indiquer au salarié concerné les risques en matière de responsabilités civile et pénale qu’il encourt en cas de contamination de ses collègues du fait de sa négligence.

6. Mon salarié travaille en Chine comme expatrié, dois-je le rapatrier?

NON

Dans la mesure où le lien de subordination est remplacé par l’existence d’un contrat de travail local entre l’expatrié et l’employeur local, l’employeur d’origine ne peut pas faire rapatrier le salarié.

7. Mon salarié est en détachement en Chine, dois-je le rapatrier?

OUI

La relation contractuelle entre l’employeur luxembourgeois d’origine et le salarié étant maintenue, l’employeur, en vertu de son obligation de sécurité et santé, devra organiser le rapatriement de son salarié.

8. Y a-t-il des bonnes pratiques à adopter en cette période?

OUI

- Suivre les préconisations des services de santé au travail;

- Afficher des pictogrammes dans l’entreprise tels que ceux ;

- Renforcer les mesures d’hygiène (savons et solutions hydroalcooliques à disposition et en suffisance, port de masques, etc.);

- Favoriser le télétravail quand cela s’avère possible;

- Communiquer avec les salariés;

- Mettre en place un plan de continuité au cas où les mesures de confinement deviendraient plus nombreuses, au cas où l’entreprise est fortement liée à la Chine et viendrait à voir son activité et son chiffre impactés;

- Limiter les déplacements professionnels des salariés;

- Reporter les événements sociaux organisés.

9. Puis-je solliciter des aides étatiques?

OUI

En France, le coronavirus a été officiellement déclaré comme un événement de force majeure.

Ce n’est pas le cas au Luxembourg, mais il pourrait néanmoins être envisagé de solliciter une subvention au titre du chômage accidentel involontaire.

10. L’enfant de mon salarié est placé en quarantaine ou son école est fermée du fait du coronavirus.

Dans un tel cas, le salarié devra prendre sur ses congés pour rester aux côtés de son enfant.

Par contre, si l’enfant devait être contaminé par le coronavirus, le salarié pourrait solliciter un congé pour raisons familiales.