«La protection des vaccins est extrêmement bonne, mais cela ne ressort pas de ces chiffres officiels», estime l’épidémiologiste Claude Muller, du LIH. «Ce qui constitue une faute grave et inacceptable», selon lui. (Photo: Miikka Heinonen)

«La protection des vaccins est extrêmement bonne, mais cela ne ressort pas de ces chiffres officiels», estime l’épidémiologiste Claude Muller, du LIH. «Ce qui constitue une faute grave et inacceptable», selon lui. (Photo: Miikka Heinonen)

Si la vaccination plafonne au Luxembourg, cela est notamment dû à une mauvaise communication du gouvernement, selon Claude Muller, du LIH. Celle-ci a pour conséquence de diminuer aux yeux de la population l’efficacité pourtant excellente des vaccins.

La vaccination plafonne au Luxembourg. Une situation en partie due à la mauvaise communication du gouvernement, selon l’épidémiologiste Claude Muller, du LIH. L’excellente efficacité du vaccin est de ce fait perçue comme moins bonne qu’elle ne l’est en réalité, ce qui est inacceptable, selon le chercheur. En outre, il est temps de davantage responsabiliser les non-vaccinés. La nouvelle vague qui apparaît, si elle est inquiétante, reste en effet une vague des non-vaccinés, ceux-ci s’infectant davantage et surtout risquant bien plus de développer des formes graves et in fine de saturer les hôpitaux.

Avec 75,8% de la population de plus de 18 ans qui a reçu un schéma vaccinal complet, selon l’ECDC, la vaccination plafonne au Luxembourg, loin des 80 ou 85% que s’est fixé comme objectif le gouvernement. Comment expliquez-vous cette situation?

Claude Muller. – «C’est un problème de communication. Le gouvernement donne toujours le nombre d’infections en annonçant que, par exemple, 350 personnes infectées n’étaient pas vaccinées et que 130 étaient vaccinées, sans expliquer qu’il y a quatre fois plus de personnes vaccinées que de personnes non vaccinées éligibles. Ce genre de nombre est néfaste, car il est mal compris et induit en erreur. De fait, la protection des vaccins est extrêmement bonne, mais cela ne ressort pas de ces chiffres officiels. C’est le paradoxe de la vaccination, qui est apparemment mal compris au ministère de la Santé. Ce qui constitue une faute grave et inacceptable.

Expliquez-nous cela concrètement…

«Je prends un exemple: 11 personnes sont hospitalisées en soins intensifs, dont une personne vaccinée et 10 personnes non vaccinées. Cela signifie qu’une personne vaccinée sur les 420.000 personnes vaccinées dans le pays est en soins intensifs, contre 10 personnes non vaccinées sur les 100.000 personnes vaccinables, mais non vaccinées.

Par conséquent, le risque d’être traité en soins intensifs pour une personne non vaccinée est 40 fois plus élevé que pour une personne vaccinée. Ce qui correspond à une protection par la vaccination de 97,5% contre les soins intensifs.

Donc les vaccins sont très bons, mais, à cause de la communication officielle, ils sont perçus comme moins efficaces qu’ils ne le sont en réalité. Pire: ces nombres sont repris par la presse et suscitent de nombreuses questions ambiguës. Il faut donc une communication qui mette en évidence le grand avantage de la vaccination afin que les gens le perçoivent mieux. C’est le premier problème.

Quel autre problème identifiez-vous?

«Nous essayons toujours de protéger les personnes qui ne sont pas vaccinées. Le gouvernement les met toujours sur un même niveau que les personnes vaccinées, ce qui implique que les non-vaccinés ont les mêmes droits et libertés que les autres. Et que les vaccinés peuvent protéger les non-vaccinés.

Or, cela ne correspond pas à la réalité: il n’est pas possible de protéger ceux qui ne sont pas vaccinés. Même l’immunité collective ne les protègera pas tant qu’ils circulent et voyagent. Ceux qui ne se vaccinent pas ont fait le choix de l’infection par le virus avec tous les risques que cela implique. Il faut bien expliquer cela.

Il n’y a pas besoin de confiner les personnes vaccinées.
Claude Muller

Claude MullerépidémiologisteLuxembourg Institute of Health

Qu’est-ce que cela impliquerait comme changements concrets?

«Prenons une maison de retraite: si le virus y est introduit, les risques sont grands pour les non-vaccinés. Or, la maison de retraite ne peut pas les protéger s’ils ne sont pas vaccinés. D’un point de vue pratique, ce n’est pas possible.

Pourquoi ne pas communiquer cette information aux personnes non vaccinées, ainsi qu’à leur famille, et leur faire signer un document précisant qu’elles ont été informées qu’il n’y a pas de garantie de protection? Ainsi, la responsabilité pèsera sur les personnes non vaccinées et leur famille. Et les gens réfléchiront à deux fois avant de signer un tel document. Ils préféreront alors peut-être se voir administrer le vaccin ou une troisième dose…

Dans le même ordre d’idées, il est aussi nécessaire de responsabiliser davantage les parents…

Comment cela?

«Les parents non vaccinés d’enfants qui ne sont pas non plus vaccinés sont un pont de transmission du virus entre le milieu du travail et l’école: un parent est contaminé au travail, puis infecte l’enfant, qui transmet l’infection à l’école – et inversement. Il faut donc davantage les responsabiliser personnellement.

Cela permet par ailleurs de mieux protéger les enfants qui ne peuvent pas être vaccinés en raison de leur âge.

Estimez-vous que les enfants de moins de 12 ans doivent aussi être vaccinés?

«Oui, ils seront aussi vaccinés. Tout d’abord, car ils contribuent à la transmission du virus. Puis parce que, même si les infections sont moins graves, il y a quand même un certain risque, surtout de Covid long.

Un autre problème est que ces enfants risquent de ne jamais être vaccinés lorsqu’ils seront plus âgés. Donc il est mieux, d’un point de vue de santé publique, de les vacciner dès qu’ils sont enfants. La vaccination contre le Covid deviendra d’ailleurs tôt ou tard une vaccination pédiatrique. Mais cette décision ne viendra que dans quelques années…

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) craint jusqu’à 500.000 morts de plus en Europe cet hiver. Le Luxembourg est-il concerné?

«Désormais, ce ne sont plus les pays qui sont directement concernés, mais plutôt les personnes qui ne sont pas vaccinées. Cette quatrième vague est une vague des non-vaccinés: ils sont parmi les 500.000 morts. Eux et ceux qui ont perdu leur protection vaccinale en raison de l’âge, de comorbidités et de l’intervalle avant l’injection du booster.

La courbe des hospitalisations est à nouveau à la hausse. La dynamique est-elle inquiétante?

«Chaque jour, je regarde les soins intensifs. J’ai toujours l’espoir que leur nombre n’augmente pas. Mais cela augmente un peu plus rapidement qu’attendu… Probablement parce que l’immunité va en diminuant et que l’administration de la troisième dose n’est pas suffisamment rapide parmi les personnes à risque. Donc, oui, il y a une certaine inquiétude.

Un nouveau confinement plus ou moins strict est-il envisageable?

«Si confinement il y a, il sera alors limité à ceux qui ne sont pas vaccinés. Cela suffira. Il n’y a pas besoin de confiner les personnes vaccinées. et d’autres pays vont suivre.»