Donald Trump et Joe Biden s’affrontent pour une élection très polarisée, très dépensière et source de tensions dans le pays. (Photo : Shutterstock)

Donald Trump et Joe Biden s’affrontent pour une élection très polarisée, très dépensière et source de tensions dans le pays. (Photo : Shutterstock)

C’est cette nuit que se joue l’élection du nouveau président des États-Unis, après une campagne hors norme et loin d’être terminée.

Le jour J est arrivé pour 240 millions d’Américains appelés aux urnes afin de choisir le 46e président des États-Unis (ou le 45e si Donald Trump l’emporte). La fin d’une campagne dure, houleuse, irrévérencieuse, entre deux candidats septuagénaires de caractères fort différents. D’un côté, l’impétueux, imprévisible et fort en gueule Donald Trump, s’appuyant sur un bilan économique honorable et la réaffirmation de la puissance américaine dans le monde, notamment face à la Chine (en piétinant le multilatéralisme au passage); de l’autre, le calme, empathique et réfléchi, quoique gaffeur, Joe Biden, ancien vice-président de Barack Obama, soulignant la gestion catastrophique de la crise sanitaire du Covid-19 et la perte de crédibilité et de fiabilité des États-Unis sous Trump.

Des différences qui n’ont jamais été aussi flagrantes que lors des deux débats qui ont opposé les rivaux – un , un second . Si Joe Biden devance son adversaire dans les sondages depuis plusieurs semaines, l’issue de l’élection reste hautement incertaine du fait du système électoral particulier pratiqué outre-Atlantique.

Un suffrage indirect

Le président américain est élu par suffrage indirect. Les citoyens votent pour leur candidat mais élisent en réalité 538 grands électeurs. Chaque État compte un collège électoral composé de deux sénateurs et de grands électeurs dont le nombre est lié à la population de l’État. Ainsi, la Californie dispose de 55 grands électeurs et le Dakota du Nord de seulement 3.

Seuls deux États – le Nebraska et le Maine – ne pratiquent pas le principe du «winner takes all» selon lequel le candidat qui arrive en tête emporte tous les grands électeurs du collège électoral.

Les grands électeurs se retrouvent en décembre afin de voter pour le président qui prend ensuite ses fonctions en janvier. Des délais hérités du temps nécessaire pour rejoindre Washington D.C. depuis les autres États au 18e siècle.

11 États pivots

Si certains États sont traditionnellement considérés comme des «swing states», c’est-à-dire des États pivots qui peuvent voter démocrate ou républicain, leur liste évolue. En 2016, le site d’analyse électorale  avait identifié le Colorado, la Floride, l’Iowa, le Michigan, le Minnesota, le Nevada, le New Hampshire, la Caroline du Nord, l’Ohio, la Pennsylvanie, la Virginie et le Wisconsin comme des États pivots «pérennes».

Il a toutefois mis à jour cette liste cette année, considérant que l’Iowa, le Michigan ou encore le Maine semblent désormais acquis au camp républicain, tandis que d’autres, historiquement «rouges», semblent pencher vers les démocrates, comme l’Arizona, la Géorgie ou encore le Texas.

11 États pivots sont donc à surveiller pour le scrutin du 3 novembre: l’Arizona, la Caroline du Nord, la Floride, la Géorgie, l’Iowa, le Michigan, le Minnesota, l’Ohio, la Pennsylvanie, le Texas et le Wisconsin.

70% de votes par correspondance

L’attention s’est portée ces dernières semaines sur le vote par correspondance, très répandu aux États-Unis. Depuis le 12 octobre, 100 millions d’Américains ont déjà fait leur choix en postant leur bulletin ou en votant par anticipation, contre 47 millions en 2016. Un phénomène qui présage une participation record à cette élection présidentielle. «La participation devrait être la plus forte de l’histoire des États-Unis avec entre 150 et 160 millions de bulletins de vote comptabilisés», estime Jean-Éric Branaa, chercheur spécialiste des États-Unis à l’Université Paris-2 Panthéon-Assas, cité par France 24.

