Il y a deux ans, lors de la présentation de la première stratégie nationale sur l’intelligence artificielle, le Premier ministre et ministre de la Digitalisation, (DP), s’était montré plus socialiste que le socialiste qui l’accompagnait, (LSAP), en plaçant l’humain au cœur de tous les développements.
Deux ans plus tard, à l’occasion de la première consultation publique sur le même sujet, le chef du gouvernement est encore moins «libéral» d’un point de vue dogmatique, en insistant sur la volonté de son gouvernement d’être le plus inclusif possible. En une petite demi-heure de conférence de presse rondement menée, M. Bettel n’aura prononcé qu’une fois le mot «entreprise». Pas question de libérer le marché, de nourrir les opportunités de croissance ou d’amélioration de la productivité, le Premier ministre veut que la population adhère aux développements des politiques publiques sur le sujet.
Sur les 19.993 résidents «repérés» et contactés par le Centre des technologies de l’information de l’État pour cette consultation publique menée par le Luxembourg Institute of Socio-Economic Research (Liser), 2.383 ont répondu. Un bon échantillon, au Luxembourg, varie entre 500 et 1.000 personnes; ces 12% représentent une bonne base.
Les 10 enseignements
Qu’ont-ils dit?
1. Qu’ils sont connectés, à 91% à un réseau à haut débit (fixe ou mobile), qu’ils sont 9 sur 10 à utiliser leur smartphone tous les jours (contre 81% pour un ordinateur et 36% pour les objets connectés, 13% pour les assistants vocaux et 12% pour les consoles de jeu).
2. Qu’ils sont beaucoup sur les réseaux sociaux (65%, contre 48% pour les sites de streaming et 31% pour les applications de cartographie).
3. Qu’ils sont conscients que leurs données sont collectées (94%) et que cela les «inquiète»: plus de la moitié (54%) pensent que la collecte de leurs données personnelles ne respecte pas leur vie privée (une personne sur trois ne sait pas répondre à cette question). 93% de ceux qui considèrent que leur vie privée n’est pas respectée pensent que leurs données peuvent être vendues, 86% ne savent pas pourquoi elles sont collectées, 83% ne savent pas quelles données sont collectées, 81% n’ont pas confiance en ceux qui collectent les données et 74% pensent que leurs données ne sont pas collectées. Ils sont aussi nombreux à penser que leurs données ne sont pas assez protégées et à connaître le règlement européen sur la protection des données. Moins d’une personne sur trois pense que cela suffit à la protéger et 45% n’ont pas d’avis.
4. 43% des répondants surveillent leur mode de vie (alimentaire et sport) avec une application, les trois quarts pour accéder aux transports en commun ou éviter un bouchon ou des travaux sur la route, près de la moitié admet que les outils pour l’éducation ne lui servent à rien tandis qu’un tiers (30%) a déjà profité d’une formation adaptée en ligne.
5. Près de 9 résidents sur 10 utilisent les outils numériques pour la vie publique, notamment pour demander des documents officiels, et dans deux tiers des cas de manière régulière, alors qu’ils sont peu nombreux à se soucier des sujets environnementaux ou énergétiques: 61% ne cherchent pas à améliorer leur consommation énergétique, deux tiers n’utilisent pas GouvAlert.lu et 79% n’utilisent pas Meng Loft.
6. Parmi ceux qui ont un emploi, un tiers indique que Linkedin ou Viadeo lui a permis d’obtenir un meilleur job et la même proportion que cela ne lui a servi à rien. Un sur quatre a pu trouver ainsi de nouveaux clients – patients – usagers.
7. 70% considèrent que l’intelligence artificielle facilite les tâches de la vie quotidienne et 64% que cela leur évite les tâches répétitives dans le monde professionnel. 22% disent ne pas avoir assez de connaissances pour avoir une opinion.
8. 70% des personnes interrogées disent que l’IA peut agir de façon discriminatoire ou être biaisée, 64% qu’elle n’est pas fiable et 56% qu’elle n’est pas capable de distinguer les conséquences positives et négatives; plus d’un sur deux ne sait pas dans quel domaine elle est utilisée et avec quelles données.
9. 58% des gens ont confiance dans l’IA quand elle est mise en œuvre par l’État, contre 41% par le secteur privé.
10. 84% des sondés pensent que l’IA sera utile dans le secteur de la sécurité et de la défense, un chiffre qui chute ensuite à 34% pour la mobilité et 13% pour l’environnement. Le risque est supérieur aux bénéfices, pour eux, dans la santé, l’éducation et l’industrie. L’écart est le plus important dans la santé avec 30% qui voient des bénéfices et 51% des risques. Mais ils pensent qu’elle devrait être utilisée dans la prévention des maladies (69%), dans le diagnostic médical (72%) ou pour obtenir des traitements mieux adaptés (67%).
Quelle structure pour «surveiller» que l’IA file droit?
Le Premier ministre s’est aussi attardé une minute sur la nécessité de mettre en place un comité d’éthique pour encadrer les futures applications de l’IA au sein de l’État. M. Bettel a indiqué que des discussions avaient lieu, en interne, parmi les fonctionnaires qui sont quotidiennement confrontés à ces problématiques et que le Conseil d’État serait consulté avant la création d’un nouvel organisme ou d’une nouvelle division à la Commission nationale d’éthique qui existe.
Un sujet qui pourrait aussi évoluer parce que cette question est également évoquée dans le projet de règlement de la Commission européenne sur l’intelligence artificielle, présenté la semaine dernière et dont le Premier ministre parlera la semaine prochaine à l’occasion de la visite du commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, au Luxembourg.
Enfin, une campagne de sensibilisation à ces thématiques, souhaitée par 80% des répondants, commencera bientôt.