À l’hôtel Le Royal, le directeur adjoint, Jean-Luc Pignier, avoue que l’épidémie se fait ressentir sur la fréquentation. (Photo: Paperjam)

À l’hôtel Le Royal, le directeur adjoint, Jean-Luc Pignier, avoue que l’épidémie se fait ressentir sur la fréquentation. (Photo: Paperjam)

L’épidémie de Covid-19 partie de Chine n’a pas encore eu de lourdes conséquences pour le secteur touristique luxembourgeois. Néanmoins, les touristes asiatiques se font plus rares, et des annulations sont enregistrées dans certains hôtels.

Le coronavirus, épidémie partie de Chine et qui a fait presque 2.000 victimes, fait sentir ses effets jusqu’au Luxembourg dans le domaine du tourisme.

Ce qui n’est que logique, puisque, dans sa publication «European Tourism: trends & prospects Q4/2019» datée de février 2020, la European Travel Commission (ETC), l’asbl qui promeut la destination Europe auprès du reste du monde, estime que «l’impact immédiat sur la demande de voyage sera probablement significatif, étant donné la proximité du Nouvel An chinois, qui représente une fenêtre-clé pour les touristes chinois».

D’autant que les autorités chinoises ont pris des mesures limitant les connexions aériennes vers et depuis la Chine et incitant à annuler les voyages groupés et les voyages à forfait, et ce afin d’enrayer la propagation du virus.

Les marques de luxe peu impactées

Dans la capitale, plusieurs commerçants confirment que les Chinois, que l’on voyait beaucoup ces dernières semaines, semblent beaucoup moins nombreux.

«Durant le week-end, il y avait beaucoup de groupes», indiquent les vendeuses de la Maison Ladurée, dont les macarons séduisent les Chinois. «Depuis une semaine, c’est beaucoup plus rare.» Le magasin Lassner est aussi une adresse prisée de la clientèle asiatique, friande de Lego. On nous y confie «avoir vu un groupe en visite il y a quelques jours. Mais ces clients sont en effet plus rares. Il est vrai aussi qu’ils ont rarement le temps. Leur passage se fait toujours au pas de course.»

Au Cityshopping Info Point de la place d’Armes, l’impression est aussi de «voir moins de clients asiatiques pour le moment. Mais ce n’est peut-être qu’une impression.»

Les boutiques des marques de luxe avouent peu d’impact sur leur chiffre d’affaires. «Nous n’avons que peu de clients asiatiques actuellement, c’était plus le cas il y a quelques années. 90% de nos clients habitent au plus à une heure et demie de Luxembourg», dit-on chez Rolex. Chez Longchamp et Louis Vuitton, on reste discret sur le sujet, mais la baisse de fréquentation de clients venus d’Asie ne «constitue pas un péril immédiat».

Des annulations dans les hôtels

Dans les hôtels, par contre, on sent que la crise du coronavirus produit des effets négatifs. L’hôtel Simoncini a ainsi enregistré des annulations. «Cela reste marginal, cependant. Mais cela s’inscrit dans le contexte d’un mois de février traditionnellement difficile dans notre secteur», nous y dit-on.

Le Place d’Armes est aussi habituellement prisé des touristes du Levant. «Nous avons aussi eu quelques annulations, et on constate une baisse de la fréquentation de leur part. Surtout, nous devons nous adapter aussi aux exigences des organisateurs de voyage ou de Booking, qui demandent de faire preuve de plus de souplesse dans nos modalités d’annulation», dit-on.

Nous nous adaptons en permanence. On cherche à toucher de nouveaux clients et à leur donner envie de revenir.

Jean-Luc Pignierdirecteur adjoint de l’Hôtel Le Royal

On confirme cette tendance au Royal. «Il y a une baisse de fréquentation», dit Jean-Luc Pignier, directeur adjoint. «Et ce qui nous inquiète est que notre prescripteur en Chine, qui nous représente là-bas, nous indique que cette tendance va sans doute durer, jusqu’en octobre, peut-être. Les gens pensent à leur séjour bien à l’avance, et pour le moment, il y a des craintes.»

Une grande partie de la clientèle chinoise qui séjourne au Royal est en effet touristique. Mais pas seulement, et le ralentissement économique chinois a donc aussi un impact, avec même un effet indirect. «En effet, si un client chinois doit venir à Luxembourg pour rencontrer un associé venu de Suède, par exemple, et que cette réunion est annulée, nous perdons la venue du Chinois et du Suédois», explique Jean-Luc Pignier. Qui, avec ses équipes, développe de nouvelles stratégies.

«On s’adapte en permanence en développant notre présence sur internet, sur les réseaux sociaux… On cherche à toucher de nouveaux clients et à leur donner l’envie de revenir», conclut-il. Avant de préciser que «cette crise actuelle est inquiétante. Le mois de février, avec les congés, n’est pas toujours facile. On a eu en plus des annulations suite aux deux tempêtes. Le coronavirus vient s’ajouter à cela. Rien n’est dramatique en soi, mais c’est une accumulation de petits éléments qui, mis bout à bout, posent des difficultés.»

De 7 à 25% de baisse possible en Europe

Trois scenarii ont été développés par Tourism Economics pour l’ETC afin de visualiser l’impact possible de l’épidémie de Covid-19 sur le tourisme chinois en Europe. «Malgré l’incertitude de l’impact, nous estimons actuellement que le virus aura un impact élevé, mais court sur le voyage et le tourisme venant de Chine, comme lors de l’épisode de SRAS en 2003», indique la société basée à Oxford. «L’analyse de crises sanitaires antérieures suggère une reprise rapide si l’épidémie est contenue relativement rapidement.»

Le tourisme chinois en Europe devrait faiblir de 7% à 25%, selon que l’on se fie au scénario le plus probable ou le plus pessimiste. «Les déclins les plus significatifs devraient se ressentir en 2020, avec une reprise commençant en fin d’année», estime Tourism Economics. En termes absolus, l’épidémie a donc fait perdre entre 1 et 3,7 millions de touristes.

L’épidémie de SRAS avait conduit à une chute de 17% des visites en Europe depuis la Chine – sauf qu’entre-temps, le marché touristique a «massivement augmenté», souligne Tourism Economics. L’Europe avait compté 2,3 millions de visiteurs chinois en 2002, qui avaient déboursé 1,3 milliard de dollars. En 2019, 15 millions de Chinois ont parcouru le Vieux Continent et y ont dépensé 23 milliards de dollars.

Le Grand-Duché a accueilli 32.895 Chinois en 2018, et 42.247 y ont passé au moins une nuit, selon le Statec.