Le Fonds du logement. (Photo : Sogimme II)

Le Fonds du logement. (Photo : Sogimme II)

Les auditeurs publics pointent une nouvelle fois les errances de procédures et de comptabilité de l’établissement entre 2015 et 2017.

La Cour des comptes a présenté lundi aux députés de la commission du contrôle de l’exécution budgétaire son rapport sur les comptes de 13 établissements publics. Avec une note médiocre pour le Fonds du logement.

En proie à des turbulences depuis le  Daniel Miltgen en 2015, le Fonds du logement remonte doucement la pente. Restructuration en 2015 menée , réorganisation … Le rapport de la Cour des comptes livre un regard particulier sur les coulisses de cet établissement public dont elle a analysé les registres pour les exercices 2015 à 2017.

Premier constat: les recommandations sur des cas particuliers émises lors du contrôle précédent n’ont pas été suivies de corrections satisfaisantes. «Concernant la secrétaire du comité directeur, la Cour avait constaté lors du contrôle des exercices précédents un doublement de l’indemnité mensuelle, sans que cette augmentation n’ait été approuvée par le ministre de tutelle», rappelle la Cour des comptes. L’indemnité mensuelle a certes été supprimée «à la demande du ministère de tutelle», mais a été compensée par une «augmentation de salaire par le biais d’une prime de fonction d’un montant de 550 euros par mois». Or «ni le vade-mecum d’application des tableaux de rémunération du personnel tel qu’arrêté par le comité directeur en mai 2007 ni les nouveaux barèmes de rémunération présentés au conseil d’administration en octobre 2018 ne prévoient une prime de fonction».

De la même façon, la justification promise pour des provisions sur de «grosses réparations» dans le parc locatif n’apparaît toujours pas.

À deux reprises, des administrateurs ont été absents à trois réunions consécutives pendant le même trimestre sans que le Fonds n’ait réduit ou supprimé les indemnités mensuelles.

Rapport de la Cour des comptes

La Cour des comptes épingle la «fiabilité des données obtenues de la part du Fonds». Celui-ci n’a ainsi «pas été en mesure de fournir des informations claires et fiables» concernant «les acquisitions de terrains et les aides à la construction d’ensembles y afférentes perçues» entre 2015 et 2017. Procédures applicables, engagement des dépenses, approbations ministérielles, types de locations et ventilation des charges: «La qualité de la documentation ne permet pas d’analyser précisément les informations obtenues», déplore la Cour des comptes. Laquelle a également remarqué des «incohérences et des informations incorrectes. À titre d’exemple, plusieurs listes ont été fournies portant sur le même sujet, mais contenant des informations différentes, ou encore des listes contenant des informations incorrectes.»

Les auditeurs pointent encore le laxisme manifeste dans la gestion des indemnités et jetons de présence: «À deux reprises, des administrateurs ont été absents à trois réunions consécutives pendant le même trimestre sans que le Fonds n’ait réduit ou supprimé les indemnités mensuelles», alors que cela figure dans un arrêté ministériel de 1997. Entre 2015 et 2017, «les administrateurs du comité directeur ont ainsi obtenu des indemnisations non justifiées à hauteur de quelque 3.000 euros», indique le rapport. Sachant qu’aucune anomalie de ce genre n’a été relevée en 2017 après l’entrée en vigueur de la loi de réorganisation du Fonds.

La Cour des comptes note encore que le Fonds du logement s’est passé de l’approbation du ministère de tutelle pour la vente de trois parkings et l’acquisition de terrains, alors même qu’il s’était fait taper sur les doigts en 2014 à propos de plusieurs biens rachetés en vertu de son droit de préemption.

Aucune analyse entre les montants budgétisés et les montants réalisés n’a été effectuée par le Fonds pour les exercices contrôlés.

Cour des comptes

La réorganisation de 2017 n’a donc pas gommé les erreurs du passé. La Cour des comptes remarque ainsi qu’aucun plan quinquennal n’a été élaboré comme cela devait être le cas. «Le budget pluriannuel ne peut pas être considéré en tant que plan quinquennal étant donné qu’il reprend uniquement les projections financières sur une période de cinq ans et qu’il n’inclut pas la politique générale du Fonds et les objectifs à atteindre», estime la Cour des comptes. Elle souligne encore que le Fonds ne dispose toujours d’aucune politique d’achat et d’acquisition, et que des «écarts importants» persistent entre les montants budgétisés et les montants réalisés en 2015 et 2016. «Aucune analyse entre les montants budgétisés et les montants réalisés n’a été effectuée par le Fonds pour les exercices contrôlés», ajoute-t-elle.

Vente subventionnée, prime d’acquisition, dépenses engagées, approbation des factures: autant de domaines dans lesquels les procédures font défaut ou ne sont pas appliquées. Sans compter des «dépenses inappropriées» déjà épinglées par la Cour lors des exercices précédents et réitérées – 3.845 euros pour des «frais liés à l’organisation de fêtes du bouquet, de contributions financières à l’organisation de fêtes des voisins, de cadeaux pour les collaborateurs du Fonds à l’occasion des anniversaires de services et d’un don». La Cour a également relevé des dépenses sans factures, dont 58.000 euros de frais de courtage et 3.035 euros payés par carte de crédit.

Un effort considérable de structuration et de formalisation est en cours au sein de l’établissement.

Fonds du logement

Laxisme encore du côté des paiements des factures, qui a conduit le Fonds à être se chiffrant à 800.000 euros. «Il est à noter que la banque avait sélectionné ce paiement dans son échantillon de vérification de transactions potentiellement frauduleuses et qu’elle avait demandé au Fonds de confirmer différentes informations. Malgré cette demande de la part de la banque, les informations ont été confirmées par le Fonds sans remettre en question le bien-fondé du paiement.»

Dans ses observations à la réception du rapport de la Cour des comptes, le Fonds du logement souligne que la période de contrôle s’étend sur une période précédant la réorganisation du Fonds et que, depuis, toute une série de procédures a été mise en place ou amorcée afin de remettre de l’ordre dans les comptes du Fonds.

«Dans le cadre du contrôle effectué par la Cour des comptes, le Fonds du logement reconnaît que pour l’exercice 2015 et jusqu’à la mise en application de la loi du 24 avril 2017 portant réorganisation de l’établissement public nommé ‘Fonds du logement’, il lui a été difficile de fournir de manière consistante des informations complètes, exhaustives et précises sur les sujets auxquels il est fait ici présentement référence. Le Fonds du logement souligne cependant que depuis la loi du 24 avril 2017 portant réorganisation de l’établissement public nommé ‘Fonds du logement’ et sa mise en application à compter du 1er juillet 2017, un effort considérable de structuration et de formalisation est en cours au sein de l’établissement. Le Fonds du logement estime pouvoir répondre de manière plus satisfaisante aux demandes de la Cour des comptes lors de ses prochains contrôles.»

Autant dire que le prochain contrôle de la Cour des comptes sera déterminant pour l’avenir du Fonds du logement. L’épreuve du feu pour le nouveau directeur Jacques Vandivinit, 

La Cour des comptes a également livré son analyse des comptes de 12 autres établissements publics: le Fonds souverain intergénérationnel du Luxembourg, l’Université du Luxembourg, le Laboratoire national de santé, la Communauté des transports, le Centre de musiques amplifiées, le Centre culturel de rencontre Abbaye de Neumünster, la Salle de concerts Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte, le Fonds Belval, l’Institut national pour le développement de la formation professionnelle continue, le Fonds d’urbanisation et d’aménagement du plateau de Kirchberg, le Fonds national de solidarité et le Centre national sportif et culturel (d’Coque).