Une bonne nouvelle pour la démocratie – qui peut aussi s’expliquer par une volonté d’éviter les longues files d’attente et la promiscuité en période de pandémie de Covid-19 –, mais une source d’inquiétude pour Donald Trump, qui ne cesse de brandir le chiffon rouge d’un risque de fraude accru.

Le candidat républicain a d’ores et déjà averti qu’il contesterait sa défaite en cas de fraude. Devant la montée de la tension, plusieurs magasins de New York notamment ont barricadé leurs vitrines, craignant des heurts dans la rue.

De fait, le décompte des voix prendra probablement plus de temps qu’à l’accoutumée au vu du nombre de votes par correspondance. Les deux adversaires sont prêts à mobiliser une armada d’avocats en cas de vote serré. Les républicains ont d’ailleurs déjà attaqué la validité de 127.000 bulletins de vote anticipé au Texas, un État qui pèsera dans la balance.

La pire situation serait une répétition de l’élection de 2000: la Cour suprême avait tranché en faveur de George W. Bush alors que des recomptages avaient lieu après des votes extrêmement serrés entre le candidat républicain et son adversaire Al Gore.

Des dépenses records

Si le candidat Trump de 2016 avait fustigé les folles dépenses électorales et vanté l’utilisation de ses propres deniers, celui de 2020 n’a aucunement refusé les chèques des grands donateurs.

La Maison Blanche n’a pas de prix. Et les candidats sont prêts à dépenser sans compter. Au 14 octobre dernier, 3,5 milliards de dollars avaient été dépensés par les candidats au Bureau ovale et le total devrait atteindre 5,2 milliards en fin de course, contre 2,8 milliards en 2008, selon une projection du groupe de recherche sur les finances de la politique américaine Center for Responsive Politics. Rien qu’en termes de collectes, le démocrate Joe Biden a mis la main sur près de 952 millions de dollars, tandis que l’actuel président Donald Trump est parvenu à lever quelque 601 millions de dollars. Plus globalement, en 2020, 11 milliards de dollars ont été dépensés lors de la campagne – primaires comprises –, rapporte le Center for Responsive Politics. Un nouveau record alors que les candidats avaient déjà posé près de 6,5 milliards sur la table lors des élections de 2016.

Mais visiblement, l’argent ne fait pas tout. En effet, le plus dépensier des candidats n’est autre que l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, qui a puisé plus d’un milliard de dollars dans ses fonds propres. Sa campagne, la plus onéreuse menée par un candidat, l’avait finalement conduit à jeter l’éponge en mars dernier, après avoir dépensé l’équivalent de 5,5 millions de dollars par jour de campagne.

Les «petits» donateurs (moins de 200 dollars) sont aussi plus nombreux cette année: ils représentent 22% des dons enregistrés, contre 14% en 2016.

Trois Luxembourgeois en observation

Josée Lorsché (Déi Gréng), Gusty Graas (DP) et Claude Haagen (LSAP) font partie de la délégation de l’Organisation de sécurité et de coopération en Europe (OSCE) chargée d’observer le bon déroulement des élections aux États-Unis.

Un impact incertain au Luxembourg

Pour le Luxembourg, l’impact de l’élection présidentielle est encore difficile à cerner. Le soutien de Donald Trump à Boris Johnson pour le Brexit, , est à mettre dans la balance autant que la de Joe Biden, alors que Donald Trump incarne un . Même si l’économie luxembourgeoise n’a pas eu à pâtir directement du versatile et décrié président actuel, .

Vous pouvez relire les articles publiés par Paperjam et  en amont de ces élections et également suivre, une fois les résultats connus, l’analyse de David Schrieberg, journaliste distingué par un prix Pulitzer, lors d’un jeudi 5 novembre à 12h.