Dans les espaces de coworking, les espaces partagés peuvent-ils être compatibles avec le Covid-19?  (Photo: Olivier Minaire/Archives Paperjam) 

Dans les espaces de coworking, les espaces partagés peuvent-ils être compatibles avec le Covid-19?  (Photo: Olivier Minaire/Archives Paperjam) 

Les business models des espaces de coworking reposent sur le partage des espaces de bureaux et la mutualisation des services. Comment ces entreprises font-elles face à la crise du Covid-19? Ce secteur est-il en danger?

Depuis quelque temps, avec un peu de retard par rapport au reste de l’Europe, le Luxembourg voit se développer de plus en plus d’espaces de coworking. Vus comme une vraie bouffée d’oxygène par de nombreuses entreprises, petites ou grandes, ces espaces de travail d’un nouveau genre apportent une plus grande flexibilité et proposent une offre complémentaire au traditionnel marché immobilier de bureaux, tout en offrant une ouverture vers une nouvelle communauté.

Mais comment cette typologie de bureaux nouvelle génération, dont le principe économique repose sur le partage des espaces, la mutualisation des services et une clientèle pouvant être très volatile, peut-elle résister face à une crise telle que celle engendrée par le Covid-19?

«Les espaces de coworking proposent généralement plusieurs formules, allant de la place de travail non attribuée – le flex desk –, à l’étage entier occupé par une même entreprise, en passant par le bureau attribué, mais partagé, ou la cellule individuelle», explique William Moulin, directeur de la branche Advisory & Transaction Services pour . «En pratique, les espaces réellement partagés ne représentent généralement que 10 ou 20% de l’offre des espaces de coworking ou business center. Le reste est occupé en espaces cloisonnés et fermés, que ce soit des bureaux de 10m² ou des cellules beaucoup plus grandes pouvant accueillir 10 à 15 collaborateurs par exemple. Les espaces touchés directement par la crise, à savoir les espaces partagés, sont donc finalement assez faibles.»

Réagir dans l’urgence, mais pour la communauté

Dès le début de la crise, tous les bureaux, y compris ceux de coworking, se sont vidés. Tout le monde est resté chez soi. «Nous devions bien entendu suivre les consignes du gouvernement et nous avons incité tous nos membres à rester chez eux», détaille Claudine Bettendroffer, country leader chez .

«Nous avons toutefois maintenu un accès au bâtiment pour que nos membres puissent récupérer des affaires dans leur bureau s’ils en avaient besoin. Seules cinq ou six personnes sont passées par jour, sur nos 200 membres inscrits. Nous avons évidemment aussi cessé toute activité événementielle, et la réception. Toutefois, dès la première semaine, nous avons maintenu le lien, notre métier reposant beaucoup sur les relations humaines. Tous les jeudis, nous avions pour habitude d’organiser une happy hour qui s’est tout de suite transformée en happy hour numérique. C’était l’occasion d’échanger sur les bonnes pratiques, se transmettre des informations sur les aides de l’État aux entreprises… Cette période a été pour nous l’occasion d’être en contact avec chacun de nos membres de manière encore plus étroite et personnelle, pour comprendre leur situation, voir si nous pouvions leur apporter de l’aide d’une manière ou d’une autre, comme la redirection de leur courrier professionnel à domicile.»

Des adaptations à mettre en place

Une certaine forme d’adaptation est cependant nécessaire. Il faut revoir les circulations dans le bâtiment, l’utilisation des salles de réunion, mais comme pour n’importe quel autre espace de travail. Les recommandations sont bien évidemment à l’ordre du jour, avec une désinfection des locaux, la mise à disposition de gel, le port du masque obligatoire…

«Nous avons par ailleurs décidé d’offrir gratuitement le flex desk à nos membres. Les salles de réunion peuvent être utilisées à la moitié de leur capacité et chaque deuxième place de flex desk est condamnée pour privilégier une assise en quinconce, la cuisine ne peut être fréquentée que par deux personnes en même temps… Il y a donc quelques nouvelles règles à respecter», détaille Claudine Bettendroffer.

Une des grandes forces des espaces de coworking est leur flexibilité, ce qui risque d’être très utile pour de nombreuses sociétés dans les mois à venir. La crise impactant les sociétés de manière différente, les besoins et les attentes ne sont pas les mêmes. Certains vont avoir besoin de plus d’espace parce que leur activité s’est accrue, d’autres au contraire vont devoir réduire la voilure. «Avec des préavis qui sont de un à trois mois, nous pouvons répondre facilement à ces variations, ce qui est plus confortable pour les entreprises», rassure Claudine Bettendroffer.

Un retour dans l’espace de travail qui se fera certainement progressivement et qui sera encore une fois conjugué avec l’esprit de la communauté pour Silversquare: «À partir du 1er juin, nous lançons l’action ‘Support your Neighborhood’, qui consiste à proposer des offres commerciales dans les commerces du quartier de la gare où nous nous trouvons. De plus, nous offrons à chacun de nos membres un bon d’achat chez ces commerçants. C’est une action qui soutient à la fois nos membres et les commerçants du quartier, la communauté au sens large, pour aider à la reprise du business et parce qu’ensemble on est plus forts», déclare Claudine Bettendroffer.

Et le futur?

«Par chance, avant que le coronavirus n’arrive, nous étions dans une très bonne situation, avec seulement un seul espace de bureaux disponible», assure Claudine Bettendroffer. «Aujourd’hui, nous en avons trois, ce qui reste encore raisonnable.» Des espaces qui pourraient bien ne pas rester très longtemps vides si l’on en croit William Moulin, de CBRE: «Cette crise va certainement accélérer l’utilisation des bureaux satellites. Ces réflexions étaient déjà en cours dans plusieurs entreprises et l’expérience de télétravail que nous venons de vivre montre que nous pouvons aujourd’hui travailler autrement. Ces réflexions pourraient donc aboutir à court et moyen terme, profitant aux espaces de coworking.»

Ces espaces pourraient aussi représenter une alternative temporaire pour accueillir les équipes qui ne peuvent pas toutes se retrouver au siège pour cause de distanciation physique entre les bureaux. Les sociétés pourraient avoir recours à ces surfaces supplémentaires disponibles à la location, configurées pour le travail et permettant de maintenir le lien social. Des atouts que ne possède pas nécessairement le home office.