Suzanne Cotter porte un regard rétrospectif sur ses quatre années passées à Luxembourg. (Photo: Edouard Olszewski/Archives)

Suzanne Cotter porte un regard rétrospectif sur ses quatre années passées à Luxembourg. (Photo: Edouard Olszewski/Archives)

Suzanne Cotter a quitté la direction du Mudam, mais a accordé à Paperjam une ultime interview. L’occasion de revenir, en quelques questions, sur ces quatre années passées au sein de l’institution muséale.

Quel a été votre plus grand étonnement en arrivant à Luxembourg? Et au Mudam?

– «Au-delà de la beauté de la ville et de son site, j’ai été impressionnée par l’architecture du musée conçu par I. M. Pei et par la qualité de sa réalisation.

Quels ont été les moments forts, d’un point de vue personnel, de votre passage au Luxembourg?

«Vivre au centre de l’Europe, dans l’une de ses capitales, m’a beaucoup inspirée, culturellement et intellectuellement. Entendre tant de langues chaque jour, et le contact direct et humain avec les personnes au quotidien m’ont également marquée. Traverser le Pont Rouge à vélo pour aller au musée, flâner dans les allées du marché du centre-ville chaque samedi matin et partir en randonnée dans la forêt du Bambësch le dimanche sont de très belles expériences que je garderai toujours en mémoire.

Chaque directeur laisse un peu de soi dans la collection du musée et dans son fonctionnement. En ce qui vous concerne, que pensez-vous avoir laissé?

«On ne peut jamais deviner à l’avance ce qui restera comme héritage de sa période de direction. J’aimerais, pourtant, croire que l’ambition et la qualité des artistes et des expositions présentés, l’introduction de la collaboration avec les architectes pour la scénographie et l’introduction de la performance comme un des fils rouges de la programmation contemporaine ont contribué à une autre façon de comprendre les possibilités du musée.

Les tentatives de créer une transversalité de pensée dans le musée grâce à des activités, notamment avec la médiation et l’engagement public, et de remplacer la notion d’activités parallèles par une vision artistique globale ont été fondamentales.

Avec la collection, sa visibilité et sa présence continues dans le musée, des bases de stratégie pour celle-ci et son développement dans le futur ont également été menées avec l’idée d’envisager une suite, au-delà de ma direction.

L’acquisition d’œuvres de Jutta Koether, Nairy Baghramian, Vivian Suter, Etel Adnan et LaToya Ruby Frazier me tient particulièrement à cœur. Leur présence constitue un premier pas vers une représentation plus importante des artistes femmes et transnationales dans la collection.

Vous avez aussi considérablement fait augmenter les donations qui sont entrées dans la collection. Était-ce le seul moyen de faire entrer des œuvres en nombre dans la collection, faute de pouvoir augmenter le budget d’acquisition?

«L’histoire de toute grande collection est faite de donations. Ce n’est pas une simple question de budget, car certaines œuvres ne seraient jamais accessibles sur le marché. La dynamique des donations est composée de multiples dimensions dont les relations entre artistes, collectionneurs et le musée sont le moteur.

Une des difficultés à laquelle vous étiez confrontée est la question des réserves. Sam Tanson a annoncé dernièrement la création d’un nouvel espace de réserves mutualisées à Dudelange. Est-ce une bonne décision, de votre point de vue?

«C’est une décision essentielle pour le pays. Tous les musées et les archives sont en situation d’urgence concernant la gestion de leurs réserves. Avec ce projet de mutualisation, qui est plus qu’intelligent pour un pays de la taille du Luxembourg, il y a aussi, à mon avis, une opportunité d’établir un centre national de conservation qui apporterait de l’expertise et la possibilité de formation. Garder les œuvres et les objets du patrimoine est une chose, pouvoir les conserver pour le futur est la contrepartie souvent sous-estimée.

Une de vos ambitions, en arrivant, était de faire venir de grands noms au Mudam. Pensez-vous y être arrivée?

«Le programme de ces dernières années et celui à venir pour 2022 comprennent des noms importants, voire mondialement connus dans le monde de l’art contemporain.

Quel est votre plus beau souvenir au musée?

«Il y en a tant… Après tous les visiteurs et toutes les personnes qui m’ont accordé leur confiance, je retiens peut-être l’expérience physique et perceptible de la traversée de la passerelle du musée qui mène au pavillon, et la sensation du paysage et de ces remparts qui se rejoignent, avec la transparence et la fluidité de la pensée architecturale de Pei.

Quelle a été votre plus grande satisfaction au cours de ce mandat?

«Parmi mes grandes satisfactions, il y a le privilège de travailler avec des artistes, des architectes, des penseurs et une équipe afin de réaliser une vision artistique accessible pour le grand public.

Si c’était à refaire, que feriez-vous différemment?

«On est toujours plus sage rétrospectivement, mais les résultats sont souvent les mêmes.

Qu’avez-vous appris de cette expérience luxembourgeoise?

«Que l’Europe ne peut pas être réduite à une seule vision ou une seule perspective, ni à une langue, et que l’attachement à sa propre culture est l’une des choses les plus fortes dans la vie.

Quels sont les dossiers importants qui restent sur la table de travail?

«Le Mudam 2025, la vision stratégique pour le musée élaborée avec l’équipe.

Quel conseil donneriez-vous à Bettina Steinbrügge, votre successeure, qui arrive en avril prochain?

«Soyez généreuse.»