Les open spaces, comme ceux conçus par Lonsdale pour Ferrero, devront-ils évoluer? (Photo: Jacques Giral/archives)

Les open spaces, comme ceux conçus par Lonsdale pour Ferrero, devront-ils évoluer? (Photo: Jacques Giral/archives)

Les mesures sanitaires découlant de la crise du Covid-19 posent beaucoup de questions sur les espaces de travail et leurs aménagements futurs. La fin des open spaces et des récents flex offices est-elle annoncée? Éléments de réponse avec des spécialistes du secteur.

Aujourd’hui, de nombreux espaces de travail sont aménagés en open spaces. Décriés au moment de leur création, ils sont pourtant désormais devenus la norme des aménagements de bureaux ces dernières décennies, car facilitant les contacts et la collaboration entre membres d’une même équipe.

Dernièrement, les flex offices, bureaux entièrement partagés, sont venus ajouter une nouvelle approche dans ces espaces ouverts, chacun s’asseyant à un poste de travail libre en arrivant le matin. Les espaces collaboratifs se sont multipliés, offrant de nouvelles possibilités de discussion, stimulant la créativité et le travail d’équipe.

La vie en société est la normalité, la maladie est l’exception.

Alain Meyer,Managing directorTétris Luxembourg

Mais ce type d’aménagement n’est-il pas la porte ouverte à la propagation des virus, comme celui du Covid-19? Alors que, pendant toutes ces années, les architectes ont tenté de rassembler et faciliter la communication entre les membres des équipes, voilà qu’il faudrait désormais séparer, cloisonner, individualiser les espaces de travail pour éviter la propagation du virus. Est-ce que ces nouvelles normes sanitaires et hygiéniques vont sonner le glas de l’open space tel que nous le connaissons aujourd’hui?

«Il est difficile de connaître précisément ce que sera notre espace de travail de demain, mais je ne pense pas que cette crise signe la fin des open spaces», déclare Alain Meyer, managing director de , société spécialisée dans l’aménagement de bureaux. «Je reste persuadé que les aménagements de bureaux se feront à l’avenir sur les mêmes fondamentaux qu’aujourd’hui, qui sont cette envie de rencontre, de collaboration, de partage et de proximité. La vie en société est la normalité, la maladie est l’exception. Le lieu de travail reste un creuset essentiel. Ceux qui disent le contraire surfent sur une opportunité commerciale. Il y a un effet de dramatisation qui va passer. On ne construit rien de bon sur l’angoisse et la peur.»

L'importance de la place attribuée

Les open spaces présentent en effet cette qualité d’être flexibles, car ouverts, et peuvent être plus aisément réaménageables que des bureaux cloisonnés. Le flex desk, avec les caissons attribués, limite les risques de propagation d’un virus, car chaque employé conserve ses objets, et la politique de clean desk facilite le nettoyage des postes de travail.

«Pour autant, je pense que, dans un premier temps, l’option d’une place attribuée devrait être favorisée, notamment pour que chaque employé conserve son fauteuil, qui est un équipement qui est touché plusieurs fois dans la journée», soutient François Hannebicque, directeur de création du pôle Lieux et enseignes pour .

Mais alors, où sera le changement?

Dans une perspective où ces grandes tendances perdureraient, cette crise pourrait-elle alors avoir des conséquences sur d’autres éléments? Alain Meyer: «Je pense plutôt que nous allons réévaluer l’équilibre entre home working et office working. Ce que nous venons de vivre est une expérience majeure et est la preuve que le télétravail peut fonctionner, tout en ayant ses limites. Il me semble évident que les sociétés vont devoir revoir leur politique de télétravail, tout en ayant conscience qu’en termes de relations humaines, ce type de travail est limitatif. Nous allons certainement nous diriger vers un plus grand panachage entre le travail collaboratif en entreprise et le travail individuel à la maison. L’héritage de cette crise sera moins dans l’aménagement physique des espaces de bureaux que dans l’aménagement du temps de travail.»

Pourquoi payer un loyer pour de grands espaces de travail, alors que nous venons d’avoir la preuve que nous pouvons travailler autrement?

François Hannebicquedirecteur de création du pôle Lieux et enseignesLonsdale

Il est vrai que cette expérience a démontré que l’utilisation des outils digitaux peut être performante, tout en ayant ses limites. Cet apprentissage, même s’il a été forcé, est acquis, et va certainement avoir des conséquences dans la manière de travailler à l’avenir.

«Nous venons de passer deux mois sans que les bureaux ne soient occupés. Et pour autant, la continuité du travail a été assurée dans la plupart des cas. Cela pose donc des questions quant à la nécessité d’avoir des espaces de bureaux dimensionnés tels qu’aujourd’hui. Pourquoi payer un loyer pour de grands espaces de travail, alors que nous venons d’avoir la preuve que nous pouvons travailler autrement?», ajoute François Hannebicque.

Alors, que retiendrons-nous de cette crise?

«Je pense que nous aurons pris la mesure de l’importance de nos relations sociales, des contacts interpersonnels. Ce sont les autres qui nous motivent et nous stimulent. La technologie ne peut pas tout. Nous allons retrouver le plaisir d’être en réunion. Le lieu de travail peut en sortir renforcé. Et il ne faut pas oublier que nous avons la chance d’avoir un système immunitaire très puissant. Plutôt que d’aseptiser nos lieux de travail, il vaudrait mieux veiller à bien s’alimenter et à avoir une activité physique régulière. Mais c’est là une question plus philosophique: dans quel monde voulons-nous vivre?», conclut Alain Meyer.